Sous la pression de l’Attorney (procureur) g�n�ral de NewYork, Monsieur Eliot Spitzer, dix des plus importantes banques d’affaires ont accept� ce 28 avril 2003, le contrat propos�, afin de mettre un terme aux poursuites juridiques pour fraude ou violations des r�gles de march�s.
Ce dernier pr�voit une sanction s’�levant � 1,4 milliard de dollars, r�partis entre le paiement d’amendes, de dommages et int�r�ts, le financement d’un fond de recherche ind�pendant et la formation des investisseurs.
En contre-partie, aucune faute n’est reconnue aux banques d’affaires. La finalit� �tant de revenir � une analyse saine et neutre des comptes des entreprises, gr�ce en particulier � la s�paration des activit�s d’analystes et de banques.
C’est dans ce contexte que le groupe fran�ais du luxe, LVMH (Louis Vitton Mo�t Hennessy), a d�cid�, en novembre 2002, de poursuivre la banque d’affaire am�ricaine Morgan Stanley et une de ses analystes financi�res, Claire Kent pour "analyses erron�es et biais�es sur son titre " c�t� en bourse.
LVMH a en effet assign� la banque Morgan Stanley devant le Tribunal de Commerce de Paris, permettant ainsi aux juges fran�ais, et pour la premi�re fois, de d�battre sur les conflits d’int�r�ts entre les analystes financiers, les banques d’affaires et leurs "clients". Une pol�mique rest�e jusqu’� pr�sent sur le sol am�ricain.
Plusieurs audiences de la premi�re chambre du Tribunal de Commerce de Paris ont d�j� eu lieu, portant uniquement sur des questions de proc�dure. Plus exactement sur la question du d�p�t complet ou non des preuves par LVMH, Morgan Stanley contestant en effet l’int�gralit� de ce d�p�t. Dans un jugement rendu le 28 avril 2004, le tribunal de commerce a d�bout� Morgan Stanley de sa contestation.
LVMH invoque l’existence d’un conflit d’int�r�t pour Morgan Stanley du fait de l’�troite relation commerciale entre la banque am�ricaine et Gucci le principal rival du groupe fran�ais (et filiale de Pinault Printemps Redoute (PPR)), Morgan Stanley �tant la banque-conseil de Gucci au moment de la tentative de prise de contr�le de Gucci par LVMH entre 1999 et 2001 et encore aujourd’hui.
Pour LVMH en fournissant des informations erron�es dans ses analyses financi�res, Morgan Stanley ne fait que prot�ger ses int�r�ts de banquier et ceux de son client Gucci.
LVMH estime avoir subi un pr�judice et ses dirigeants demandent 100 millions d’euros de dommages et int�r�ts.
A contrario la banque d’affaire "clame l’int�grit� de ses analyses de recherche".
Morgan Stanley garantit en effet la neutrali� dont l’analyste Claire Kent (d�sign�e pendant huit ans meilleure analyste du secteur) a fait preuve. Ses conclusions �tant conformes � l’opinion d’autres experts.
C’est pourquoi, Morgan Stanley invoque � son tour un pr�judice caus� par une proc�dure "vexatoire, sans fondement et abusive".
Le Tribunal de commerce Paris n’a pas encore rendu son jugement sur le fond et on peut penser qu’� l’instar de la transaction am�ricaine, il existe encore une possibilit� de r�glement amiable, solution habituelle en cas de litiges entre grands groupes mondiaux, ces derniers n’appr�ciant pas toujours l’intervention de la justice dans leurs diff�rends.
Mais en l’esp�ce, LVMH semble d�termin� � obtenir un jugement sur le fond, et qui plus est sur le sol fran�ais et par ailleurs, le jugement doit intervenir prochainement puisque les juges viennent de demander � Morgan Stanley de "d�poser leurs conclusions sur le fond" en r�ponse � l’assignation du groupe de luxe.
Le probl�me qui se pose aux juges consulaires parisiens est de savoir si devant de tels enjeux financiers, Morgan Stanley prot�ge avant tout ses int�r�ts et ceux de Gucci ou si elle parvient dans son activit� d’analyste, � conserver toute ind�pendance de jugement ?
Les analystes financiers, am�ricains ou fran�ais, r�pondront tous que leurs analyses comptables et financi�res sont justes, impartiales et objectives.
Pourtant comme l’a pertinemment relev� l’attorney Spitzer : "Les analystes les mieux class�s ces trois derni�res ann�es" (selon les crit�res du tr�s select et influent magazine Institutional Investor) "ont enregistr� les performances les plus m�diocres".
Il ajoute "or, cela, l’investisseur moyen ne le sait pas : les banques veulent bien r�p�ter � tout le monde le classement de leurs analystes, mais elles gardent pour elles la mesure de leur performance r�elle !"
LVMH attend certainement des juges fran�ais autant de s�v�rit�.
Quelle que soit la solution adopt�e par les juges, elle sera in�dite. Et fera peut-�tre jurisprudence.Il s’agit donc l� d’un moment critique pour les analystes qui, en cas de victoire de LVMH, pourraient risquer de se voir confronter � de nombreux proc�s de la part d’entreprises jugeant leurs titres d�valoris�s par leurs analyses ou d’actionnaires m�contents de leurs pertes en bourse.
En tout �tat de cause, il est urgent pour eux de retrouver la confiance de tous les investisseurs.
Si la justice ne les y aide pas, le l�gislateur, de part et d’autre de l’Atlantique, les aideront peut-�tre.
En effet, la loi Sarbanes-Oxley, vot�e par le Congr�s am�ricain � la fin du mois de juillet 2002, oblige tous les acteurs du march� (entreprises, banques d’affaires, et cabinets d’audit) � r�soudre, au plus vite, leurs conflits d’int�r�ts et en France, le Parlement votera fin 2003, une nouvelle loi dite "de s�curit� financi�re", propos�e en conseil des ministres au mois de f�vrier dernier.