AVOCATS-PUBLISHING.COM
Cabinet d'Avocats
11, rue Fénelon - 75010 Paris | Tél.: 01 53 40 91 90
Accueil > Economie et Droit
ECONOMIE & DROIT
La protection de l’id�e � valeur �conomique (I�re partie - B)
M�moire soutenu � la facult� de Lille II
Publié le lundi 24 novembre 2003
Par Pascaline Colombani
image1
Même rubrique
La protection de l’id�e � valeur �conomique (II�me partie - B et conclusion)
Distribution s�lective, Luxe et Internet
La cr�ation d’entreprise... au f�minin
LVMH vs/Morgan Stanley
La protection de l’id�e � valeur �conomique (I�re partie - A - d�but)
Vers la reconnaissance du fonds de commerce et du bail commercial �lectronique ?
La protection de l’id�e � valeur �conomique (intro)
Le nom de domaine est une enseigne
La protection de l’id�e � valeur �conomique (I�re partie - A - fin)
Fournisseurs, distributeurs, consommateurs : qu’implique la loi Galland ?
Positionnement et Statistiques Gratuites

B - La responsabilit� contractuelle, un r�gime de protection ad�quat de l’id�e

La responsabilit� civile, quelle soit d�lictuelle ou contractuelle a cette consid�rable souplesse qui lui permet de s’adapter � toutes les circonstances. La responsabilit� contractuelle de chacune des parties peut �tre mise en cause pour un certain nombre de raisons � partir du moment o� il existe une faute qui est � l’origine d’un dommage. La faute peut r�sider dans l’inex�cution du contrat (2) ou la mauvaise ex�cution du contrat (3). Mais il ne faut pas n�gliger la phase pr�contractuelle qui engage aussi les deux futurs cocontractants (1).

1- La responsabilit� pr�contractuelle

Pendant la phase pr�contractuelle, chaque partie est tenue de poursuivre loyalement les n�gociations.

Selon la jurisprudence, " si la libert� est le principe dans le domaine des relations pr�contractuelles, y compris la libert� de rompre � tout moment les pourparlers, il n’en est pas moins vrai que lorsque ces derniers ont atteint en dur�e et en intensit� un degr� suffisant pour faire croire l�gitimement � une partie que l’autre est sur le point de conclure et, partant, pour l’inciter � certaines d�penses, la rupture est alors fautive, cause un pr�judice et donne lieu � r�paration [1].

La n�gociation est particuli�rement importante dans la cr�ation des conventions ; elle doit permettre aux parties de savoir si elles d�sirent conclure ou non le contrat (a). Les pourparlers ont pour but d’�tablir un rapport de confiance entre les futurs cocontractants et s’il existe une v�ritable libert� dans la conduite des pourparlers, il ne faut pas oublier qu’il existe �galement des limites (b).

a- L’importance des n�gociation

Pour pr�server ses droits, le possesseur de l’id�e doit �viter que les tiers n’utilisent ou ne divulguent son id�e, son secret.

La p�riode des n�gociations peut �tre plus ou moins longue et faire l’objet d’�changes d’informations, de documents. Cette phase de n�gociation appel�e " pourparlers " peut engendrer la responsabilit� des futurs contractants. La jurisprudence condamne ceux qui rompent brutalement les pourparlers, ceux qui divulguent les informations re�ues de l’autre partie, notamment au motif que l’une des partie " manque au r�gles de bonne foi dans les relations commerciales [2]" .

Il existe un important risque pour le communicant de l’id�e dans cette phase de pourparlers : il doit prouver que son id�e est � la fois originale et performante sans la d�voiler de mani�re trop pr�cise. Les relations contractuelles se basent � ce moment pr�cis : la confiance doit s’installer entre les futurs cocontractants pour le bon d�roulement du contrat. La phase de n�gociation est un v�ritable espace de libert�, notamment parce que les parties ne se sentent pas encore oblig�es par le contrat, ce qui permet une meilleure ex�cution du contrat. N�anmoins, on ne peut pas tol�rer n’importe quel comportement.

b- L’organisation des pourparlers

Chaque partie a le droit de rompre les pourparlers, mais comme tout droit, il est interdit d’en abuser. La plupart du temps, la jurisprudence sanctionne la rupture abusive ou des comportements d�loyaux pendant la phase de n�gociation sur le fondement de la responsabilit� d�lictuelle, mais souvent les juges emploient une terminologie contractuelle pour mesurer la faute.

