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PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE
L’authenticit� des oeuvres d’art de l’antiquit� (troisi�me partie)
Publié le lundi 24 novembre 2003
Par V�ronique Tharreau
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CHAPITRE II : LE SORT DE LA VENTE D’UNE �UVRE D’ART DE L’ANTIQUITE

Hormis la nullit� de la cession, sanction spontan�e du d�faut d’authenticit� d’une �uvre d’art, deux institutions puis�es dans le droit de la vente commandent d’�tre analys�es, avec � l’esprit la relativit�, maintenant �tablie, des �uvres antiques.

SECTION I : LA NULLITE DE LA VENTE POUR ERREUR SUR L’AUTHENTICITE

Apr�s l’analyse des qualit�s recherch�es et garanties d’une �uvre d’art antique (I), notre attention se portera sur deux hypoth�ses distinctes susceptibles d’entra�ner la nullit� de la vente (II).

I. LES QUALITES RECHERCHEES

Une �uvre antique est tout bonnement acquise pour son caract�re antique (I), qu’il soit garanti ou non (II).

A. LES QUALITES D’ANTIQUE

Parmi les qualit�s recherch�es dans une �uvre d’art de l’Antiquit�, il appara�t raisonnable d’�carter la qualit� d’auteur, non que les �uvres antiques soient d�pourvues de toute signature, mais leurs cr�ateurs sont souvent de simples artisans. Ainsi certaines c�ramiques comportent sur leur pied des dents de loup orient�es vers le haut. Signature esth�tique parmi d’autres, elle atteste le style corinthien de la c�ramique, sans pour autant en certifier l’origine g�ographique. Elles rel�vent plut�t de la qualit� de style. A la sp�cificit� et � la raret� de v�ritables signatures, il convient de noter l’anonymat impos� � certaines p�riodes de l’Antiquit� �gyptienne.

En outre, les contrats de vente indiquent fr�quemment la composition organique de l’�uvre. Imm�diatement la pens�e se tourne vers la conception mat�rielle de la substance, conception depuis longtemps oubli�e de la jurisprudence. Pourtant, rien n’emp�che d’appr�hender, � notre sens, la composition d’une �uvre d’art comme une qualit� substantielle et d�terminante. Ainsi des enduits, des roches, des peintures, au-del� de l’effet esth�tique procur� � l’�uvre, la caract�risent et lui conf�rent une valeur, m�me s’il est vrai que les �l�ments g�ologiques rejoignent et int�ressent aussi la qualit� d’origine et d’�poque.

L’�poque constitue pour les �uvres d’art antique la qualit� substantielle �minemment recherch�e par le bon p�re de famille, " la qualit� intrins�quement li�e � l’objet au point de l’identifier " [1]. A celle-ci se rattache en principe un style particulier qui constitue aussi une qualit� substantielle. Quelles sont alors les indications d’�poque propres aux �uvres antiques ? La lecture des catalogues de vente ou des certificats d’authenticit� d�livr�s par l’expert [2], en g�n�ral au dos d’une photographie de l’�uvre pour contrer toute fraude, r�v�le l’extr�me retenue des professionnels. Ainsi retient-on notamment l’empire, le si�cle ou la dynastie.

Sous le coup de l’impulsivit�, il serait possible de d�celer dans cette pratique un exc�s de prudence symptomatique d’insuffisantes recherches. Or si les experts sont tenus d’une obligation, elle n’est que de moyens, quoiqu’un r�cent courant jurisprudentiel d�couvre une obligation de r�sultat dans la mission d’expertise [3]. Pour autant, sur le fondement de la jurisprudence dominante, prudence et circonspection doivent guider la mission de l’expert. En outre, il convient d’int�grer dans le raisonnement la relativit� de l’authenticit� des �uvres antiques afin de muer l’exc�s de prudence en prudence raisonnable. Enfin, la lecture des cartels, dans les mus�es, confirme la mesure des indications. D�s lors, par un renversement de question, on peut se demander si la mention d’une date pr�cise ne constitue pas un exc�s de z�le ? Le temps est ici venu, afin de r�pondre � l’interrogation, d’appr�cier les garanties relatives � la substantielle qualit� antique.

