Rien, dans ce qui vient d’�tre �nonc�, ne s’oppose donc, en principe, � ce que la distribution s�lective, sp�cialement celle de l’industrie du luxe, ne s’adapte � Internet (I�re partie).
Cependant, on va le voir, aussi bien les contrats que les mentalit�s doivent s’adapter � cette nouvelle �conomie, plus proche de l’�tat d’esprit des maisons de luxe qu’il n’y parait � premi�re vue (II�me partie).
I - Compatibilit� de principe entre la distribution par r�seau de distributeurs, et la distribution en r�seau �lectronique.
A - Au regard du droit de la concurrence
Juridiquement et conform�ment au droit de la concurrence, la vente sur internet ne peut, par principe, faire l’objet d’une interdiction pure et simple. La Commission europ�enne consid�re en effet, dans ses lignes directrices sur les restrictions verticales, que " l’interdiction cat�gorique de vendre sur Internet ou sur catalogue n’est admissible que si elle est objectivement justifi�e ".
Ceci �tant rappel�, la commission pr�cise cependant, qu’un fournisseur pourrait imposer sur internet les crit�res suivants :
r�server la vente de ses produits sur internet � ses d�taillants pr�alablement agr��s pour un point de vente physique ;
exiger des conseils on-line ;
exiger une page par produit ;
exiger des pages r�serv�es � la marque sur le site internet,
contr�ler le graphisme et la pr�sentation en ad�quation avec l’image de luxe des produits.
D’une mani�re g�n�rale, la Commission europ�enne a indiqu� dans son rapport sur la politique de concurrence 2000, rendu public le 7 Mai 2001, que toutes les actions que des fabricants pourraient entreprendre afin de prot�ger leurs circuits de distribution traditionnels des effets favorables � la concurrence du commerce �lectronique seraient poursuivies au motif " qu’un tel comportement emp�che les consommateurs de profiter pleinement des avantages du commerce �lectronique".
A l’inverse, la Commission a approuv� le syst�me de distribution s�lective des parfums Yves-Saint Laurent qui habilite ses d�taillants agr��s, exploitant pr�alablement un point de vente physique, � vendre leurs produits via Internet, selon des crit�res contractuellement et pr�alablement d�finis.
B - Au regard de la logique spatiale
Certains auteurs ont �crit, un peu vite, que la vente de produits de luxe sur le net apparaissait actuellement comme contraire au mod�le fix� par la distribution s�lective au motif qu’il y a une logique spatiale de la distribution s�lective, " le fabricant voulant pr�server l’image de marque ou de produit de distinction en ne livrant que dans des lieux hors du commun " (J. Beauchard Droit de la distribution et de la consommation PUF 1996), le produit de luxe perdant cette qualit� s’il est en vente partout � l’instar d’un produit de grande consommation.
De m�me, le Professeur Michel Vivant �crit : " la distribution s�lective postule un maillage du territoire et le caract�re virtuel de l’internet ignorant toute notion de territoire est aux antipodes d’une telle architecture ".
En r�alit�, le r�seau internet est, comme son nom l’indique et comme le r�seau de distribution s�lective, un r�seau, et donc un maillage contractuel et physique qui n’est pas si diff�rent du maillage g�ographique que suppose la distribution s�lective des produits de luxe. En particulier, internet n’ignore pas la notion de territoire, puisqu’il appara�t comme pouvant couvrir potentiellement la terre enti�re. Et ce sont ces aspects, mondialiste et incontr�lable, qui nourrissent des craintes chez ces auteurs et certains acteurs du luxe encore r�ticents � s’ouvrir � ce mode de communication commerciale, et plus pr�cis�ment au commerce �lectronique.
Nous pensons donc qu’il n’existe pas d’incompatibilit� de principe entre la vente en ligne et la distribution s�lective, et qu’en outre, conform�ment au droit de la concurrence, il appara�t difficilement justifiable pour un fournisseur d’interdire purement et simplement la vente de ses produits sur internet. Cependant, il est n�cessaire de repenser les m�canismes contractuels actuels, seuls capables de fixer des obligations strictes aux diff�rents intervenants de la cha�ne contractuelle, de nature � permettre un contr�le efficace du fournisseur ou du fabricant.
C’est en effet, l’objet du contrat que de r�pondre � cette exigence de l’industrie du luxe d’acc�der, en pleine confiance, � ce nouveau march�, mais il appartient �galement aux grandes maisons d’inventer une nouvelle forme de distribution privil�gi�e avec ses clients via internet et de cr�er ou de maintenir une valeur sp�cifique aux produits qui seront pr�sents, voire commercialis�s, sur le net.
