AVOCATS-PUBLISHING.COM
Cabinet d'Avocats
11, rue Fénelon - 75010 Paris | Tél.: 01 53 40 91 90
Accueil > Droits d’auteur - Propri�t� intellectuelle > Copyright et Droit d’auteur
image1
COPYRIGHT & DROIT D’AUTEUR
L’authenticit� des oeuvres d’art de l’antiquit� (deuxi�me partie)
Publié le lundi 20 janvier 2003
Par V�ronique Tharreau
Même rubrique
LE PR�T PAY� DE LA LOI DU 18 JUIN 2003
Copyright vs/ Droit � la culture
QUALIFIER L’OEUVRE MULTIM�DIA (I - C)
L’authenticit� des oeuvres d’art de l’Antiquit� (premi�re partie)
D�finir l’oeuvre multim�dia
L’authenticit� des oeuvres d’art de l’antiquit� (troisi�me partie)
Je t’aime, moi non plus*
Le commerce �lectronique du livre : une remise en cause de la loi Lang ? (1)
Qualifier l’oeuvre multim�dia (I - A & B)
Le commerce �lectronique du livre : une remise en cause de la loi Lang ? (2)
Mots-clés
Propri�t� intellectuelle
L’ARCHITECTE : DROIT D’AUTEUR ET FISCALIT�
LE PR�T ET L’ESPRIT DU PR�T
La marque et la libert� d’expression : un rire amer ?


Propri�t� litt�raire et artistique


�uvre d’art
La mise en �uvre du droit de suite en Europe


Positionnement et Statistiques Gratuites

Sous la direction de Monsieur le Professeur Pierre-Yves Gautier.

Lors de la vente d’une oeuvre d’art, il n’est pas rare que l’acheteur acquiert et le vendeur c�de une oeuvre dont ils doutent de l’authenticit�. Le doute, s’il gouverne leur consentement r�ciproque, entrave la nullit� de la vente. En revanche, le doute s�rieux qui intervient seulement apr�s la cession n’exclut pas sa nullit�. L’authenticit� relative de certaines oeuvres d’art permet-elle d’envisager sereinement la nullit� de leur cession ? Eu �gard aux oeuvres de l’Antiquit�, la r�ponse est essentielle. Leur authenticit� est en effet souvent, voire perp�tuellement, remise en cause. La relativit� de leur authenticit� leur serait presque intrins�que. La nullit� des cessions d’oeuvres antiques se r�v�le d�s lors d�licate.

Ainsi l’�tude du caract�re dit relatif des �uvres antiques m�rite amplement un d�veloppement.

SECTION II : L’AUTHENTICITE, QUALITE RELATIVE DES �UVRES D’ART DE L’ANTIQUITE

L’authenticit� des �uvres d’art antique est empreinte de relativit� au regard de l’authentification (I) et de l’�coulement du temps (II).

I. UNE RELATIVITE DUE A L’AUTHENTIFICATION

La relativit� qualifie tant la d�marche d’authentification (A) que son r�sultat (B).

A. UNE DEMARCHE RELATIVE

Le processus d’authentification se r�v�le essentiellement intellectuel. Que le professionnel soit un expert ou un conservateur, est requise une connaissance profonde et la plus accomplie possible des Antiquit�s et des �uvres les parsemant. N�anmoins, la quasi-exhaustivit� des connaissances historiques doit �tre exploit�e au sens o� le professionnel doit pouvoir tenir un discours analogique. Apr�s l’�laboration d’une fiche descriptive de l’�uvre, laquelle implique notamment la connaissance des mat�riaux et des techniques de cr�ation, s’impose une comparaison de l’�uvre avec d’autres, trouv�es en un lieu identique, suppos�es de la m�me �poque et � la troublante similitude esth�tique. L’esprit en �veil, l’�il acerbe, la curiosit� en �moi, voici les qualit�s requises pour d�terminer l’authenticit� de l’�uvre d’art antique, le stade ultime �tant sa datation. Le cheminement ainsi d�crit d�voile la pr�pond�rance de la personnalit� du professionnel. Certes, ses connaissances historiques et intellectuelles il les doit � l’enseignement de l’histoire de l’art, la lecture des �critures �pigraphiques en Egypte est symptomatique. N�anmoins, le savoir n�cessite une ma�trise g�n�rale, dense et compl�te, combin�e � un esprit jongleur et attentif.

De plus, aucune th�se historique ou artistique n’est � l’abri d’une r�cusation. Longtemps une statue romaine en marbre gris-bleut� fut affubl�e du qualificatif de faux du XIXe si�cle. Pourtant la construction du m�tro � Rome a permis la d�couverte de statuaires identiques. Leur authenticit� est aujourd’hui affirm�e. Ainsi, l’authentification peut �tre qualifi�e de subjective.

