SECTION II : AUTRES FONDEMENTS A LA DISPARITION DE LA VENTE
L’obligation d’information puis la d�livrance conforme sont susceptibles de
s’appliquer aux ventes d’�uvres d’art antique.
I. LE DEFAUT D’INFORMATION SUR L’AUTHENTICITE
Sur le fondement de l’ex�cution de bonne foi des contrats pr�vue � l’article 1134,
alin�a 3 du Code civil et " des suites naturelles " de son article 1135, la jurisprudence extrait parfois, de relations de confiance particuli�res � la nature d’un contrat ou de la qualit� des parties, une obligation d’information pr�-contractuelle sur l’objet du contrat [1], elle-m�me assise du concept de la r�ticence dolosive. [2]. Cette articulation que le professeur Philippe Malinvaud avait envisag�e il y a vingt ans [3] va d�s � pr�sent �clairer l’hypoth�se de la controverse artistique et historique sur une �uvre d’art, dans son principe (A) et sa sanction (B).
A. L’INFORMATION PRE-CONTRACTUELLE SUR L’AUTHENTICITE
Une controverse sur le caract�re antique d’une �uvre d’art peut-elle constituer une information pr�-contractuelle ? Dans l’affaire S�sostris III, le Tribunal de grande instance de Paris semble avoir adopt� une r�ponse positive. Tout d’abord, au moyen soulev� par les demandeurs de la dissimulation de la controverse ayant exist� quant � l’authenticit� de la statuette, il admet que le dol puisse consister dans la r�ticence du vendeur � fournir certaines informations.
La r�tention d’une information pr�-contractuelle peut �tre ainsi constitutive d’une r�ticence dolosive, le tribunal se coulant dans le moule de la jurisprudence contemporaine [4]. Puis il constate le d�faut de v�ritable controverse artistique qui, connue de l’expert et ant�rieure � la vente, aurait pu �tre qualifi�e d’information pr�-contractuelle. Cependant encore faut-il, selon les juges, qu’elle soit v�ritable, et non l’affirmation d’un seul professionnel, m�me renomm�. Il nous semble possible de d�duire de cette partie de la solution l’exigence d’une information susceptible d’avoir une incidence sur le consentement. Eu �gard � la jurisprudence et la doctrine dominante, la r�ticence ou man�uvre suppose, conform�ment � l’article 1116 du Code civil, la volont� intentionnelle de taire l’information, ce que le tribunal qualifie de faute, laquelle doit engendrer une erreur dite provoqu�e [5] qui mue le dol en un vice du consentement [6] d�pendant donc d’une erreur d�terminante [7]. L’exigence d’une erreur est n�anmoins contest�e par certains auteurs, notamment par le professeur Muriel Fabre-Magnan [8]. Dans son analyse sur les obligations d’information ayant une incidence sur le consentement, elle retient la r�ticence dolosive d’une information pr�-contractuelle susceptible d’entra�ner la nullit� du contrat d�s lors que " le d�biteur de l’obligation connaissait ou m�connaissait ill�gitimement l’importance de l’information pour le cocontractant " dont le consentement a �t� ainsi vici�
[9].
En toute hypoth�se, le tribunal se r�v�le peu explicite sur le caract�re d�terminant tant de l’erreur que de la r�ticence dolosive. En r�alit�, l’origine unipersonnelle de la controverse, et finalement la bonne foi de l’expert quant � son silence [10], excluraient ce caract�re [11] m�me si l’information porte sur une qualit� d�terminante et substantielle : le caract�re antique.
Pourtant on peut se demander si une controverse qui �mane d’un �gyptologue allemand, conservateur en chef du Mus�e �gyptien de Berlin, et ostensiblement de divers experts dans le monde, ne constituerait pas une information pr�-contractuelle ayant non une incidence sur le consentement mais sur les conditions de l’engagement ? Il n’est pas difficile d’imaginer qu’en sa connaissance les ench�res publiques auraient pris une coloration diff�rente avec un prix d’adjudication en de�� de cinq millions de francs. Autrement-dit, l’acheteur aurait port� les ench�res -la controverse n’est qu’isol�e- mais � des conditions p�cuniaires diff�rentes. D�s lors, n’est-il pas envisageable de retenir la responsabilit� de l’expert voire de l’organisateur de la vente qui aurait pu faire mention de la controverse ?