La doctrine propose une distinction entre les pourparlers simples et les pourparlers contractuels :

Selon les Professeurs Flour et Aubert [3], les pourparlers simples " constituent une proposition qui vise seulement � instaurer une n�gociation d’o� na�tra peut-�tre un contrat mais sans que les �l�ments fondamentaux en soient encore exactement pr�vus ".

A ce moment, il ne s’agit que d’une discussion qui ne d�montre pas la volont� de contracter. Il n’existe � ce stade de la n�gociation aucun engagement. En revanche, les parties doivent garder un bon comportement. Il est indispensable de garder le plus d’informations secr�tes pendant les pourparlers simples, puisqu’il n’existe aucune r�elle volont� des parties � contracter. Or les juges ont besoin de preuves de n�gociations concr�tes et non pas seulement d’une " discussion ".

Par ailleurs, ce type de pourparlers sera donc sanctionn� sur le fondement des articles 1382 et 1383 du Code Civil, lesquels engagent la responsabilit� d�lictuelle du celui qui a rompu les pourparlers. Il faudra notamment d�montrer une conduite anormale, frauduleuse voire abusive dans la n�gociation. Les juges essaieront de se baser sur la th�orie de l’abus de droit, laquelle ne repose pas sur l’intention de nuire.

La notion de pourparlers contractuels a �t� �labor�e par les Professeurs Schmidt et Mousseron [4] . Ce type de pourparlers englobe les accords de confidentialit�, les accords de secret, les accords de non-concurrence, les lettres d’intention ou encore les accords de principe. Ces accords sont conclus dans le but unique de faciliter la conclusion du contrat final. N�anmoins, les partenaires ne sont pas contraints d’aboutir au contrat d�finitif.

Les pourparlers contractuels, comme leur nom l’indique sont consid�r�s comme des " avant-contrats " destin�s � pr�parer les n�gociations. Pour autant, ces accords sont consid�r�s par la jurisprudence comme de simples obligations de moyen.

Pour que la partie l�s�e puisse obtenir une indemnisation, la faute doit �tre qualifi�e. Il peut s’agir d’une rupture injustifi�e : la faute est ici de nature purement d�lictuelle.

Les juges recherchent aussi l’intention de nuire [5] de l’auteur de la faute : ce serait la situation dans laquelle la n�gociation n’a �t� entreprise que dans le but de d�tourner des informations ou d’obtenir la r�v�lation de secrets ou documents confidentiels...Mais l’intention de nuire n’est relev�e que dans de rares d�cisions, faute de la prouver correctement. Il n’est pas plus �vident de prouver la mauvaise foi, mais la jurisprudence s’assouplit sur ces exigences.

Les juges d�duisent d�sormais la faute dans la " l�g�ret� " du comportement " sans caract�riser l’existence de la mauvaise foi ou de l’intention de nuire " . L’appr�ciation de la faute se fait de mani�re objective, par comparaison au comportement de l’honn�te commer�ant soucieux d’observer la morale et les usages des affaires. Par exemple, les juges retiennent le " s�rieux " des n�gociations, la dur�e des discussions, l’avanc�e des pourparlers, l’engagement de frais et des investissements. Un arr�t de la Cour d’Appel de Riom [6] retient que " la mauvaise foi consiste � mettre fin, dans des conditions dommageables, aux pourparlers, apr�s avoir fait croire � son partenaire que l’on allait conclure le contrat ". N�anmoins, l’appr�ciation est toujours faite en fonction de circonstances de fait, et les juges recherchent d’avantage l’absence de motifs l�gitimes dans la rupture des pourparlers.

Selon le droit commun de la responsabilit�, la partie l�s�e doit faire �tat d’un pr�judice direct et certain. En effet, la victime ne saurait pr�tendre qu’� la r�paration de son pr�judice effectif, � savoir la perte de frais expos�s inutilement, le temps perdu, les documents et informations d�voil�s...Mais le demandeur ne peut pr�tendre obtenir la compensation des avantages qu’aurait pu lui procurer la conclusion et l’ex�cution du contrat. En revanche, la jurisprudence a depuis quelques ann�es recours � la " perte de chance La notion de perte de chance est une cr�ation jurisprudentielle utilis�e par les juges pour indemniser des victimes qui ne r�ussissent pas � d�montrer le lien de causalit� entre la faute et le dommage final. Les juges doivent reconna�tre un pr�judice autonome et distinct du pr�judice final consistant pour la victime � avoir perdu une chance. L’indemnit� allou�e � la victime en r�paration du pr�judice n� de la perte de chance ne peut jamais �tre �gale au montant du dommage final subi par la victime. Cette indemnit� ne peut �tre �gale qu’� une fraction du pr�judice final. Les juges �valuent la totalit� des divers pr�judices subis par la victime et fixent ensuite la fraction totale de ces pr�judices qui rel�ve de la perte de chance.  [7]" pour d�terminer le pr�judice. Cette chance perdue de conclure le contrat doit �tre s�rieuse et correspond � la chance perdue de conclure une autre convention, surtout lorsque des �l�ments essentiels de l’objet du contrat ont �t� d�voil�s pendant la n�gociation.

