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EXERCICE DE LA PROFESSION
L’Ordre parisien des avocats peut-il encore avoir un r�le prospectif ?
Publié le jeudi 15 mai 2003
Par Guillaume le Foyer de Costil
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En l’�tat de la loi (1), de sa composition habituelle et de sa dynamique propre (2), l’Ordre des avocats au barreau de Paris peut-il vraiment avoir un r�le prospectif ? la r�ponse n’est pas certainement affirmative ; ne faut-il pas recentrer l’Ordre sur ses missions l�gales ? (3)

Le libell� de cette question est r�dig� de fa�on volontairement provocante, mais celle-ci est fondamentale.

1 - La Loi :

Aux termes de la loi n° 71-1130 du 31 d�cembre 1971 r�form�e notamment en 1990,

« article 17 :

Le Conseil de l’Ordre a pour attributions de traiter toutes questions int�ressant l’exercice de la profession et de veiller � l’observation des devoirs des avocats ainsi qu’� la protection de leurs droits. Il a pour t�che notamment :

...

-   5) de traiter toutes questions int�ressant l’exercice de la profession, la d�fense des droits des avocats et la stricte observation de leurs devoirs ».

Mais le Conseil de l’Ordre a �galement d’autres missions beaucoup plus importantes, et qui sont, elles, de son seul ressort :

-   « arr�ter et s’il y a lieu modifier les dispositions du R�glement Int�rieur,

-   statuer sur l’inscription au tableau des avocats,

-   exercer la discipline dans les conditions pr�vues par les articles 22 � 25 de la loi,

-   maintenir les principes de probit�, de d�sint�ressement, de mod�ration et de confraternit� sur lesquels repose la profession et exercer la surveillance que l’honneur et l’int�r�t de ses membres rendent n�cessaires,
-   veiller � ce que les avocats soient exacts aux audiences et se comportent en loyaux auxiliaires de justice...

-   g�rer les biens de l’Ordre, pr�parer le budget, fixer le montant des cotisations des avocats

-   organiser les services g�n�raux de recherche et de documentation n�cessaires � l’exercice de la profession,

-   v�rifier la tenue de la comptabilit� des avocats, personnes physiques ou morales et l’appr�ciation des garanties,

-   assurer dans son ressort l’ex�cution des d�cisions prises par le Conseil National des Barreaux.

Si la loi ouvre au Conseil de l’Ordre, et donc � l’Ordre, la possibilit� de traiter les questions int�ressant l’exercice de la profession et la d�fense des droits des avocats, dans la stricte observation de leurs devoirs, cette mission figure au milieu de tr�s nombreuses autres t�ches dont l’importance est � l’�vidence plus grande.

Enfin l’article 19 de la loi rappelle que « toute d�lib�ration ou d�cision du Conseil de l’Ordre �trang�re aux attributions de ce Conseil ou contraire aux dispositions l�gislatives ou r�glementaires est annul�e par la Cour d’Appel sur les r�quisitions du Procureur G�n�ral et que les d�cisions ou d�lib�rations de nature � l�ser les int�r�ts professionnels d’un avocat peuvent �tre d�f�r�s par celui-ci � la m�me Cour d’Appel ».

La lecture de ces textes met en �vidence que la mission principale et essentielle de chacun des Ordres des avocats, et sp�cialement celui de Paris, qui devrait conserver la pleine comp�tence disciplinaire, reste de « surveiller et punir » et que n’est qu’accessoire la fonction qui consiste � r�fl�chir aux devenir des avocats, de la profession et des textes qui les gouvernent.

On en d�duit enfin que la loi ne semble permettre au Conseil de l’Ordre de r�fl�chir qu’aux textes qui gouvernent la condition ou l’exercice de la profession des avocats.

2 - l’Ordre et la r�flexion prospective, la situation actuelle :

Au regard des principes l�gaux rappel�s ci-dessus on constate que les Conseils de l’Ordre, et sp�cialement celui de Paris, ont mis en place des structures de r�flexion nombreuses, concurrentes et vari�es (dont le Comit� d’Ethique), qui utilisent les moyens de l’Ordre pour remplir une mission qui en apparence ne semble pas lui �tre d�volue.

2.1 - les causes d’une d�rive :

Les Ordres sont gouvern�s par des organes (Conseil de l’Ordre et B�tonnier), �lus au suffrage universel direct au terme de combats �lectoraux souvent intenses au cours desquels les voix des �lecteurs sont sollicit�es, non plus comme autrefois par la simple notori�t� sociale du candidat, mais par de v�ritables programmes dans lesquels l’�volution des textes les plus vari�s leur est promise, alors pourtant que la modification desdits textes n’est pas de la comp�tence des �lus, mais r�glementaire ou l�gislative.