Ces questions nous am�nent doucement vers la sanction de la violation d’une obligation d’information pr�-contractuelle.
B. LA SANCTION DE L’INFORMATION PRE-CONTRACTUELLE
D’un c�t�, la reconnaissance d’une r�ticence dolosive, � l’origine d’une erreur,
conduit � sanctionner la violation d’une obligation d’information par la nullit� pour vice du consentement [12], quoiqu’il faille tenir compte, quant � la port�e de l’obligation, de la qualit� des parties et de l’�tat des savoirs sur l’objet [13]. A cet �gard, si l’�ventuel cr�ancier de l’obligation d’information cache un collectionneur averti, combien s’effrite-t-elle alors sur le fondement de l’obligation de s’informer exprim�e dans l’adage d’origine britannique " emptor debet esse curiosus " [14], radical., � moins que l’�uvre acquise sorte de son champ de connaissances. En outre, " � l’impossible nul n’est tenu ", ainsi l’exigence d’une information encore inconnue du monde des historiens de l’art fr�le l’irrationnel.
D’un autre c�t�, deux fondements, la violation d’une obligation d’information pr�-contractuelle ayant une incidence sur les conditions de l’engagement [15] et la faute commise lors de l’expertise, sont susceptibles d’animer la responsabilit� des acteurs de la vente.
D’une part, commet une faute, intentionnelle ou de n�gligence [16], l’expert qui tait une information dont il sait l’importance pour l’acheteur dans l’appr�ciation de l’utilit� de l’acquisition [17], sans qu’elle ait une incidence sur l’acte de conclusion. Dans l’hypoth�se de la controverse artistique et historique, la responsabilit� de l’organisateur, voire de la soci�t� de vente, pourrait �tre engag�e s’il n’a pas annonc�, au moins lors de la mise aux ench�res, l’information qu’il d�tenait de l’expert [18].
Elle aurait �t� port�e au proc�s-verbal de la s�ance, acte authentique pr�vu � l’article 116 du d�cret du 31 juillet 1992 1.
D’autre part, la faute dans le cadre de l’expertise fonde la responsabilit� d�lictuelle de l’expert vis-�-vis de l’acheteur, voire contractuelle vis-�-vis du vendeur [19], avec la pr�cision somme tout essentielle de l’�tat de la jurisprudence qui retient une obligation de moyens � l’�gard de l’expert. Le professeur Fran�ois Duret-Robert expose avec clart� les missions de l’expert [20] et les r�gles de conduite impos�es par son obligation [21] dont il appr�cie ensuite la violation, fondement de la responsabilit� [22]. La pl�thore des figures jurisprudentielles de mises en cause de cette obligation, bien que non d�pourvu de tout int�r�t, nous incite � attirer et � achever notre analyse sur la seule controverse susceptible de combiner les deux types de responsabilit�s examin�es ci-dessus.
Quelle que soit sa nature, la responsabilit� est conditionn�e par la preuve d’une faute [23] qui pourrait r�sider dans le silence gard� sur une controverse m�me unipersonnelle. N�anmoins tout silence n’est pas fautif. En effet, l’expert peut garder le silence, suite et seulement suite, � des recherches approfondies notamment recommand�es par le code de la d�ontologie des experts d’art. S’il est parvenu au constat du caract�re incontestablement unipersonnel de la controverse, comment le rendre responsable de son silence ?
