Aux Etats-Unis d�s le d�but et contrairement � la France, le cin�ma a �t� avant tout une affaire commerciale, les films sortaient des studios comme les voitures Ford des cha�nes d’assemblage. Aussi d�s la seconde guerre mondiale, la production cin�matographique est devenue essentiellement am�ricaine. Le cin�ma devenant l’une des industries les plus florissantes du 20�me si�cle. Ainsi, au sommet de sa popularit� dans les ann�es 40 et 50, les studios produisaient jusqu’� 400 films par an.
Afin de lutter contre cette pr�dominance du cin�ma am�ricain, la France a mis en place d�s 1945 un syst�me de financement pour les films fran�ais, le fondement de celui existant actuellement.
Le Centre National de la Cin�matographie est donc n� en 1946.
L’exception culturelle �galement.
Cette rivalit� historique entre la France et les Etats-Unis dans la production cin�matographique est toujours d’actualit� et se manifeste dans le paradoxe suivant : le cin�ma am�ricain est toujours plus pr�sent, le cin�ma fran�ais est toujours plus vigoureux.
Aux Etats-Unis, le cin�ma subit les m�mes r�gles que n’importe quelle industrie : les lois du march� (de l’offre et de la demande) et de la concurrence. Dans le respect de ces r�gles, le financement des films am�ricains est assur� par les studios hollywoodiens en partenariat avec des grands groupes de communication. "Le syst�me des studios" (tel qu’il est appel�) est bas�, comme pour toute industrie, sur le principe de productivit�.
Il consiste pour les grandes "Majors" � financer principalement des "Blockbusters" (films � gros budgets fabriqu�s uniquement pour rapporter beaucoup d’argent) gr�ce � l’argent amass� par les pr�c�dents. Ce syst�me engendre in�vitablement des surench�res financi�res dont on ne conna�t pas les limites.
En outre, il emploie des milliers d’acteurs, de producteurs, de r�alisateurs, de sc�naristes, de cascadeurs, d’artisans et de techniciens. Le statut de salari� est plus rentable car il leur permet de mieux contr�ler les co�ts de la main d’�uvre (comme l’augmentation des salaires, les embauches) et les salari�s eux-m�mes (gr�ce au lien de subordination employeur/employ�s). Ce qui explique les nombreuses gr�ves � r�p�tition des sc�naristes ou des acteurs, en protestation de leurs conditions de travail et de salaires.
En France, le syst�me de financement du cin�ma est fondamentalement �galitaire. L’essentiel des moyens financiers accord�s au cin�ma provient de ressources pr�lev�es sur les taxes d’exploitation des films en salle et en vid�o et sur les recettes des cha�nes de t�l�vision priv�es et publiques (3,2% de leur chiffre d’affaire net de l’ann�e pr�c�dente).
Ensuite, ces ressources financi�res sont redistribu�es par le CNC (Centre National de la Cin�matographie).
A cela s’ajoute le financement des Sofica (soci�t�s de financement de l’industrie cin�matographique et de l’audiovisuel) cr��es en 1985 par l’Etat afin de soutenir le cin�ma fran�ais, en crise � cette �poque.
Ce sont des soci�t�s d’investissement agr��es par le CNC et destin�es � la collecte de fonds consacr�s exclusivement au financement d’�uvres audiovisuelles et cin�matographiques. En contrepartie de leurs investissements, les Sofica b�n�ficient de droits � recettes sur l’exploitation future des �uvres.
Enfin depuis quelques ann�es, on assiste � l’�mergence d’aides r�gionales comme source de financement de la production cin�matographique. L’exemple de Rh�ne-Alpes Cin�ma est le plus ancien. Elles peuvent en attendre des retomb�es en termes d’image, de notori�t� ou financi�res, m�me si dans ce dernier cas elles sont plus modestes (Rh�ne-Alpes Cin�ma a r�cup�r� en moyenne seulement 50 % du capital investi sur 5 � 8 ans).
Contrairement au syst�me am�ricain, cette multitude de sources de financement permet d’assurer une diversit� dans les films produits.
La confrontation de ces deux syst�mes de financement du cin�ma d�voile deux conceptions du cin�ma. L’une industrielle, l’autre culturelle. Mais ce clivage est un peu r�ducteur. En France, le cin�ma est �galement une industrie du moment o� il existe une �conomie du cin�ma (il rapporte de l’argent, des soci�t�s sont cr��es pour son fonctionnement, des emplois d�pendent de lui).