Et comme l’usage veut que les candidats ne se d�nigrent pas entre eux, aucun ne rappelle � l’autre que les promesses qu’il fait sont vaines et qu’il n’aura pas la comp�tence de r�former la situation qu’il d�nonce.

Enfin, il n’est pas exag�r� de rappeler que, dans le milieu des avocats, la fibre r�pressive et r�gulatrice est peu d�velopp�e de telle sorte que les candidats qu imaginent de promettre dans leur campagne de mieux surveiller et de mieux punir pensent, (peut-�tre � tort) qu’un tel argumentaire n’est pas v�ritablement porteur de leurs voix ; le prestige qui s’attache � l’action r�formatrice et � la r�flexion sur les grands sujets est beaucoup plus grand que celui qui atteint l’avocat juge ou Procureur.

Ces candidats �tant aujourd’hui le plus souvent soutenus et pr�sent�s par d’autres corps (les syndicats et associations chez qui la prospective est une seconde nature), une fois l’�lu en place, le r�flexe prospectif demeure ; les membres �lus ne peuvent se d�partir de leurs r�flexes syndicaux et du d�sir de r�former ou am�liorer une soci�t� de professionnels qu’ils ne sont pourtant charg�s que d’administrer et r�guler.

Ce syndrome est plus fort encore chez le B�tonnier que chez les membres du Conseil ; l’�lection du chef de l’Ordre au suffrage universel direct a pour effet de lui conf�rer une l�gitimit� pr�sidentielle hypertrophi�e et parfois injustifi�e ; les r�centes r�formes de la pratique disciplinaire, qui ont conduit � l’�carter de la fonction r�gulatrice font que l’organisateur du Conseil et le ma�tre de son ordre du jour ne tire son prestige que de ses innovations, de sa communication ext�rieure sur des sujets de soci�t�, ce qui accro�t davantage encore la d�rive constat�e dans l’exercice des fonctions ordinales.

Ce travers est moins perceptible dans les Barreaux autres que celui de Paris, gr�ce � la place qu’� pris le Conseil National des Barreaux, au d�veloppement de ses pouvoirs, mais il est certain que cette d�rive, si elle a pour effet de multiplier favorablement les lieux de r�flexion, port atteinte � la l�gitimit� du r�le r�gulateur de l’Ordre et transf�re peu � peu ces fonctions aux autorit�s publiques, r�glementaire administrative et surtout judiciaire.

2.2 - Les sujets �tranges de l’action prospective de l’Ordre :

A cette d�rive s’en ajoute une autre : l�galement, l’Ordre sort de son objet lorsqu’il r�fl�chit � autre chose qu’aux avocats.

Les seuls sujets auxquels l’Ordre semble librement pouvoir r�fl�chir sans surveiller, punir, r�guler ou administrer, sont « toute question int�ressant l’exercice de la profession, la d�fense des droits des avocats et la stricte observation de leurs devoirs ».

D�s lors, et si l’on prend le texte � la lettre, l’Ordre ne pourrait s’int�resser � d’autres sujets ; notamment pas aux questions de proc�dure, ni aux questions de soci�t�.

La r�alit�, m�me si le texte ne l’a pas pr�vu, est qu’il a toujours �t� consid�r� que les questions de proc�dure p�nale et civile int�ressaient l’exercice de la profession en ce qu’elle la facilitent ou au contraire la rendent plus complexe.

De m�me est-il naturel et normal que, dans ce cadre, le Conseil de l’Ordre entretienne avec les juridictions du ressort des relations fonctionnelles et m�me parfois organiques, tant il est vrai que c’est souvent de la suggestion de ses acteurs que viennent les meilleurs r�formes des proc�dures.

Pour autant, cette situation donne-t-elle au Conseil de l’Ordre le droit de s’int�resser aux grands sujets de soci�t�, comme le pacte civil de solidarit�, l’exercice ill�gal du droit, les relations avec les professions du chiffre, ou m�me la d�fense des droits de l’enfant ? rien n’est moins s�r.

Enfin une tradition bien �tablie a toujours conduit les avocats � s’int�resser � la d�fense des libert�s.

Faut-il s’indigner de cette « ill�galit� » ? Vraisemblablement pas.

Faut-il que cette action s’exerce dans le cadre propre du Conseil de l’Ordre dont la mission est pr�cis�ment d’encadrer, restreindre et limiter la libert� d’action de l’avocat ? C’est moins certain.