B. LES GARANTIES DU CARACTERE ANTIQUE

Lors de l’acquisition d’une �uvre d’art antique, la qualit� d’�poque constituera souvent la qualit� d�terminante. L�gitimement l’acqu�reur ressent alors le besoin d’en obtenir une garantie, une certitude d’authenticit�. D’apr�s l’article 2 du d�cret du 3 mars 1981, susceptible d’int�resser les �uvres antiques, " la d�nomination d’une �uvre, lorsqu’elle est uniquement suivie de la p�riode historique ou d’une �poque, garantit � l’acheteur que cette �uvre a effectivement �t� produite au cours de la p�riode de r�f�rence ". Ainsi, aux mentions dynastie, empire ou si�cle, pour les plus r�currentes, correspond le berceau temporel de la cr�ation. Or, si la prudence incite en notre mati�re � retenir des laps de temps de r�alisation �tir�s, ils ne sont qu’exceptionnellement combin�s � des termes porteurs de nuances.

R�cemment pourtant, dans un catalogue, apr�s la description esth�tique d’une statuette �gyptienne repr�sentant le Pharaon S�sostris III puis sa signification historique et symbolique, un paragraphe, consacr� aux �l�ments d’authenticit� au sens du d�cret, contenait une r�f�rence d’�poque bien particuli�re. A la mention " Moyen Empire " succ�daient en effet des parenth�ses qui contenaient l’indication d’une dynastie, la XII�me, puis deux dates : 1878-1843 av. J.C 1. En l’absence de parenth�ses, la mention " Moyen Empire " �tant une affirmation positive d’anciennet�, les dates, certes rares en notre mati�re, la pr�ciseraient a fortiori 2. En revanche, leur existence est susceptible de perturber la garantie d’�poque.

D’un c�t�, elles peuvent affiner la mention qui les pr�c�de, mais de deux mani�res diff�rentes : soit leur indication int�gre la garantie en pr�cisant la p�riode de la cr�ation, mais quelle est alors l’utilit� des parenth�ses ; soit elles rappellent seulement la date de r�gne de S�sostris III, ce � quoi aspiraient, selon leurs dires, l’expert et le commissaire-priseur retenant ainsi une fonction p�dagogique, il faut en convenir, d�cal�e pour un catalogue de vente [4]. D’un autre c�t� la d�nomination de l’�uvre, n’�tant pas uniquement suivie, au sens du d�cret, de la p�riode historique, aucune garantie de sa production au cours du Moyen Empire, ou du moins lors de la XII�me dynastie ne s’impose. Mais les parenth�ses auraient- elles une signification pr�cise dans les usages de la vente publique ou de gr� � gr� ?

La lecture, notamment des catalogues, d�voile quelques exemples de parenth�ses qui contiennent parfois un point d’interrogation, seul ou pr�c�d� d’indications, voire m�me l’adverbe probablement introduisant ainsi un doute. A contrario leur absence induit une certitude. En cons�quence, les parenth�ses pourraient constituer des garanties ou r�serves d’authenticit� selon la pr�sence ou non desdits termes. Justement dans l’affaire S�sostris III, aucun de ces �l�ments de doute n’affecte la r�f�rence tant � la XII�me dynastie qu’aux deux dates dont on pourrait d�duire qu’elles constitueraient effectivement les p�riodes de cr�ation de l’�uvre. Mais alors, pourquoi des parenth�ses ? Il convient alors de remarquer qu’elles contiennent en g�n�ral, outre le nombre d’objets contenus dans le lot, de br�ves observations sur l’�tat, la raret� ou la signification historique de l’�uvre ou d’un des ses �l�ments. Pour l’essentiel, elles formalisent, en dehors de toute norme, une forme de libert� d’expression des professionnels de la vente qui les utiliseraient pour pr�ciser ce qui leur tient en quelque sorte � c�ur : une affirmation, leur sentiment, leur avis. Quelle interpr�tation donn�e alors � ces tribunes ? D’un c�t�, les indications entre parenth�ses concernent rarement l’authenticit�, de sorte que les indications relatives � la statuette S�sostris III seraient les dates de r�gne du Pharaon, lesquelles co�ncident avec celles aujourd’hui valid�es par les historiens. D’un autre c�t�, leur contenu, profond�ment disparate en ce qu’il touche l’�tat, l’�poque ou l’int�r�t m�me de l’�uvre, rend difficile une g�n�ralisation de leur port�e. Les parenth�ses r�v�lent l’obsolescence du d�cret contourn� par l’imagination sans cesse renouvel�e des acteurs des ventes d’�uvres d’art qui introduisent ainsi un �l�ment d’ins�curit�.