Aux Etats-Unis, certains films consid�r�s comme des "Blockbusters" � une �poque, sont per�us aujourd’hui comme des films d’auteurs : Le Parrain de Francis Ford Coppola en est un exemple. N’oublions pas �galement l’existence d’un cin�ma ind�pendant am�ricain, r�v�l� chaque ann�e au festival de Sundance notamment. Un cin�ma qui porte bien son nom car son financement ne provient pas des gros studios am�ricains. Il vit gr�ce au financement de quelques soci�t�s de production am�ricaines ind�pendantes et paradoxalement, encore, gr�ce � l’argent du cin�ma fran�ais. Que seraient les films de Lynch ou de Woody Allen sans Studio Canal ?
Enfin, au c�ur de cette relation passionnelle entre am�ricains et fran�ais par �crans interpos�s, quelle est la position adopt�e par l’Europe ?
L’Europe m�ne � la fois une politique lib�rale et culturelle. Les r�gles communautaires de concurrence s’appliquent � toutes les entreprises europ�ennes dont les entreprises culturelles.
Toutefois dans l’article 87 � 3-d du trait� CE il est sp�cifi� que "peuvent �tre consid�r�es comme compatibles avec le march� commun, les aides destin�es � promouvoir la culture et la conservation du patrimoine, quand elles n’alt�rent pas les conditions des �changes et de la concurrence dans la Communaut� dans une mesure contraire � l’int�r�t commun".
Par cet article, l’Union europ�enne reconna�t l’importance de la culture europ�enne et sa diversit� et justifie ainsi l’existence de politiques nationales de soutien � la culture, dont le cin�ma. Ces politiques nationales d’aides au cin�ma sont cependant sous contr�le de la Commission Europ�enne. Jusqu’� pr�sent toutes ont �t� homologu�es. Mais en 2004, ces politiques seront rediscut�es et peut �tre remises en cause.
L’Europe a �galement son propre syst�me d’aides au cin�ma et � l’audiovisuel. Le Programme MEDIA+ "soutient la distribution et la diffusion des oeuvres audiovisuelles (fictions, documentaires, animation, programmes interactifs) et des films europ�ens dans les salles de cin�ma, en vid�o, sur support num�rique et � la t�l�vision. Des aides sont aussi apport�es � la mise en place de r�seaux de salles actives dans la promotion et la programmation des films europ�ens", comme le d�finit la Commission Europ�enne.
Beaucoup de professionnels protestent contre le manque de moyens financiers accord�s au cin�ma par la Commission Europ�enne. Il est certain qu’ils sont d�risoires. Le budget de MEDIA+ est de 400 millions d’euros sur 5 ans (2001-2005) r�parti entre 17 pays (en comparaison, il s’agit du m�me budget consacr� chaque ann�e par la France au soutien de son cin�ma).
Mais l’Europe serait sans doute moins r�ticente � accorder une aide plus cons�quente au cin�ma si elle �tait certaine que les professionnels ne se contentaient pas des subventions pour leurs films. Il n’est pas dans la mentalit� de tous les Etats Europ�ens de subventionner autant la culture, comme c’est le cas en France.
En outre malgr� ces aides (europ�ennes, nationales et r�gionales) � la disposition de l’industrie cin�matographique europ�enne, le cin�ma am�ricain n’a rien perdu de son monopole. Sans doute parce que les Europ�ens n’ont pas encore su s’unir pour cr�er un cin�ma au niveau europ�en et concurrencer ainsi le cin�ma am�ricain.
C’�tait l’une des ambitions de Canal+ et de Daniel Toscan du Plantier. Les difficult� du groupe de t�l�vision crypt�e et la disparition pr�matur�e du grand producteur laisse le milieu du cin�ma fran�ais dans une sorte de d�sarroi et d’attentisme sur ces questions.
Cr�er une journ�e du Cin�ma Europ�en ou les Europeans films Awards (les Felix) ou un C�sar du meilleur film europ�en ( institu� cette ann�e) est d�j� un pas vers l’existence d’un cin�ma europ�en.
A Avocats-Publishing, nous avons choisi de consacrer une rubrique � part enti�re � ce th�me du cin�ma europ�en sous la direction de Yannick-El�onore SCARAMOZZINO.
Diverses solutions sont envisageables. S’il existait des soci�t�s de production et de distribution europ�ennes, elles auraient plus de poids financi�rement : les films nationaux seraient alors diffus�s sur tout le territoire de l’Union Europ�enne, resteraient plus longtemps � l’affiche (comme le n�gocie les studios am�ricains), s’exporteraient plus facilement au-del� du march� europ�en. Ils toucheraient un plus grand public et auraient moins de probl�me de rentabilit�.
Les aides de l’Europe pourraient alors �tre destin�es � soutenir des "petits films" europ�ens qui eux en ont r�ellement besoin pour exister.
Enfin et surtout, l’Europe doit se d�cider � s’impliquer pleinement dans la d�fense du cin�ma europ�en, au lieu de conserver cette ambigu�t� entre une politique de concurrence et une volont� de cr�er une identit� culturelle europ�enne.