En revanche, s’il constate le caract�re r�ellement controvers� de l’authenticit�, il commet une violation de son obligation d’information s’il tait son savoir, notamment � l’organisateur. En outre, si averti de la discussion il n’a fait aucune recherche, il commet une faute dans la mesure o� son obligation dans l’expertise, sans lui imposer l’obtention d’un r�sultat pr�cis et d�termin� � l’avance, lui commande de mettre en �uvre, � la lumi�re des connaissances artistiques et historiques qui lui sont contemporaines, tous les moyens mis sa disposition. De m�me, s’il ne rapporte comme preuve au d�bat que la seule et unique position d’un premier expert, m�me b�n�ficiant d’une solide r�putation, il commet une faute en s’abstenant de faire un �tat �quilibr� et objectif de la d�licate controverse susceptible d’avoir, pourtant, une influence sur la port�e de l’engagement. Ce cas de figure pourrait justifier la responsabilit� des professionnels de la vente dans l’affaire S�sostris III. En cas de doute, il serait prudent d’user de la technique des r�serves explicites. Elle consiste en des clauses de non-garantie sur les informations relatives � l’authenticit� afin de d�gager toute responsabilit� [24], pr�caution d’ailleurs non extravagante au regard d’un arr�t de la Cour de cassation [25] qui a retenu la responsabilit� de l’expert judiciaire dont l’affirmation d’authenticit� �tait d�pourvue de r�serves.
Enfin, la faute doit avoir donn� naissance � un dommage. Il peut consister dans la perte de valeur li�e � la d�pr�ciation de l’�uvre, de nos jours souvent valeur-refuge, quoique le Tribunal de grande instance de Paris, dans l’affaire du " Jardin � Auvers " constate " le caract�re ni absolu ni d�finitif de la perte de valeur, d’ailleurs imputable � une pol�mique ext�rieure et non au vendeur ou au commissaire-priseur ". Justement dans l’affaire S�sostris III, combien fut entreprenante la presse...
La combinaison de la responsabilit� pour faute dans l’expertise et la demande de nullit� ne pr�sentant pas un int�r�t indispensable � notre propos, nous ne nous y attacherons pas [26]. D�s lors, de l’�tude de la formation vici�e du contrat, au travers de l’obligation d’information pr�-contractuelle, � son ex�cution insatisfaisante, il n’y a qu’un pas.
II. UNE DELIVRANCE CONFORME A L’AUTHENTICITE CONVENUE
Si l’acheteur commet une erreur lorsqu’il n’acquiert pas la chose qu’il croyait acheter, il fait face � un d�faut de conformit� s’il ne re�oit pas la chose achet�e [27]
. Diff�rence bien subtile qu’il convient d’�clairer avec l’analyse de la possible (A) mais d�licate d�livrance conforme (B).
A. UNE POSSIBLE DELIVRANCE CONFORME
L’article 1603 du Code civil concerne les deux obligations principales du vendeur : la garantie des vices cach�s et la d�livrance de la chose dont la jurisprudence a extrait l’obligation de conformit�. Restait � d�finir son fondement, son objet et son r�gime susceptible d’�tre appliqu� aux ventes d’�uvres d’art, en d�pit m�me de leurs particularit�s, ubi lex non distinguit...