Les solutions propos�es infra permettent de r�concilier ces deux pr�occupations antagonistes.

3 - Pour rendre les Conseils de l’Ordre � leurs missions fondamentales, il faut rendre la prospective � ses acteurs naturels :

Plusieurs candidats aux fonctions de B�tonnier ont �mis dans leur programme le v�u de :

« Recentrer l’Ordre sur ses missions essentielles ».

Comment ne pas approuver un tel souhait ?

Permettre � l’Ordre de laisser la perspective de c�t�, ce n’est pas faire dispara�tre toute r�flexion sur la communaut� des avocats.

Les acteurs de la prospective sont en effet nombreux :

-  Tout d’abord l’avocat lui-m�me, agissant individuellement, est, depuis plusieurs si�cles, l’un des acteurs essentiels de la soci�t� des libert�s et lui a fourni son mouvement premier ; son temp�rament traditionnellement port� vers la d�fense des libert�s individuelles nous assure que cette r�flexion s’exercera dans le sens le plus lib�ral ; l’avocat individuel a toujours su obtenir des vecteurs de la pens�e qu’ils soient le support de sa parole.

Nombreux sont les avocats qui s’expriment dans les tribunes libres des grands journaux ; certains de nos confr�res occupent souvent des fonctions prestigieuses, minist�rielles ou parlementaires, qui donnent � leur r�flexion une dimension l�gitime et sup�rieure. Faut-il que l’Ordre s’ajoute � ce concert ?

-  Les syndicats professionnels d’avocats, les diverses associations du Palais ou du monde juridique sont les lieux naturels de la r�flexion prospective ; il est incontestable que l’appropriation par les Conseils de l’Ordre de l’essentiel des facult�s de r�flexion et de prospective des meilleurs d’entre nous a contribu� � l’appauvrissement de la r�flexion syndicale et � la diminution, par une r�duction anormale de ses effectifs, des moyens du syndicalisme professionnel.

Certains Conseils de l’Ordre et sp�cialement celui de Paris sont en fait des syndicats professionnels � cotisations obligatoires ; au pr�texte que les Conseils de l’Ordre sont habilit�s � traiter toutes questions int�ressant l’exercice de la profession et la d�fense des droits des avocats, certains ont cru qu’il n’�tait plus utile que subsistent ou existent les syndicats et associations qui les repr�sentent depuis 70 ans et ont obtenu par l’action de leurs membres et de leurs responsables les �volutions nombreuses que la profession a connu. Est-ce juste et raisonnable ?

Certes, par le m�canisme des subventions, l’Ordre reverse-t-il une partie de ces cotisations obligatoires � leurs destinataires naturels.

Mais la d�pendance et le contr�le que ces m�canismes induisent sont malsains.

« Que fait l’Ordre ! » ; c’est en ces termes que les avocats d’aujourd’hui d�noncent parfois une abstention ordinale alors que la situation qu’ils rel�vent ne ressortit en rien de la comp�tence de l’institution.

Les attentes de nos Confr�res sont souvent d��ues parce qu’elles sont ill�gitimes et que les promesses qui leur sont faites par les candidats aux fonctions ordinales sont finalement ill�gales. Une �volution est donc souhaitable.

-  Le Conseil National des Barreaux, cr�� il y a plus de 10 ans, est un lieu de rencontre national, dans lequel les composantes syndicales sont int�gr�es de fa�on institutionnelle ; il semble devoir maintenant �tre l’un des lieux naturels de la r�flexion prospective.

Cette �volution doit �tre approuv�e en ce qu’elle « d�parisianise » cette r�flexion ; par ailleurs, cette institution n’a pas de pouvoirs de r�gulation ; c’est fort justement que le l�gislateur, en lui confiant le pouvoir de cr�er le R�glement Int�rieur National (ou « Harmonis� ») permet que l’autorit� qui �nonce la r�gle ne soit pas la m�me que celle qui l’applique.

Mais on observera que le Conseil National des Barreaux, comme le Conseil de l’Ordre, ne permettent la r�flexion qu’� leurs membres et � quelques « happy few » ; c’est donc seulement dans le cadre des syndicats et associations, seuls organes ouverts � tous les avocats, que pourra �tre int�gr�e la pens�e la plus originale, m�me si elle est souvent chaotique de ceux que leur personnalit� prive parfois de tout espoir �lectoral.

Il importe donc que l’ordre et son conseil se concentrent sur ses missions de r�gulation et laisse la r�flexion � ceux dont c’est la fonction premi�re.

Auteur
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Guillaume le Foyer de Costil
Avocat au barreau de Paris

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