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CINEMA
La propri�t� des n�gatifs r�duite � une peau de chagrin
Publié le lundi 21 avril 2003
Par V�ronique Tharreau
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Les coauteurs d’�uvres cin�matographiques intitul�es notamment " Yoyo " ou encore " le grand amour " demandaient au Tribunal de grande instance de Paris qu’il enjoigne deux laboratoires d�positaires des n�gatifs des �uvres de permettre la r�alisation des travaux n�cessaires � leur reproduction ainsi que la restauration des n�gatifs.

Dans une ordonnance de r�f�r� du 16 juillet 2002, le tribunal a prononc� l’injonction en d�pit de la ferme opposition du propri�taire des n�gatifs, �galement producteur des films et, �l�ment d�cisif, ancien cessionnaire des droits d’exploitation.

Dans son ordonnance, le juge des r�f�r�s observe d’abord que les coauteurs sollicitent " les copies des n�gatifs et non les n�gatifs eux-m�mes, simples objets mat�riels ".

Il en d�duit la vaine invocation, par les coauteurs, du second alin�a de l’article L. 111-3 du CPI (1) relatif � l’abus notoire du propri�taire du support de l’�uvre quant � la mise � disposition de celui-ci, dans la mesure o� seules les copies int�ressent nos coauteurs. Or ces copies n’appartiennent pas au propri�taire du support, d�s lors incapable de r�aliser l’abus notoire all�gu�. Une nouvelle fois dans la jurisprudence, le second alin�a est circonscrit aux �uvres d’art, pr�cis�ment � la gen�se de cet alin�a.

Les coauteurs sollicitent donc " les copies des n�gatifs et non les n�gatifs eux-m�mes, simples objets mat�riels ". L’observation du juge trouve �galement une traduction juridique au premier alin�a de l’article L. 111-3 du CPI : " la propri�t� incorporelle de l’�uvre est ind�pendante de la propri�t� de l’objet mat�riel " (2).

Seule la propri�t� incorporelle int�resse donc le litige, non la propri�t� des n�gatifs. Il convenait de d�terminer alors l’actuel titulaire des droits d’exploitation.

Dans le contexte cin�matographique de l’esp�ce o� cr�ation et �conomie font bon m�nage, la palme de la propri�t� incorporelle est en principe d�cern�e, par voie contractuelle, sur le fondement de l’article L. 132-24 du CPI (3), au producteur.

Nos coauteurs avaient justement conclu un contrat avec la soci�t� productrice, pr�sum�e de ce fait cessionnaire des droits d’exploitation sur les films.

Cependant, en d�cembre 1997, l’union fut rompue par le non-renouvellement des contrats, par les co-auteurs eux-m�mes. Judicieusement le juge des r�f�r�s note que " les droits reconnus au producteur � l’article L. 215-1 du Code de la Propri�t� intellectuelle (4) n’existent qu’autant que les contrats de cession des auteurs ne sont pas r�sili�s ". La pr�somption de cession de l’article L. 132-24 du CPI ne dure pas ad vitam eternam.

Le juge rappelle ainsi que le droit voisin reconnu au producteur se trouve dans la d�pendance du contrat qui le lie aux auteurs de l’�uvre audiovisuelle, m�me si ce producteur jouit, en principe, de droits patrimoniaux " pour une dur�e de cinquante ans � compter du 1er janvier de l’ann�e civile suivant celle de la premi�re fixation d’une s�quence d’images sonoris�e ou non " (5).

Surtout, les coauteurs, en leur qualit� retrouv�e de titulaires des droits d’exploitation, pouvaient l�galement exiger les copies des n�gatifs. Ils pouvaient d’autant plus les exiger en " l’absence d’informations sur d’�ventuels artistes-interpr�tes ". Information ou non, et sur le fondement de l’article L. 211-1 du CPI (6), le droit d’auteur prime sur les droits voisins, de l’artiste- interpr�te et du producteur, � l’exception certes d’un �ventuel abus de l’auteur.