A priori l’exigence de l’ex�cution de bonne foi des conventions, pr�vue � l’article 1134 alin�a 3 du Code civil, justifie qu’une obligation de d�livrance conforme p�se sur le vendeur, quelle que soit sa qualit� [28]. Autrement-dit, il est tenu de d�livrer la chose qu’il s’est engag� � vendre. Quel est alors l’objet de son obligation ? En principe, la conformit� doit �tre appr�ci�e au regard du contrat [29]qui peut indiquer les qualit�s attendues de la chose. La non-conformit� n’est alors qu’ " une diff�rence statique entre la qualit� convenue et la qualit� d�livr�e " [30]. Les ventes d’�uvres d’art donnent justement lieu � la r�daction, soit d’un catalogue, soit d’un certificat d’authenticit�, lesquels contiennent les �l�ments descriptifs des �uvres qui ne sont autres que leurs qualit�s mat�rielles, oppos�es ici aux qualit�s fonctionnelles. Si l’institution examin�e ne se soucie pas formellement du caract�re substantiel ou d�terminant des qualit�s, doit-elle prendre alors en compte les garanties et r�serves d’authenticit�, lesquelles se superposent et qualifient pourtant la substance ? Positive la r�ponse nous convie � appr�cier l’obligation de conformit� � leur lumi�re afin de d�terminer ce sur quoi les parties se sont engag�es [31] car p�se sur le vendeur une obligation de d�livrer une chose conforme aux pr�visions des parties [32]. Ainsi, la vente d’une �uvre d’art sans r�serve sur la date exacte de cr�ation devrait �tre r�solue si elle ne s’av�re pas r�aliser � ladite date au jour de la r�ception, le vendeur n’ayant pas respect� son obligation de d�livrance conforme � l’�poque. D’ailleurs l’esprit de l’institution conforte la possible application de la conformit� aux ventes d’�uvres d’art en ce qu’elle tend � ouvrir une action � l’acqu�reur priv� d’une qualit� �vidente [33].
A d�faut de stipulation contractuelle, la privation inadmissible d’une qualit� �vidente pour l’acheteur incite � la chercher dans l’application de l’article 1135 du Code civil [34]
Appr�cions d�s lors les qualit�s que l’�quit�, l’usage ou la loi donnent � l’obligation de conformit� en nous attachant � quelques exemples. D’abord, le d�cret de 1981 �claire tant la signification d’une qualit� mentionn�e sans aucune autre pr�cision, induisant en effet une garantie certaine d’authenticit�, que la port�e de certaines expressions alambiqu�es, port�e susceptible de servir � l’interpr�tation de termes ignor�s du d�cret. Puis le silence contractuel sur une qualit� incite � se r�f�rer aux usages qui conduisent notamment � interpr�ter le d�faut de mention comme une absence certifi�e de la qualit�. Enfin l’�quit� : elle ne permet pas au juge de porter atteinte � l’intangibilit� des conventions, principe jurisprudentiel qui, appliqu� � des contrats de vente d’�uvres d’art clairs et pr�cis quant aux garanties et r�serves d’authenticit�, interdit de d�couvrir une quelconque qualit�. Le recours � l’article 1135 du Code civil m�rite ainsi approbation, mais son maniement doit s’impr�gner de l’esprit des ventes d’�uvres d’art.
L’article 1184 du Code civil, sur renvoi implicite de l’article 1610 du m�me code,
offre � l’acqu�reur la r�solution de la vente pour inex�cution contractuelle de l’obligation de conformit�. Dans les ventes publiques, il agira contre la soci�t� de vente dans la mesure o� il ignore en g�n�ral le nom du vendeur [35], et ceci trente ans � compter de la r�ception refus�e voire de la r�ception sans r�serve si les d�fauts �taient ind�celables [36], hypoth�se probablement inh�rente aux �uvres d’art [37].
Ainsi, eu �gard � la jurisprudence sur la conformit�, les ventes d’�uvres d’art ne semblent pas a priori irr�ductibles � son application originale et judicieuse. N�anmoins, extrait de tout contexte factuel, le d�faut de conformit� aux qualit�s convenues ne laisse pas appara�tre les difficult�s de son int�gration dans le r�gime de la vente. Et pourtant...
B. LA DELICATE DELIVRANCE CONFORME
Cr�ation pr�torienne, la mise en �uvre de la d�livrance conforme ne fut et n’est pas sans poser quelques probl�mes notamment de distinction avec la garantie des vices cach�s et l’erreur sur la substance, un embarras jurisprudentiel d’ailleurs examin� avec minutie et sagacit� par le professeur Olivier Tournafond
[38]. Il nous semble alors int�ressant d’�clairer notre propos de ces tiraillements internes au r�gime de la vente, tant en raison de notre examen ant�rieur relatif � l’erreur sur la substance que de la curieuse application de la garantie des vices cach�s � notre vente d’�uvres d’art antique.