Ainsi, il est particuli�rement important d’�tablir un accord de confidentialit� d�s le d�but des pourparlers. Cet accord aura pour objet l’obligation pour chaque partie de ne pas communiquer les informations, de ne pas exploiter l’id�e de mani�re directe ou indirecte.

N�anmoins, m�me en l’absence d’accord de secret, la jurisprudence [8] consid�re que la divulgation d’�l�ments confidentiels obtenus en pourparlers constitue une faute d�lictuelle. Un arr�t de la Cour d’Appel de Paris [9] a consid�r� qu’il existait un acte de concurrence d�loyale dans l’utilisation par l’une des parties, des indications techniques fournies par le communicant au cours de pourparlers, alors m�me qu’aucun contrat ne vit le jour par la suite.

La rupture des pourparlers est toujours de nature d�lictuelle, mais dans le cas o� des accords provisoires sont sign�s par les futurs cocontractants, c’est la responsabilit� contractuelle qui est mise en �uvre. Une fois le contrat conclu, le seul recours que puisse avoir le cocontractant est celui de la responsabilit� contractuelle lorsque les obligations impos�es par le contrat ne sont pas respect�es.

2- L’inex�cution des obligations

La non ex�cution de tout ou partie des obligations contractuelles engage la responsabilit� contractuelle de la partie d�faillante. Ainsi, chacune des parties a des obligations vis � vis de l’autre. Celui qui trouve l’id�e et la transf�re peut voir sa responsabilit� contractuelle intervenir sur le fondement de l’article 1147 du Code Civil, si l’id�e �tait notamment inutilisable (a). Le destinataire, quant � lui n’est pas � l’abri de l’annulation pure et simple du contrat en cas d’inex�cution de ses obligations (b).

a- L’id�e inutilisable

Le contrat a pour objet d’organiser des relations juridiques entre les parties, mais aussi d’assurer la protection de chacune d’entre elles. En effet, nous avons vu jusqu’� pr�sent l’importance des clauses contractuelles souvent �labor�es dans le but de prot�ger celui qui est � l’initiative de l’id�e. Il est vrai que l’on part du postulat que c’est celui qui a une id�e qui prend le risque de la communiquer � un tiers, et de se la faire usurper, et c’est en ce sens que l’on met tout en �uvre pour lui �viter ce pr�judice. N�anmoins, dans le cadre d’une mission de recherche d’id�e, et plus sp�cialement en dehors du cadre contractuel salari�/employ�, il est important d’accorder une protection � celui qui doit b�n�ficier de l’id�e, objet du contrat.

Cette situation serait celle d’un communicant qui trouve une id�e inutilisable ou d�j� exploit�e ou, dans le pire des cas, qui ne trouve pas l’id�e. Dans ce cas, le cocontractant pourra agir en annulation du contrat, en invoquant par exemple le d�faut d’objet sur la base de l’article 1129 du Code Civil, ou le d�faut de cause, gr�ce � l’article 1131 du Code Civil [10] .

Pour que le contrat soit annul� pour d�faut d’objet, il faut que son objet soit ind�termin�. Or, il n’y a rien de plus subjectif qu’une id�e. D�s lors, il faut au mieux d�terminer l’id�e pour qu’elle puisse �tre consid�r�e, au vu du contrat, comme une chose d�terminable.

Dans le cas d’une id�e qui reste introuv�e ou introuvable, puisque l’objet ou la cause du contrat est la recherche d’id�e qui n’a pas �t� trouv�e, il est sans doute plus opportun de se fonder sur l’obligation d’ex�cution du contrat. Le contrat serait alors non plus annul� mais r�sili� pour l’inex�cution du d�biteur de ses obligations contractuelles.