Cependant l’hypoth�se est ici exclue, l’acc�s aux copies �tant qualifi� par le juge de " pr�alable indispensable � l’exercice effectif de leurs droits " par les coauteurs.

L’ article L. 211-1 du CPI est ainsi respect�, laissant bien d�pourvu un producteur pourtant propri�taire des n�gatifs, " simples objets mat�riels " certes...

Auteur
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V�ronique Tharreau
Juriste
Post-Scriptum

(1) Article L. 111-3 du CPI, alin�a 2 : " L’acqu�reur de cet objet n’est investi, du fait de cette acquisition, d’aucun des droits pr�vus par le pr�sent code, sauf dans les cas pr�vus par les dispositions des deuxi�me et troisi�me alin�as de l’article L. 123-4. Ces droits subsistent en la personne de l’auteur ou de ses ayants droit qui, pourtant, ne pourront exiger du propri�taire de l’objet mat�riel la mise � leur disposition de cet objet pour l’exercice desdits droits. N�anmoins, en cas d’abus notoire du propri�taire emp�chant l’exercice du droit de divulgation, le tribunal de grande instance peut prendre toute mesure appropri�e, conform�ment aux dispositions de l’article L. 121-3. "

(2) Article L. 111-3 du CPI, alin�a 1 : " La propri�t� incorporelle d�finie par l’article L. 111-1 est ind�pendante de la propri�t� de l’objet mat�riel. "

(3) Article L. 132-24 du CPI : " Le contrat qui lie le producteur aux auteurs d’une oeuvre audiovisuelle, autres que l’auteur de la composition musicale avec ou sans paroles, emporte, sauf clause contraire et sans pr�judice des droits reconnus � l’auteur par les dispositions des articles L. 111-3, L. 121-4, L. 121-5, L. 122-1 � L. 122-7, L. 123-7, L. 131-2 � L. 131-7, L. 132-4 et L. 132-7, cession au profit du producteur des droits exclusifs d’exploitation de l’oeuvre audiovisuelle."

(4) Article L. 215-1 du CPI : " Le producteur de vid�ogrammes est la personne, physique ou morale, qui a l’initiative et la responsabilit� de la premi�re fixation d’une s�quence d’images sonoris�e ou non. L’autorisation du producteur de vid�ogrammes est requise avant toute reproduction, mise � la disposition du public par la vente, l’�change ou le louage, ou communication au public de son vid�ogramme. Les droits reconnus au producteur d’un vid�ogramme en vertu de l’alin�a pr�c�dent, les droits d’auteur et les droits des artistes-interpr�tes dont il disposerait sur l’oeuvre fix�e sur ce vid�ogramme ne peuvent faire l’objet de cessions s�par�es. "

(5) Article L. 211-4 du CPI : " La dur�e des droits patrimoniaux objet du pr�sent titre est de cinquante ann�es � compter du 1er janvier de l’ann�e civile suivant celle :

- de l’interpr�tation pour les artistes interpr�tes ; - de la premi�re fixation d’une s�quence de son pour les producteurs de phonogrammes et d’une s�quence d’images sonoris�e ou non pour les producteurs de vid�ogrammes ; - de la premi�re communication au public des programmes vis�s � l’article L. 216-1 pour les entreprises de communication audiovisuelle ".

Toutefois, si une fixation de l’interpr�tation, un phonogramme ou un vid�ogramme font l’objet d’une communication au public pendant la p�riode d�finie aux trois premiers alin�as, les droits patrimoniaux de l’artiste-interpr�te ou du producteur du phonogramme ou du vid�ogramme n’expirent que cinquante ans apr�s le 1er janvier de l’ann�e civile suivant cette communication au public.

(6) Article L. 211-1 du CPI : " Les droits voisins ne portent pas atteinte aux droits des auteurs. En cons�quence, aucune disposition du pr�sent titre ne doit �tre interpr�t�e de mani�re � limiter l’exercice du droit d’auteur par ses titulaires. "

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