Simple, le crit�re chronologique de la th�orie fonctionnaliste, apparue � la moiti� du XXe si�cle, [39] appara�t didactique en ce qu’il rattache l’erreur � la formation du contrat, la conformit� � la r�ception de la chose objet du contrat et la garantie � son usage. Pourtant, il ne fait pas l’unanimit� [40]. Ainsi, une distinction fond�e sur l’objet de chacune des institutions m�rite attention, pour ce qui est de l’erreur sur la substance nous y reviendrons. La garantie concerne les d�fectuosit�s qui g�nent, r�duisent, emp�chent toute utilisation � laquelle on destine la chose acquise [41] alors que le d�faut de conformit� implique l’absence d’une qualit� contractuelle ou l�gitime sans que l’utilisation de la chose ne soit vou�e aux g�monies. Conscients de poser une br�che dans l’id�ale application indiff�rente du r�gime de la vente, il nous semble curieux de soumettre le vendeur d’une �uvre d’art, notamment antique, � la garantie des vices cach�s. Quel est en effet l’usage auquel on destine une �uvre ? L’utilit� de la chose constitue un crit�re bien peu ais� pour une �uvre d’art [42]. En cons�quence, en mati�re de vente de gr� � gr� [43], les probl�mes de confusion entre les d�fauts ne perturbent pas notre analyse dans la mesure o�, selon nous, la garantie des vices cach�s n’a pas a priori � s’immiscer. Peut-�tre serait-il certes envisageable de voir dans l’exposition d’une �uvre, objet d’un don, l’usage de l’article 1641 du Code civil, le d�faut d’authenticit� la rendrait alors impropre � celui-ci. Cependant, outre la d�licate preuve d’un usage convenu, ce d�faut n’emp�che pas a priori toute communication de l’�uvre au public [44]. En toute hypoth�se, peu de d�cisions ont fait jouer la garantie des vices cach�s, les litiges �tant pour l’essentiel tranch�s sur le fondement de l’erreur.
Pourtant, afin de ne pas transformer les ventes d’�uvres d’art en un �lot contractuel, les litiges pourraient �tre aussi examin�s, comme nous l’avons vu, sur le fondement de la d�livrance conforme. Mais elle se heurte alors � l’erreur substantielle. En effet en quoi diff�rent les deux notions ? Il est vrai qu’appliqu� aux ventes d’�uvres d’art, � la lumi�re de la jurisprudence, le d�faut de conformit� se confond avec l’erreur, d�finie comme l’absence d’une qualit� attendue ou promise. Or cette confusion pourrait tourner � l’avantage de la conformit� dont la mise en �uvre ne n�cessite pas, encore une fois, la preuve du caract�re substantiel et d�terminant de la qualit�. Elle risque ainsi de suppl�er la nullit� lorsque ses conditions ne seront pas r�unies, voire s’y substituer. Affirmer que l’une est obsol�te rel�ve n�anmoins de l’inopportunit�, l’erreur sur la substance et l’obligation de conformit� ayant une place unique et respective � d�fendre. Pour autant, s’impose une diff�renciation coh�rente propos�e notamment par le professeur Olivier Tournafond [45]. La fronti�re � tracer d�couvre alors un pr�alable essentiel dans une d�finition enfin rationnelle de l’erreur, � la lumi�re de sa port�e : elle serait celle qui affecte la cause de l’obligation du cocontractant lors de l’�change des consentements [46]. D�s lors, si la qualit� substantielle et d�terminante, absente lors de cet �change, " est radicalement impossible � obtenir � travers l’ex�cution du contrat ", la cause est alt�r�e, l’annulation pour erreur sur la substance est recevable. L’objection de la relativit� qui se formalise surtout dans des mentions souples d’�poque ne peut contrer le caract�re d�finitif et irr�m�diable du d�faut d’authenticit� d’une �uvre antique auquel aucune ex�cution ne peut rem�dier. Ainsi en est-il de la vente d’une copie antique � la place d’une �uvre authentique laquelle n’existe sans doute pas : les faussaires d’�uvres reproduisent rarement des objets existants. " L’erreur sur l’essence de la chose vendue " [47] fait obstacle � la cr�ation du lien contractuel lequel est indispensable � l’ex�cution du contrat.
