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ECONOMIE & DROIT
La protection de l’id�e � valeur �conomique (I�re partie - A - d�but)
M�moire soutenu � la Facult� de Droit de Lille II
Publié le lundi 3 novembre 2003
Par Pascaline Colombani
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I - LA PROTECTION DE L’IDEE A VALEUR ECONOMIQUE PAR LE CONTRAT

Selon l’article 1101 de Code Civil, le contrat est une convention par laquelle une ou plusieurs personnes " s’obligent envers une ou plusieurs autres, � donner, � faire ou � ne pas faire quelque chose ".

Le rapport entre l’id�e et le contrat d�coule naturellement des obligations que le contrat produit. En effet, " le contrat a pour mission de promouvoir, prot�ger, d�fendre, d�velopper, adapter l’id�e, objet du contrat .

La plupart des cr�ations peuvent faire l’objet d’une protection contractuelle, notamment gr�ce aux contrats de secret ou de confidentialit�, ou de clauses ins�r�es dans un contrat plus g�n�ral comme un contrat de commande ou de services (A), et leur violation engage la responsabilit� contractuelle des cocontractants (B).

A - Les conditions de la protection contractuelle de l’id�e

Une id�e [1], un concept, une invention peuvent �tre prot�g�s par le secret, mais cela suppose qu’il soit mat�riellement possible de conserver le secret (1). D�s lors que l’id�e est mat�rialis�e, il est possible de la communiquer. La communication sera alors organis�e par le contrat qui a l’avantage de s’adapter � tout type d’objet (2) mais aussi par les clauses contractuelles qui permettent d’insister sur la pr�servation du secret (3).

1 - La mat�rialisation de l’id�e

Rappelons qu’il n’est pas question de prot�ger toutes les id�es. Au m�me titre que certaines cr�ations ne remplissent pas les conditions de protection, les id�es ne sont pas toutes dignes d’�tres prot�g�es. Par ailleurs pour qu’une protection soit accord�e aux id�es � valeur �conomique, encore faut-il qu’elles soient ext�rioris�es (a) et individualis�es (b).

a- L’id�e ext�rioris�e

Il faut envisager la protection des seules id�es qui ont d�j� des contours plus ou moins pr�cis, c’est-�-dire des id�es qui sont d’abord ext�rioris�es. Comme le souligne Th�o Hassler [2] : " En fait, d�s lors qu’il y a mat�rialisation de l’id�e, celle-ci devient le plus souvent prot�geable, ce qui illustre l’ambigu�t� du crit�re de protection. Contrairement � un sentiment re�u, les id�es sont prot�g�es, m�me si cela est fait indirectement et quelque peu hypocritement. " Ainsi, comme pour toute �uvre, l’id�e doit n�cessairement �tre mat�rialis�e pour pouvoir pr�tendre � une protection.

Cette condition exclue d�s lors toutes les id�es qui ne sont pas ext�rioris�es. Pour autant, si l’id�e est mat�rialis�e, elle est appos�e sur un support et d�s lors consid�r�e comme une �uvre, laquelle est prot�geable par le Droit de la Propri�t� Intellectuelle.

Il faut donc nuancer la notion de " mat�rialisation de l’id�e ". Selon Pierre-Yves Gautier [3], " la mise en forme de l’id�e, (...) c’est le fait de parvenir � une pr�cision suffisante quant � l’�uvre future dans l’expos� que l’on peut en faire � autrui (...) Ainsi, l’id�e serait susceptible d’appropriation d�s que ses contours sont suffisamment pr�cis�s, et avant m�me d’�tre mat�rialis�e. "

La nuance est d�licate et c’est donc aux juges qu’il appartiendra de d�terminer si l’id�e est suffisamment ou insuffisamment mat�rialis�e. Le crit�re retenu est celui de la pr�cision. Un jugement [4] a refus� la protection au titre d’�uvre de l’esprit d’un vid�o-clip. Selon les juges, " ce synopsis laconique se contente de d�finir certains aspects du film, sans d�terminer, ni les phases dans leurs aspects techniques : d�coupage pr�cis par plan et minut�, ni la n�cessaire adaptation entre l’interpr�tation de la chanson et le r�le attribu� � l’interpr�te ; qu’il ne d�passe pas le stade de l’id�e pour atteindre la notion de canevas de travail, d’un sc�nario suffisamment �labor� pour permettre une mise en �uvre effective ".

Dans l’Affaire Christo [5], l’id�e d’emballer le Pont-Neuf peut �tre prot�g�e puisqu’il y avait concr�tisation de l’id�e par la r�alisation d’une forme originale. Mais, le m�me artiste ne saurait reprocher � des publicitaires de reprendre son id�e d’emballage pour l’appliquer � d’autres monuments [6].