Evidemment, ces dispositions ne peuvent �tre valablement retenues dans le cadre d’un contrat de communication ou de transfert d’id�e, puisqu’en principe, l’id�e est d�j� con�ue et fait l’objet du contrat. G�n�ralement, c’est parce que l’id�e semble exploitable qu’elle int�resse, et c’est parce qu’elle existe que le contrat est conclu. Mais, toutes les situations �tant envisageables, il est prudent de retenir toutes les dispositions contractuelles dont le but est de prot�ger au mieux les int�r�ts de la partie l�s�e, en l’occurrence le r�ceptionnaire. Mais celui-ci peut aussi �tre tenu responsable s’il ne respecte pas ses obligations contractuelles.

b- La d�faillance du destinataire de l’id�e

Il est tenu de payer le prix en contrepartie de la divulgation de l’id�e. Il est �galement oblig� d’exploiter l’id�e commerciale, � d�faut de quoi le contrat pourrait �tre r�sili�.

Rappelons qu’en mati�re de pourparlers comme en mati�re d’ex�cution des obligations, les cocontractants doivent respecter leur obligation r�ciproque de bonne foi. A d�faut, leur responsabilit� civile contractuelle ou pr�contractuelle sera engag�e sur le fondement des articles 1134 et 1135 du Code Civil.

Nous supposons qu’en mati�re d’id�e �conomique il s’agit d’une obligation de moyen et non d’une obligation de r�sultat. Or, l’obligation de moyen est une obligation de prudence et de diligence qui impose au d�biteur de l’obligation de mettre en �uvre tous les moyens possibles pour obtenir le r�sultat recherch� dans la convention.

D�s lors, le cocontractant ne peut mettre en cause la responsabilit� du d�biteur qu’en d�montrant que ce dernier n’a pas agi avec toute la diligence et la prudence requise. Outre une inex�cution totale du contrat, la plupart du temps, la responsabilit� contractuelle est engag�e sur la base d’une mauvaise ex�cution du contrat.

3- La mauvaise ex�cution du contrat

Lorsque l’une des parties ex�cute " mal " le contrat, il s’agit g�n�ralement d’atteintes � l’objet du contrat, et particuli�rement l’usurpation (a) et la divulgation (b) des informations essentielles de la convention. Mais la doctrine suivie par la jurisprudence dans certains cas d�noncent aussi l’enrichissement sans cause (c) et l’abus de droit ou l’abus de confiance (d).

a- L’usurpation de l’id�e

L’usurpation est r�alis�e d�s qu’un tiers entre en possession de la cr�ation issue d’un savoir-faire, d’un secret, de mani�re frauduleuse et en tous cas illicite. L’usurpation s’effectue plus facilement pendant les pourparlers, lorsque les parties ne se sentent pas li�es par des obligations contractuelles, mais l’usurpation peut �galement �tre le fait de salari�s qui se " volent " leurs recherches. Dans tous les cas, l’usurpation sera difficile � prouver concernant une id�e, une m�thode, une strat�gie, une connaissance. C’est pourquoi, il faut imp�rativement am�nager des preuves de la paternit� de ces informations immat�rielles � tous les stades de la recherche, � chaque phase de r�alisation.

L’usurpation de l’id�e est la plupart du temps consid�r�e comme de l’espionnage industriel lequel " consiste pour un individu � violer les secrets d’une entreprise en p�n�trant sa sph�re d’intimit� afin de lui d�rober ce qu’elle a de plus confidentiel [11]". Or souvent, on constate qu’il y a eu usurpation une fois que l’id�e est divulgu�e.

b- La divulgation de l’id�e

La divulgation est quant � elle r�alis�e d�s lors que l’id�e � �t� r�v�l�e de mani�re abusive par un tiers qui en avait connaissance.

Celui qui livre � des tiers les secrets de fabrique de son employeur ou de son ancien employeur est soumis aux dispositions de l’article L.621-1 du CPI [12]. Cet article reprend quant � lui certaines dispositions de l’ancien article 418 du Code P�nal qui sanctionnait " la divulgation du secret de fabrique ". Pour que le d�lit de divulgation de secret de fabrique soit constitu�, il faut un secret de fabrique (un savoir-faire constitue souvent un secret de fabrique) qui ait �t� communiqu� � un tiers, avec une intention coupable d’un salari� ou d’un ancien salari� de l’entreprise.

Il existe une autre disposition du Code P�nal : l’article 226-13.relatif � " la r�v�lation d’une information � caract�re secret par une personne qui en est d�positaire ". Ainsi, il est possible, sous certaines conditions d’accorder une protection p�nale [13]. � l’id�e commerciale.