En revanche, la vente d’une �uvre antique qui s’av�re en r�alit� mal dat�e pourrait tomber sous le coup de la sanction de la d�livrance non conforme. Que la diff�rence entre l’�poque convenue et celle d�couverte le jour de la r�ception soit d’une ou plusieurs dynasties, nous supposerons que l’exacte datation ne constitue pas une qualit� d�terminante du consentement. Toutefois elle est convenue, la d�livrance non conforme m�rite d’�tre sanctionn�e. Seulement, il nous semblerait regrettable de prononcer la r�solution de la vente laquelle transformerait a posteriori la datation exacte en qualit� d�terminante, cause d’an�antissement du contrat. Certes, compte tenu de la confusion jurisprudentielle ambiante entre l’erreur et le d�faut de conformit�, les d�cisions, rares en la mati�re, ont r�solu le contrat. Cette solution est susceptible aujourd’hui d’�tre appliqu�e � la demande d’un contractant imaginatif comme ce fut le cas dans l’affaire S�sostris III, ce qui est somme toute de bonne guerre. Cependant, nous pl�bisciterions plut�t la condamnation � des dommages et int�r�ts [48] et seulement lorsque la diff�rence d’�poques, antiques, est notable et appr�ciable, notamment par des experts, � moins d’inviter la mauvaise foi aux ventes d’�uvres d’art antique. En effet, la r�solution d’une vente pour d�faut de conformit�, par exemple d’une �uvre d’art �gyptien pr�sent�e comme cr��e � la XII�me dynastie et qui se d�voile �tre de la XIII�me dynastie au jour de la d�livrance, est empreinte de cette mauvaise foi compte tenu du caract�re relatif des �uvres d’art antique, notamment si les parenth�ses sont appr�hend�es comme des r�serves. En outre le caract�re posthume de la statuette, propri�t� extraordinaire pour une �uvre �gyptienne aux yeux des historiens de l’art, accentue cette mauvaise foi. D�s lors il convient de g�n�raliser ce cas de mauvaise foi tendancieuse � toutes les ventes d’�uvres d’art antique.
CONCLUSION
Si l’analyse de l’authenticit� des �uvres d’art d’Antiquit� peut para�tre d�routante au regard de son caract�re intrins�quement relatif, il ne faut pourtant pas lui tourner le dos : l’Antiquit� int�resse sans conteste le droit contemporain de la vente. La notion d’authenticit� des �uvres antiques ne doit donc pas �tre n�glig�e car elle fragilise une institution d�j� bien malmen�e, la nullit� pour erreur sur la substance, en d�voilant son inadaptation � un type de vente qui dispose pourtant d’un pouvoir d’attraction important. La vente d’�uvres antiques risque de souvent se soustraire � toute sanction, que ce soit la nullit� ou la r�solution.
Toutefois, les litiges pour erreur sur l’authenticit� d’une �uvre antique sont-ils si fr�quents ? Une r�ponse n�gative pourrait-elle �tre fond�e, non sur la raret� des hypoth�ses de nullit�, mais sur l’inaction des acqu�reurs d�sint�ress�s de l’originalit� de leur acquisition, seule leur importerait son apparence antique, voire surtout sur leur crainte de n’obtenir aucune satisfaction juridique, la relativit� rendant ridicule toute action ? Or le ridicule ne tue pas, notamment s’il permet de consacrer une obligation d’information � l’encontre des professionnels de la vente, et par voie de cons�quence une obligation de s’informer -pour informer- sur les controverses faisant autorit�. Quoi qu’il en soit, ce serait semble-t-il la meilleure solution pour manier, et non subir, la relativit� des �uvres d’art de l’Antiquit�, et limiter ainsi des transactions au risque frisant parfois l’intol�rable.