Enfin, elle m�rite le caract�re relatif au regard des missions des professionnels. L’expert amiable se pare symboliquement de la robe noire et se fait l’avocat de son client. Son objectif premier : la valorisation de l’�uvre. Certes elle passe par l’expertise d�crite dans le code de d�ontologie des experts d’art �labor� par la Conf�d�ration europ�enne et similaire � la m�thode �voqu�e pr�c�demment. N�anmoins, l’expert fixe un prix au regard de sa valeur historique, de sa raret�, de son esth�tique et de la mode. Tous ces �l�ments relativisent l’authenticit� affich�e [1]. Le conservateur n’est pas l’avocat d’un client. Au service du public, de l’enseignement et du savoir, la recherche d’authenticit� est soumise a priori � moins de pressions �conomiques. La relativit� tendrait � s’estomper. Pour autant, ne sont pas rares les faux qui pars�ment sciemment nos mus�es. Le silence aupr�s du public est-il condamnable sans mesure ? L’argument �ducatif et anti-�conomique de la mission des conservateurs tol�re au contraire d’�ventuelles dissimulations. Le public visite pour apprendre, conna�tre, voir, peu lui importe en g�n�ral l’authenticit� des �uvres. Certes ils croient en celle-ci. Cependant, son d�faut ne fait pas obstacle � l’enseignement surtout lorsque l’esth�tisme et la splendeur des faux sont �clatants. La m�thode d’authentification �tant relative, son r�sultat emprunte le m�me qualificatif.

B. UN RESULTAT RELATIF

La m�thode intellectuelle et subjective d’authentification relativise le r�sultat. Il suffit pour s’en convaincre d’�tre attentif, dans les mus�es, aux cartels sur lesquels les datations, premi�res victimes du relativisme, sont l’objet de fr�quentes modifications, pr�cisions, suppressions.

De nouvelles d�couvertes contribuent � cette perp�tuelle remise en question. La science joue ici un r�le : un floril�ge de techniques physiques ou chimiques impr�gne le monde de l’authentification. Nombre de laboratoires d�veloppe une m�thode scientifique propre. Cependant, toutes les �uvres, toutes les pierres, tous les �l�ments ne sont pas susceptibles d’analyses. La science n’est pas omnisciente. D’ailleurs, le Laboratoire de Recherche des Mus�es de France publiait en 2001, dans sa revue Techn� [2] intitul�e " D�couvrir et transmettre ", les missions actuelles du Laboratoire parmi lesquelles, et beaucoup d’autres, la d�termination des indices de l’authentification. Dans un article de la m�me revue intitul� " Qu’attend un conservateur de mus�e d’un laboratoire ? " [3], Monsieur Gaborit constate la certitude absolue de l’authenticit� attendue par le public, conservateurs y compris. Or il note que dans la plupart des cas, les examens en laboratoires n’aboutissent pas � une telle certitude, mais � un enrichissement du d�bat. Ils participent � la formation intellectuelle des conservateurs et autres professionnels, sans aboutir � un r�sultat insensible � toute contestation. L’�coulement du temps am�ne au m�me constat.

II. UNE RELATIVITE DUE AU TEMPS

Le temps, d�mesur� au regard de l’infinitude antique, emporte des incidences concr�tes sur les �uvres. Rares sont celles qui ont travers� les �poques sans un passage dans les profondeurs de la terre (A). Rares sont celles qui sont sorties indemnes de leur p�riple (B).

A. UNE RELATIVITE DUE AUX FOUILLES

Une origine commune unit presque toutes les �uvres antiques : les fouilles. Les historiens de l’art parlent alors d’objets in situ. La d�couverte d’objets antiques dans le sol peut se r�v�ler d�terminante pour la datation. Except� pour les fouilles clandestines, les objets extraits du sol, lors de fouilles r�glement�es, sont fich�s. Est notamment indiqu�e la profondeur � laquelle ils ont �t� d�couverts. Or � chaque strate correspond une �poque pass�e, dat�e par des sp�cialistes. Ainsi, l’invention d’une �uvre constituerait un moyen naturel de datation, sous r�serve d’un constat fondamental : la strate permet d’�tablir non la date de r�alisation de l’�uvre, mais celle de sa derni�re utilisation ou communication. Ainsi le plus grand des crat�res grecs en bronze que l’on connaisse aujourd’hui a �t� trouv� � Vix, dans la tombe d’une princesse celte situ�e dans la n�cropole du Mont Lassois [4]. Cette illustration de la p�n�tration des cr�ations grecques en Gaule celtique rappelle encore une fois le caract�re irrempla�able du travail intellectuel du professionnel, au c�ur m�me de l’authentification.