Un arr�t de la Cour d’Appel de Paris [7] a en revanche reconnu la qualit� d’auteur � une personne qui avait dict� ses souvenirs � un professionnel : " S’il est exact que le droit d’auteur s’applique � la composition et � l’expression d’une �uvre litt�raire, il est tout aussi certain que celui dont les souvenirs sont l’objet m�me de l’�uvre, n’est pas un simple pr�te-nom ; qu’il n’a pas perdu ses pr�rogatives d’auteur sous le pr�texte que le manuscrit a �t� r�dig� par un autre ".

Dans le m�me sens, le Tribunal de la Seine [8] d�cida dans l’Affaire Jean Cocteau que lui seul �tait l’auteur du ballet " Le jeune homme et la mort ", alors que les r�alisateurs du d�cors, des costumes et de la chor�graphie invoquaient des droits d’auteur sur l’�uvre. Les juges ont constat� que " les divers �l�ments de l’�uvre ont �t� r�alis�s selon les explications donn�es par Jean Cocteau. Les autres cr�ateurs avaient simplement mat�rialis� l’id�e de Cocteau. Ils sont consid�r�s dans cette affaires comme des interpr�tes, charg�s de transcrire les id�es de l’auteur.

Cet arr�t reconna�t la protection de l’id�e qu’une personne a fait mettre en forme par des intervenants.

Toutefois, cette solution a �t� adopt�e par les juges parce qu’il existait une v�ritable subordination entre Jean Cocteau et les r�alisateurs, laquelle permet de r�v�ler la destination de l’�uvre : un ballet. L’id�e est donc n�cessairement mat�rialis�e pour pouvoir acc�der � une protection. En outre, il faut pouvoir l’individualiser pour que son auteur soit reconnu.

b- L’id�e individualis�e

Les id�es � valeur �conomiques doivent �tre prot�g�es parce que tout projet de cr�ation d’une entreprise ou de revalorisation d’un secteur commence par une id�e. Mais il convient de m�nager des preuves sur la titularit� de l’id�e.

Dans un premier temps, il faut savoir la d�finir : la r�sumer en quelques lignes de fa�on pr�cise et concise.

Il faut �voquer les caract�ristiques du produit ou du service propos�, d�terminer son utilit�, son usage, ses performances, son fonctionnement, mais aussi l’avantage qu’il procure par rapport aux autres concepts.

Dans un deuxi�me temps, il est souhaitable de constituer des �l�ments de preuves intangibles. Il est possible de d�poser le document transcrivant l’id�e aupr�s de la Soci�t� de Gens de Lettres (SGDL). Le d�p�t, valable pour une p�riode de quatre ann�es est renouvelable et co�te 40 Euros.

Le titulaire de l’id�e peut aussi faire �tablir un constat d’huissier ou un acte notari�, dont la dur�e est illimit�e et dont le co�t est variable en fonction des prestataires.

L’enveloppe Soleau est propos�e par l’Institut de Propri�t� Intellectuelle. Elle permet de se pr�constituer la preuve d’une cr�ation ou d’une invention en leur donnant date certaine.

Cependant, l’enveloppe Soleau n’est pas un titre de propri�t� industrielle. Elle ne conf�re pas � son titulaire le droit de s’opposer � l’exploitation de sa cr�ation effectu�e sans son consentement.

L’enveloppe Soleau permet � l’inventeur qui d�sire garder son invention secr�te de se pr�valoir de l’exception de "possession personnelle" [9], si une demande de brevet a �t� d�pos�e par la suite par un tiers. L’exception de possession personnelle ant�rieure est reconnue � l’article L. 613-7 du CPI concernant le brevet d’invention. Mais une cr�ation n’est pas forc�ment brevetable, et le savoir-faire b�n�ficie de cette exception. Ainsi, il n’est pas n�cessaire que l’id�e soit brevetable pour justifier du droit de possession personnelle ant�rieur.

L’enveloppe Soleau a aussi un grand int�r�t dans le cadre d’une action en revendication [10]. Elle permet de faire valoir ses droits au cas o� un tiers aurait usurp� une cr�ation et la pr�senterait comme sienne.

