La dur�e de protection des �uvres par le copyright �tait jusqu’en 1998 de soixante-quinze ans, quand ces droits �taient d�tenus par une entreprise. Sous la forte pression de grands groupes comme Walt Disney Company, qui craignait de voir Mickey tomber dans le domaine public, le Congr�s a vot�, en octobre 1998, le Sonny Bono Copyright Term Extension Act. Cette loi permet aux �uvres d’�tre prot�g�es jusqu’� soixante-dix ans apr�s la mort de leur auteur et jusqu’� quatre-vingt-quinze ans apr�s la premi�re publication ou �dition, lorsque le d�tenteur des droits est une personne morale.
Ce texte l�gislatif a d�plu aux nombreux �diteurs qui voulaient utiliser des personnages c�l�bres ou pr�parer une nouvelle �dition d’�uvres, devant tomber dans le domaine public. L’un d’eux, Eric Eldred qui publiait sur son site Internet des livres d�j� exempts du copyright a consid�r� la loi de 1998, anticonstitutionnelle au nom d’un droit d’acc�s � la culture et a saisi la justice.
La cour de Washington DC et la cour d’appel l’ont d�bout�, puis la Cour supr�me a d�cid� de se saisir de l’affaire. Le probl�me qui s’�tait alors pos� aux juges r�sultait de l’interpr�tation de la Constitution am�ricaine qui stipule que le Congr�s est comp�tent pour "promouvoir le progr�s de la science et des arts utiles en assurant pour un temps limit�, aux auteurs et inventeurs, un droit exclusif sur leurs �crits et d�couvertes respectifs".
L’avocat Lawrence Lessig c�l�bre pour son combat en faveur de l’internet, d�fendait E. Eldred et a soutenu devant le Congr�s qu’on ne peut "restreindre le domaine public dans son ensemble pour �tendre le monopole de quelques groupes priv�s" avec la cons�quence de priver le public de ces �uvres et qu’"en �tendant encore la dur�e de la protection, le Congr�s ne remplissait pas son devoir". Le but doit �tre de stimuler la cr�ativit� des auteurs, pas de constituer une rente �ternelle � leurs h�ritiers et aux entreprises qui d�tiennent les droits, a �galement pr�cis� E. Eldred. Enfin, un dernier argument juridique �tait soulev� : la dur�e du droit d’auteur ne pouvait �tre augment�e r�troactivement.
Le lobby du cin�ma men� par Disney r�torquait que l’extension des copyrights et donc les produits financiers qui en d�coulent permettent la restauration de milliers de films classiques.
La Cour supr�me a tranch�. Elle a d�cid� que le Sonny Bono Act n’�tait pas anticonstitutionnel, et que l’extension de la dur�e du copyright n’�tait pas contraire au "temps limit�" pr�vu par la Constitution. Elle a ainsi rendu une d�cision en faveur des int�r�ts des entreprises et des auteurs plut�t que ceux du public.
Elle a donc privil�gi� le droit de propri�t� par rapport au droit � la culture et � l’information.
Cette d�cision n’est pas �tonnante, elle refl�te bien la conception am�ricaine du copyright pour laquelle les consid�rations �conomiques sont pr�pond�rantes.
Le paradoxe, comme l’ont remarqu� L. Lessig et son client, c’est que l’une des soci�t�s les plus actives dans cette lutte, la compagnie Disney, doit en partie son succ�s � des personnages tomb�s dans le domaine public.
En France, les h�ritiers de Victor Hugo avaient eu beau jeu de tenter d’interdire l’adaptation par le g�ant de l’animation pour enfants, du Bossu de Notre Dame, leur droit moral (qui n’existe pas en copyright) n’y avait rien pu.
Ici, c’est l’acc�s � la culture qui n’a pas r�sist� aux int�r�ts des poids lourds de l’�conomie cin�matographique.