Quelle valeur juridique les acheteurs doivent-ils n�anmoins alors leur accorder ?

Elles devraient selon nous s’interpr�ter comme des r�serves quant � leur contenu, et non comme des indications didactiques, en d�pit m�me du d�faut de point d’interrogation. Afin de justifier notre propos, prenons l’exemple du terme " rare " fr�quemment utilis� mais toujours entre parenth�ses. On pourrait objecter qu’il constitue une appr�ciation qualitative sans rapport avec la description de l’�uvre dont il faudrait le d�tacher. Or la raret� participe � la plus-value de l’�uvre. De plus, pourquoi l’expression "tr�s belle conservation " n’est-elle jamais encadr�e de ces fameuses parenth�ses ? Si les experts �taient certains de la raret� de l’�uvre, rien n’emp�cherait une indication pure et simple. Autrement-dit, les parenth�ses introduiraient un doute plus ou moins intense. Enfin, un expert, affirmant que " parenth�ses ou pas c’est le contenu complet du certificat qui a une valeur juridique ", leur reconna�t implicitement cette valeur.

Dans l’affaire S�sostris III, si instructive �tait leur vocation, elles auraient d� �tre int�gr�es � la description esth�tique pr�alable de l’�uvre, � l’image du certificat d’authenticit� r�dig� pr�alablement par l’expert. P�serait ainsi sur la statuette la garantie certaine de sa cr�ation au Moyen Empire, peut-�tre sous le r�gne du pharaon lui-m�me. Certes, nous sommes parvenus � prendre position sur la valeur juridique des parenth�ses, mais non sans mal. Quoi qu’il en soit, la libert� que s’octroient les r�dacteurs des catalogues est une atteinte presque intol�rable � la s�curit� des transactions. En d�pit des r�ticences que peut provoquer l’exc�s de r�glementation, il serait pourtant pr�f�rable de pr�ciser la signification des parenth�ses qui faussent l’appr�ciation de tout acqu�reur, et s’il le faut sous l’impulsion d’une d�cision provocatrice qui, omettant les parenth�ses, donnerait force juridique � leur contenu.

Enfin, une garantie de filiation conforte parfois la garantie d’�poque. Certaines �uvres qui circulent sur le march� ont une origine ill�gale car extraites de fouilles clandestines. De telles �uvres ne font l’objet d’aucune expertise, ni examen historique et artistique. Seule leur apparence leur conf�re un caract�re authentique. Au contraire, b�n�ficient d’un surcro�t de cr�dit les �uvres dont l’histoire des transmissions, successorales ou non, est certifi�e par une sorte d’arbre g�n�alogique. Pour le mus�e du Louvre, le pedigree fut d’ailleurs un crit�re d�terminant d’exercice de son droit de pr�emption sur un tableau pr�sent� sous la d�signation " Carrache (Ecole de). Bacchanale " lors de sa vente publique par les �poux Saint-Arroman, �uvre qui s’est av�r�e en r�alit� du peintre Poussin . [5]

L’analyse des qualit�s substantielles des �uvres d’art de l’Antiquit�, puis de leurs �ventuelles garanties d’authenticit� nous m�nent in�luctablement vers la question de la sanction du d�faut de qualit�, voire de l’irrespect de la garantie.