Les textes sont rares et leur champ d’application est restreint, pourtant les acteurs �conomiques fran�ais ont bien conscience de l’importance de la protection ou plut�t de l’absence de protection. A d�faut de protection l�gale, les entreprises fran�aises peuvent se tourner vers l’article 39 �2 de l’Accord ADPIC. Selon cet accord, " les personnes physiques et morales auront la possibilit� d’emp�cher que des renseignements licitement sous leur contr�le ne soient divulgu�s � des tiers ou acquis ou utilis�s par eux sans leur consentement et d’une mani�re contraire aux usages commerciaux honn�tes sous r�serve que ces renseignements soient secrets (... ) et aient une valeur commerciale parce qu’ils sont secrets (...) ".

Certains tribunaux ont admis le d�lit de vol d’information, cependant, la majorit� de la doctrine est d�favorable � l’�tablissement de ce d�lit dans la mesure o� il s’agit du domaine des droits immat�riels et incorporels et que le vol n�cessite la soustraction d’une chose, bien r�elle et bien palpable. Les juges du fond [14]confirment le jugement qui avait retenu que les pr�venus avaient "frauduleusement soustrait le contenu informationnel de 47 disquettes pendant le temps n�cessaire � la reproduction des informations ". Les juges d�montrent ici qu’une information m�me incorporelle et impalpable peut faire l’objet d’un vol dans la mesure et � la condition qu’elle soit pr�alablement transcrite sur un support, en l’occurrence des disquettes.

Il existe une v�ritable logique juridique dans cette esp�ce mue par la n�cessit� qu’�prouvent les juges � prot�ger, au nom de l’�quit�, la personne qui retranscrit sur un support des id�es, informations ou projets, qu’un tiers reprend � son compte. C’est pourquoi les juges se tournent vers les dispositions p�nales pour condamner ces actes frauduleux.

c- L’abus de droit et l’abus de confiance

Le d�tournement par une personne de documents qui lui ont �t� remis � titre pr�caire en vertu d’un contrat constitue un abus de confiance qui est sanctionn� par l’article 314-1 [15]du Nouveau Code P�nal .

En mati�re industrielle, la jurisprudence a condamn� une entreprise pour avoir d�pos� � son nom un brevet alors que l’un inventeur lui avait soumis l’invention. Les juges ont d�cr�t� ici qu’il y avait violation des rapports de confiance. Une autre hypoth�se doit �tre relev�e. Supposons qu’une personne demande � une autre de concr�tiser une id�e pr�cise, que la premi�re personne sache exactement comment et avec quel mat�riel son id�e peut �tre mat�rialis�e. La seconde personne n’a qu’un r�le d’ex�cutant puisqu’il n’appose plus sur l’�uvre le reflet de sa personnalit�. La seconde personne n’use que de ses talents " physiques " mais ne fait pas preuve d’originalit� : elle ex�cute. Dans ce cas, il est impossible d’attribuer des droits d’auteur � la seconde personne et de n’en conf�rer aucun � la premi�re. Il y aurait un abus de confiance.

La meilleure solution dans ce genre de situation est encore d’appliquer l’article L.113-2 du CPI concernant l’�uvre de collaboration , laquelle accorde une titularit� commune aux auteurs . Cependant, dans certaines situations, " la main m�rite moins que la t�te ", et il pourrait para�tre injuste d’attribuer autant de droits au concepteur qu’� l’ex�cutant.

Rappelons qu’un auteur avait d�j� per�u l’abus de droit comme fait engageant la responsabilit� civile de son auteur dans ce domaine.

Dans sa " Proposition de loi ", Xavier Desjeux [16] �nonce � l’article 1 : " Le fait par un tiers de reprendre ou d’exploiter � d’autres fins que l’usage priv�, la prestation d’autrui, telle que d�finie ci-apr�s, sans l’autorisation de celui-ci, constitue un abus de droit de la libert� de commerce et de l’industrie dont la victime est fond�e � demander r�paration. "

Et malgr� une d�cision de 1960 [17], " L’appropriation de l’id�e d’autrui engage la responsabilit� civile de celui qui s’y livre ", � moins d’avoir pr�alablement, s�rieusement et pr�cis�ment encadr� la r�servation de son id�e, son possesseur doit souvent recourir � la concurrence d�loyale pour faire reconna�tre l’id�e comme sienne.