En revanche, de telles d�couvertes pr�sentent un int�r�t grandissant notamment pour le Laboratoire de Recherche des Mus�es de France. Son aspiration r�cente � l’enrichissement du d�bat le conduit � �tudier la vie des �uvres, objets des routes commerciales, soumises aux al�as g�opolitiques, aux d�placements de population et � l’interp�n�tration des peuples. Ainsi, Corinthe a longtemps �t� la premi�re ville des c�ramiques. Ses artisans fabriquaient notamment de riches flacons de parfum enduits d’une couleur coquille d’�uf. Puis la guerre entre Corinthe et Sparte d�pla�a � Ath�nes le lieu de fabrication des c�ramiques lesquelles prirent une couleur ocr�e rouge. Une rupture de production ath�nienne permit � Corinthe de d�velopper de nouveau sa fabrication de c�ramiques peintes, et non enduites, d’une couleur ocr�e rouge. N�anmoins, les c�ramiques attiques se r�v�l�rent sup�rieures en qualit� aux c�ramiques corinthiennes imitant les premi�res. Sans �tre des obstacles � l’authentification, elle est complexifi�e par ces perturbations historiques, parfois m�me violentes pour les �uvres dans leur acceptation mat�rielle.

B. LA RELATIVITE DUE AUX RESTAURATIONS

Non seulement la datation d’une �uvre dans son entit� est fluctuante, mais une �uvre peut consister en des ajouts successifs � des dates �minemment �loign�es dans le temps. L’exemple des statuaires romaines est caract�ristique. R�pliques d’�uvres grecques, des membres, alors manquants, leur ont �t� ajout�s au XVIIIe si�cle.

Surtout, il n’est pas rare que les �uvres antiques aient fait l’objet de restaurations. Peut-on toujours les consid�rer comme authentiques dans leur ensemble ou faut-il remettre en cause leur origine ou leur attribution traditionnelle ? Cette question, le Laboratoire de Recherches des Mus�es de France se la pose, par exemple lorsqu’une analyse des mat�riaux aboutit � un r�sultat aberrant ou atypique. Il n’apporte pas de r�ponse, discussion et enrichissement du d�bat obligent.

La tentation est grande de consid�rer que les restaurations portent un coup ultime � l’authenticit� des �uvres d’art, que toute atteinte � l’originalit� de l’�uvre lui retire son authenticit�, qu’une �uvre ne saurait conserver toute son authenticit� si elle est coup�e, d�coup�e et alt�r�e. D’ailleurs un sculpteur-restaurateur fran�ais, Monsieur Serge Bloch, n’a-t-il pas condamn� avec virulence les interventions brutales et irr�m�diables effectu�es cette derni�re d�cennie sur les patines des antiquit�s grecques, couches color�es de protection � l’encaustique, r�alis�es par les Grecs ? Or des attaques contemporaines tant m�caniques -fraises rotatives et autres objets de torture- que chimiques, sur les pierres et les marbres, op�rent une destruction artistique par l’alt�ration de la sensation de volume et une destruction picturale par l’�limination de tr�s belles colorations, fruit probable de la volont�. La derni�re et non des moindres des destructions est d’ordre arch�ologique en ce que des �l�ments de datation et des concr�tions disparaissent alors qu’ils auraient contribu�s � la certification de l’authenticit� et � la d�termination de la provenance.

Enfin, il convient de pr�ciser que les restaurations, si elles affectent parfois l’originalit� et l’int�grit� des �uvres, ne constituent pas un obstacle � leur vente, certains experts consid�rant d’ailleurs que leur mention dans le contrat de vente r�tablit leur authenticit�. A d�faut de mention, la vente est en danger � l’instar d’autres cas de figure qu’il convient d’examiner � la lumi�re du r�gime de l’erreur et de la relativit� des �uvres antiques.

Auteur
image2
V�ronique Tharreau
Juriste
Notes & Références bibliographiques

[1] F. DURET-ROBERT, Ventes d’�uvres d’art, Dalloz R�f�rence, 2001, n° 3.15 sur une autre distinction : entre la valeur de n�gociation et celle de remplacement.

[2] J.-P. MOHEN, " D�couvrir et transmettre ", Revue Techn�, n° 13-14, Laboratoire des Mus�es de France, 2001, p. 5.

[3] J-R. GABORIT, "Qu’attend un conservateur de mus�e d’un laboratoire ?", revue pr�c., p. 39.

[4] B. HOLTZMANN et A. PASQUIER, Histoire de l’art antique : l’Art grec, Ecole du Louvre, RMN, la Documentation fran�aise, 1998, p. 297.

Retour au haut de page

Retour au sommaire