II. LA NULLITE POUR DEFAUT DES QUALITES ANTIQUES

Entre faux antique (A) et antique mal dat� (B), la nullit� est plus ou moins probable.

A. LA PROBABLE NULLITE POUR FAUX ANTIQUE

Il est surprenant de constater que la profession de faussaire, elle l’est pour certains, fait toujours des �mules, certes plus attir�s par l’aspect p�cuniaire de l’activit� que son aspect esth�tique. Pourtant combien d’entres eux jouissent au bout de leurs doigts de qualit�s artistiques impressionnantes trompant m�me les plus grands sp�cialistes. N�anmoins, certains faux ne leurrent pas �ternellement. Sans aspirer � nul br�viaire, le faussaire se doit d’acqu�rir, outre des comp�tences manuelles, une solide connaissance de l’histoire de l’art afin d’�viter toutes les grossi�res erreurs d�celables apr�s le bref examen d’un sp�cialiste. Ainsi, les hi�roglyphes le trahissent tout comme une posture ou un mat�riau inhabituels au regard d’une �poque d�termin�e. Plus vicieuse est l’analyse de la technique stylistique adopt�e et notamment l’�tude des impacts laiss�s dans la mati�re. Il en est de m�me de l’examen de l’utilisation de l’outil, a priori contemporain, au travers des �clats incrust�s dans la pierre. Bref, le faussaire n’est pas � l’abri de la d�couverte de sa tromperie, quoique le plus emb�t� ne soit pas ce dernier, �vapor� dans la nature ou disparu depuis quelques si�cles, mais l’acqu�reur.

Celui-ci d�couvre ainsi un jour, parfois au cours d’une restauration, le caract�re faux de son �uvre. Quelles issues s’offrent alors � lui ? D’une part, il a pu acqu�rir l’�uvre litigieuse objet d’une r�serve d’authenticit�. L’al�a chasse la l�sion, il conservera son faux antique. D’autre part, une garantie d’authenticit� certaine a pu gouverner son consentement � la vente. Hormis l’hypoth�se simple mais d’�cole de la d�couverte d’une inauthenticit� certaine, les controverses de l’affaire S�sostris III [6]. rappellent non seulement, et de nouveau, le caract�re relatif des �uvres antiques, mais aussi les querelles mafieuses et perp�tuelles des experts. Les animosit�s personnelles prenant le pas sur le professionnalisme, le doute de l’authenticit� devient rituel. Or la nullit� pour erreur devrait �tre conditionn�e par l’existence d’un doute s�rieux dont la preuve peut r�sulter de l’avis d’experts judiciaires comme ce fut le cas dans l’affaire S�sostris III pour laquelle, hypoth�se rare, deux �minentes conservatrices du Louvre ont �t� d�sign�es. Apr�s de longues et volumineuses recherches comparatives, elles ont exclu tout doute de l’authenticit� de la fameuse statuette.