Auteur
image2
Pascaline Colombani
Juriste
Notes & Références bibliographiques

[1] Cass.Com. 20 mars 1972, JCP 1973, ed. G, II, 17543 et CA Riom, 10 juin 1992, RJDA 10/92, n° 893"

[2] Cass.Com. 22 avril 1997, D. 1988 II, p. 45

[3] " Les obligations t.2 ", Jacques Flour et Jean-Luc Aubert, ed. A. Colin, 9�me �dition 2001

[4] " Trait� des Brevets ", Pierre Mousseron, Professeur � l’Universit� de Montpellier, en collaboration avec Joanna Schmidt, Professeur � l’Universit� de Lyon 3, ed. Litec 1984

[5] Cass.Com. 12 octobre 1993, Com. 22 f�v. 1994, Bull. Civ. IV n°79

[6] RTDCiv. 1994 p.849, Riom, 13 d�cembre 1989

[7] La perte de chance est donc ind�pendante du pr�judice final et consiste dans la r�alisation fortement pr�visible d’un dommage pr�sent ou futur, lequel doit �tre certain, m�me s’il est affect� d’un al�a. Les juges ont l’obligation de pr�ciser que l’indemnisation accord�e corresponde effectivement � une perte de chance. Le plus souvent, la perte de chance est l’objet d’une r�paration partielle �gale � un pourcentage de la valeur de la chance perdue. Selon un arr�t de la chambre commerciale de la Cour de Cassation du 2 juillet 2002, " la r�paration d’une perte de chance doit �tre mesur�e � la chance perdue et ne peut �tre �gale � l’avantage qu’aurait procur� cette chance si elle avait �t� r�alis�e ".

[8] Cass.Com. 3 octobre 1978, D. 1980, JP p. 55

[9] Paris, 19 novembre 1976, D. 1977, IR p. 279

[10] " Id�e et Contrat " S.Poillot-Peruzzeto et M. Luby, Professeurs � l’Universit� de Toulouse, publication du site internet de l’Universit� de Toulouse

[11] C. Van Den Bussche, " La protection p�nale contre l’espionnage des secrets d’affaires ", Petites Affiches 1995, n°135, p. 20

[12] Article L.621-1 du CPI : " Les peines frappant la violation des secrets de fabrique sont pr�vues � l’article L.152-7 du Code du Travail "., lequel renvoie � l’article L.152-7 du Code du Travail

[13] Article 226-13 du Code P�nal : " la r�v�lation d’une information � caract�re secret par une personne qui en est d�positaire soit par �tat ou par profession, soit en raison d’une fonction ou d’une mission temporaire, est punie d’un an d’emprisonnement et de 15 000 Euros d’amende "

[14] Reims du 27 f�vrier 1987

[15] Selon l’article 314-1 du Nouveau Code P�nal, " l’abus de confiance est le fait par une personne de d�tourner, au pr�judice d’autrui, des fonds, des valeurs ou un bien quelconque qui lui ont �t� remis et qu’elle a accept� � charge de les rendre, de repr�senter ou d’en faire un usage d�termin�. L’abus de confiance est puni de 3 ans d’emprisonnement et de 375 000 Euros d’amende. " L’abus de confiance est un d�lit p�nal qui se commet obligatoirement dans un cadre contractuel. Ainsi, il se distingue du vol puisque le propri�taire confit le bien � la personne qui doit le lui restituer. L’infraction consiste � d�tourner le bien de sa finalit� contractuelle. La condition pr�alable � la commission de l’infraction est l’existence d’un contrat qui organise la remise, � titre pr�caire, d’une chose � une personne. Cependant, le contrat ne transfert pas au b�n�ficiaire la propri�t� de la chose remise. Ce dernier a l’obligation de rendre la chose qui lui a �t� confi�e contractuellement. L’autre condition permettant la qualification d’abus de confiance est l’existence d’un acte mat�riel frauduleux, volontaire. Ainsi, l’abus de confiance est r�alis� lorsqu’il y a violation consciente et frauduleuse des obligations du b�n�ficiaire du contrat. L’abus de confiance doit causer un pr�judice au propri�taire de la chose confi�e : le bien n’est plus temporairement ou d�finitivement disponible pour la victime. En r�sum�, pour que le d�lit d’abus de confiance soit constitu�, le lien contractuel, le d�tournement, la mauvaise foi du cocontractant et le pr�judice subi devront �tre d�montr�s.

[16] " La reprise de la prestation d’autrui : l’id�e commerciale et l’investissement �conomique ", Xavier Desjeux, Docteur en Droit, Gaz. Pal. 1992, doct. p.973

[17] Cass.Com., 29 novembre 1960

Retour au haut de page

Retour au sommaire