II - Adaptations contractuelles et cr�ativit� des maisons de luxe
A - Adaptations contractuelles
La commission europ�enne a donn� quelques pistes. Le fournisseur serait en droit d’imposer, contractuellement, � ses distributeurs susceptibles de vendre ses produits en ligne, certaines exigences dont on rappelle ici les points essentiels :
r�server la vente sur internet aux seuls d�taillants pr�alablement agr��s pour un point de vente physique ;
exiger des conseils on-line ;
exiger une page par produit ;
exiger des pages r�serv�es � la marque sur le site internet ;
contr�ler le graphisme et la pr�sentation qui doivent absolument �tre en ad�quation avec l’image de luxe des produits.
Il est important de noter qu’on trouvera selon les produits, bien d’autres exigences propres � telle ou telle maison.
Par ailleurs, toute une batterie de contrats devra �tre mise sur pied. Contrat d’approvisionnement, de transport, de maintenance... On retrouvera l’interdiction faite au distributeur agr�� de revendre � un distributeur non agr��. On pourra int�grer de nouvelles restrictions tenant au nombre d’achats effectu�s par visite du site. Pour pallier au caract�re apparemment sans limite du territoire potentiel vis� par un site, il suffira d’interdire au distributeur de r�pondre � des demandes de zones ne correspondant pas au territoire assign� sauf � pr�voir une r�attribution des commandes incorrectement orient�es.
La collaboration entre le fournisseur, promoteur du r�seau et les distributeurs peut �galement �tre recherch�e de mani�re � optimiser les activit�s de chacun en cr�ant un site sur lequel les clients en fonction de leur localisation et de leur besoins, trouveront l’adresse, voire le site du distributeur le mieux plac� pour traiter leur demande. La concurrence de l’activit� peut-�tre poursuivie � travers la mise en commun de publicit�, de fichiers de client�le, d’offres de produits ou de services.
La question des noms de domaine devra faire l’objet d’un s�rieux examen. Il ne saurait �tre question de permettre � un distributeur de disposer de la marque de celui qu’il distribue sur une adresse internet.
Jusque r�cemment, il y avait int�r�t pour les soci�t� commerciales de se faire r�f�rencer en .fr ou tm.fr (pour les marques) car L’AFNIC demandait au d�posant de justifier de ses droits sur le nom, � la diff�rence des .com. Depuis le 20 septembre 2001, ces justificatifs ne sont plus demand�s mais une recherche en amont serait, selon les derni�res informations, faite en collaboration avec les organismes d’enregistrement des marques tel l’INPI ou Infogreffe afin de limiter l’usurpation des noms de domaine. En tout �tat de cause, le choix des noms de domaine est une question importante de m�me le r�f�rencement du site dans les moteurs de recherches (voir la d�cision du TGI de Paris du 5 septembre 2001).
S’il faut, pour le juriste, faire preuve de souplesse et d’anticipation pour les contrats sp�cifiques du luxe et de l’internet, il n’en reste pas moins que ce sont les acteurs de cet univers du luxe qui cr�eront cette nouvelle forme de distribution. La soci�t� BACCARAT est l’exemple type de cette nouvelle forme de cr�ativit� commerciale.
B - L’exemple BACCARAT
Dans l’interview qu’elle a accord� � WEBDELUXE en juillet dernier (propos recueillis par Yves Calm�jane), Madame Lydie S�dilli�re, Responsable marketing op�rationnel de la soci�t� BACCARAT, illustre parfaitement cette exigence d’inventivit� face � ce nouveau mode de communication.
Elle explique que la soci�t� forte de ces 230 ann�es d’exp�rience utilise internet comme un outil suppl�mentaire permettant de donner une autre image de la marque, de valoriser de nouveaux m�tiers, de trouver de nouvelles id�es.
Sur la question des distributeurs BACCARAT, Madame Sedilli�re explique qu’il " s’agit de les aider � pr�senter BACCARAT sur leur site de fa�on � ce que le client final ait une perception homog�ne de BACCARAT que ce soit dans une boutique, un magasin multimarques, un grand magasin, ou notre site ".
Elle poursuit, " Nous pr�parons un Webpack qui va permettre � un distributeur souhaitant pr�senter BACCARAT de pouvoir puiser dans les banques de donn�es, informations, photos de produits, textes, etc.. afin de communiquer au client final. Ces gens l� seront labellis�s ce qui permettra aux internautes de faire la diff�rence avec un distributeur non agr�� et sauvage utilisant notre marque et nos produits sans notre accord ".
Sur la question de l’e-commerce, elle conclut " Nous ne disons pas jamais... Pour l’instant, nous construisons la relation avec le point de vente et nous nous servons de toute cette exp�rience pour aller plus loin ".
On voit donc avec l’exemple de cette prestigieuse et ancienne maison de luxe, que les recommandations juridiques, et contractuelles dans le domaine de l’internet, ne sont que la traduction des exigences d’image et de marketing, propres aux produits de luxe.