La nullit� relative pourra alors �ventuellement �tre prononc�e par le juge si le demandeur apporte, en outre, les preuves juridiques expos�es pr�c�demment _. Elle emporte l’an�antissement de l’acte, lequel implique, selon l’article 1117 du Code civil, la restitution des prestations r�ciproques. Cependant probl�matique peut s’av�rer celle de l’�uvre d’art antique restaur�e. Constitue en principe une fin de non recevoir � l’action en nullit� l’impossible restitution int�grale. Or, si l’on pr�te attention au virulent plaidoyer de Monsieur Bloch sur les restaurations des statuaires grecques et romaines, il appara�t ind�cent de les banaliser compte tenu de l’atteinte irr�m�diable port�e aux �uvres alors priv�es de leur int�grit�. Pourtant, un arr�t ancien de la Cour de Cassation du 23 f�vrier 1970 [7] affirmait, � propos de marquises pr�tendument d’�poque Louis XV, que le " d�capage et le d�garnissage d’un meuble pr�sent� comme �tant d’�poque, qui se sont av�r�s n�cessaires pour v�rifier leur authenticit�, sont des op�rations courantes ne pouvant �tre consid�r�es comme une d�t�rioration ". L’action en nullit� fut jug�e recevable. D’un c�t�, elle conduit ainsi � prononcer la restitution d’un faux contre le prix initial, bref � sanctionner le vendeur de n’avoir pas vu une inauthenticit� apparemment ind�celable. D’un autre c�t�, lorsque ces attaques barbares, que sont parfois les restaurations, r�v�lent une triste inauthenticit�, il serait inopportun de sanctionner le malheureux acheteur en le privant de la nullit�, lui qui a d�pens� de folles sommes dans une restauration, dans certains cas, peut-�tre, constitutive d’une plus-value pour l’�uvre [8]. A l’image d’une jurisprudence conciliante [9], il nous semble raisonnable d’admettre que les restaurations ne font pas obstacle � la restitution, donc � la nullit�, lorsqu’elles sont mesur�es et conservatoires, car elles portent en effet un coup � une croyance erron�e d’authenticit�, quitte � ce que les juges r�duisent alors le montant du prix � restituer par le vendeur [10]. En revanche, les restaurations d�sastreuses pour l’int�grit� de l’�uvre, m�me fausse, devraient exclure toute nullit�.

Enfin, quant � la prescription quinquennale de l’action en nullit� pr�vue � l’article 1304 du Code civil et courant � compter de la d�couverte de l’erreur, nous approuvons nombre d’auteurs tel le professeur Jean-Luc Aubert [11]. pour qui " la prescription trentenaire doit marquer le terme absolu de toutes les actions en contestation de la validit� du contrat " [12]. Dans la mesure o� la relativit� des �uvres antiques, des th�ses historiques et artistiques et des techniques scientifiques constitue un facteur certain d’ins�curit� des transactions, la limite trentenaire constitue un temp�rament raisonnable. L’hypoth�se du faux n’exclut pas a priori la nullit� au contraire de l’antique mal dat�.

B. l’IMPROBABLE NULLITE POUR ANTIQUE MAL DATE

L’acheteur d�couvre un autre jour la remise en cause de la date de l’�uvre antique qu’il a acquise. Certes les datations pr�cises sont peu fr�quentes, n�anmoins la raret� n’exclut pas le cas de figure alors malheureusement sujet � n�gligence ; n�gligence � laquelle il convient de rem�dier. Ainsi, nous nous attacherons ici � l’affaire S�sostris III dans laquelle les experts judiciaires, apr�s avoir conclu au caract�re antique de la statuette �gyptienne, ont fix� l’�poque de sa r�alisation non � la XII�me dynastie, comme l’indiquait le catalogue, mais � la XIII�me. Le Tribunal de grande instance de Paris estime alors " que pour de telles antiquit�s, les crit�res de datation ne peuvent �tre appr�ci�s avec la m�me exigence de rigueur que pour des �uvres plus r�centes, et qu’il doit �tre admis une relative impr�cision, lorsque celle-ci n’a pas d’influence sur la valeur historique et artistique de l’�uvre en cause ". Autrement-dit, la relativit� des �uvres antiques justifierait une interpr�tation souple des crit�res d’�poque et de style dont l’impr�cision serait admise d�s lors qu’elle n’affecte ni leur caract�re antique, ni leurs qualit�s artistiques. Cependant, si la simple approximation peut int�grer le champ contractuel d�s lors que l’acheteur consent en connaissance de cause, il ne peut �tre admis une tol�rance a posteriori, lors de l’appr�ciation de la port�e de l’�poque garantie. Certes, la diff�rence artistique voire historique entre deux dynasties est souvent insignifiante. N�anmoins les vendeurs et experts qui, non tenus � une exigence de pr�cision dans les mentions relatives � l’Antiquit�, certifient l’authenticit� par des indications affin�es, ne peuvent ensuite se cacher derri�re la relativit�, � moins d’une r�serve.

Pour autant, pouvons-nous induire des motifs du tribunal, abstraction faite de la discussion sur les parenth�ses, que l’irrespect d’une garantie de datation pr�cise, par-del� l’affaire S�sostris III, ne sera jamais condamn� de sorte que seules comptent les garanties du caract�re antique largo sensu ? Dans la puret� du principe, qui s’engage � garantir avec certitude une datation pr�cise devrait supporter la nullit� en cas d’erreur si le contractant prouve que la date constituait une qualit� d�terminante de son consentement. Mais il risque ici d’�prouver quelques difficult�s � convaincre les juges, notamment si la diff�rence entre les dates s’av�re infime et d�risoire. En toute hypoth�se, la relativit� de telles �uvres, qui autorise encore une fois des mentions souples d’�poque, et l’affaire S�sostris III qui, m�me favorable aux professionnels de la vente, risque de temp�rer leur z�le, tendent � transf�rer la garantie de datation pr�cise au " Panth�on de l’�sot�risme " selon la c�l�bre formule du professeur Philippe Malinvaud [13]. Finalement la relativit� des �uvres antiques rar�fie les possibilit�s de nullit� incitant ainsi � regarder du c�t� du droit de la vente afin de d�couvrir des solutions � l’inauthenticit� d�couverte apr�s la conclusion du contrat.

Auteur
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V�ronique Tharreau
Juriste
Notes & Références bibliographiques

[1] G. VIVIEN, " De l’erreur d�terminante et substantielle ", RTD civ., 1992 . 305, n° 53.

[2] F. DURET-ROBERT, Ventes d’�uvres d’art, Dalloz R�f�rence, 2001, n° 3.19 et 4.2 sur la port�e du certificat d’authenticit�.

[3] F. DURET-ROBERT, ibid., n° 3.16 et 7.14 sur l’obligation de moyens et 7.20 sur l’obligation de r�sultat.

[4] dans le m�me esprit concernant les reproductions, dans les catalogues, des clich�s des oeuvres propos�es � la vente sur le fondement de la courte citation (article L. 122-5, 3° du CPI) et du droit du public � l’information, P.-Y. GAUTIER, Propri�t� Litt�raire et artistique, PUF collection droit fondamental, 4�me �dition, 2001, n° 200.

[5] L’article de P. Rosenberg, n° 2, Revue du Louvre et des Mus�es de France, sous l’arr�t du TGI Paris, 13 d�cembre 1972, JCP, 1973 II 17377.

[6] TGI Paris, 31 janvier 2001, " S�sostris III ", RG n°2000/08403

[7] Civ. 1er, 23 f�vrier 1970, D., 1970, j. 604, note de M. Etesse.

[8] M. CORNU et N. MALLET-POUJOL, Droit, oeuvres d’art et mus�es, CNRS, 2001, n° 28.

[9] F. DURET-ROBERT, Ventes d’�uvres d’art, Dalloz R�f�rence, 2001,n° 6.54 et 6.55.

[10] CA PARIS, 12 f�vrier 1954, "La vierge aux �pis", D., 1954, j. 337, tableau pr�sent� comme �tant de l’�cole de Botticelli, en r�alit� copie du XIXe si�cle

[11] J. FLOUR, J.-L. AUBERT et E. SAVAUX, Droit civil, les Obligations, I. l’acte juridique, Armand Colin, 9�me �dition, 2000, n° 355

[12] note de J.-L. AUBERT sous l’arr�t de Civ. 1er, 13 d�cembre 1983, " Poussin ", D., 1984, j. 340.

[13] P. MALINVAUD, " De l’erreur sur la substance ", D., 1972, chron. 213, n° 1

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