L’enveloppe Soleau est en vente � l’INPI, � Paris ou dans une d�l�gation INPI, au prix de 10 Euros. On peut �galement la commander par internet sur le site www.inpi.fr en la commandant dans la boutique �lectronique. Elle comporte deux compartiments : l’un est destin� � l’utilisateur et l’autre aux services de l’INPI. Le cr�ateur devra introduire dans chacun des compartiments un exemplaire de la description, ou d’une reproduction de sa cr�ation. Il devra par la suite adresser l’enveloppe � l’INPI. L’utilisateur devra n�anmoins �tre vigilent quant au support qu’il emploiera pour d�crire ou reproduire son id�e puisque l’enveloppe fera l’objet d’un enregistrement par perforation au laser, ce qui risque de d�truire les supports magn�tiques, �lectroniques ou informatiques. En outre, l’enveloppe Soleau ne pourra pas �tre enregistr�e lorsque elle pr�sente une �paisseur sup�rieure � 5 millim�tres (ce qui correspond, selon les services de l’INPI � 7 feuilles de papier A4) et si elle r�v�le au toucher la pr�sence de corps durs tels que le carton, le caoutchouc, le bois, le cuir, le fer...

L’INPI retourne ensuite un compartiment � l’utilisateur qui doit le conserver sans le d�cacheter. Le second compartiment est conserv� dans les archives pour une p�riode de cinq ans, prorogeable une fois, moyennant paiement de la m�me redevance de 10 Euros, et pourra �tre produit en justice.

Une " bonne " id�e peut int�resser des dirigeants d’entreprise. Dans ce cas, l’id�e devient � titre principal ou accessoire objet d’un contrat, qui a l’avantage de s’adapter � toutes les situations.

2 - L’adaptation du contrat aux id�es � valeur �conomique

En dehors de l’hypoth�se d’une personne qui trouve une id�e, chez elle, en week-end, il existe des missions de recherches d’id�es, dont le but est que l’id�e puisse ensuite �tre transf�r�e, tout en �tant le mieux prot�g� des tiers.

Ainsi, l’id�e peut �tre l’objet exclusif d’un contrat d’�tude en architecture, d’un contrat de concept publicitaire ou tout simplement l’objet d’un contrat de travail. Le contrat de travail fait l’objet de r�gles particuli�res. Il est n�cessaire de bien d�limiter l’activit� du salari� et les droits de propri�t� intellectuelles qui y sont inh�rents. Toutes les informations, les recherches et d�veloppements trouv�s lors de l’ex�cution d’un contrat de travail doivent �tre minutieusement encadr�s lors de la conclusion du contrat. Le contrat de travail faisant aussi l’objet de dispositions l�gislatives relatives aux cr�ations de salari�s, nous nous cantonnerons � distinguer seulement quatre grands types de contrat : le contrat de recherche (a), le contrat d’entreprise (b), le contrat de communication ou de transfert (c) et le contrat de franchisage (d).

a- Le contrat de recherche

C’est un contrat par lequel une personne, le client, confie � une autre personne, l’entrepreneur, l’ex�cution de travaux de recherche. Dans le cadre d’une recherche effectu�e pour le CNRS, l’enseignant-chercheur, dont la mission principale est la recherche notamment des id�es, est consid�r� �tre en situation de salariat par les juges [11]. Ce sont donc les r�gles sur les inventions de salari�s qui s’appliquent aux chercheurs universitaires. Ainsi, comme dans tout contrat de travail, l’id�e objet du contrat appartient souvent � l’employeur puisque celui-ci r�mun�re le salari� dont la mission principale est de " trouver des id�es ".

La protection juridique pourrait �tre rendue plus efficace par l’�laboration d’un cahier des charges. Cette disposition peut para�tre �trange puisqu’il n’y a rien de plus concret qu’un cahier des charges, et c’est aussi pourquoi il intervient de mani�re quasi automatique dans tous les types de contrat d�sormais. En effet, lorsqu’un cahier des charges est �labor�, les parties doivent �tre en mesure de conna�tre, voire de r�pondre aux attentes formul�es par l’autre, situation que l’on retrouve particuli�rement dans le contrat d’entreprise.

b- Le contrat d’entreprise

Ce contrat aussi d�sign� " louage d’ouvrage " par les articles 1708, 1710, 1779 et 1799 du Code Civil est d�fini comme une convention par laquelle " une personne se charge de faire un ouvrage pour autrui, moyennant une r�mun�ration, en conservant son ind�pendance dans l’ex�cution du travail " ce qui le diff�rencie d’ores et d�j� du contrat de travail qui implique une subordination.

Le contrat d’entreprise suppose la r�alisation d’un travail pour le compte d’autrui. Il peut s’agir d’un travail mat�riel ou intellectuel, notamment lorsqu’il consiste � fournir des conseils, des renseignements, voire un enseignement. Dans ce cas, la plupart des contrats organisent le statut du " chercheur d’id�e " en fonction de sa mission.

Par exemple, dans un contrat d’architecte, la propri�t� de l’id�e appartient � ce-dernier. En mati�re de publicit�, un contrat-type a �t� �labor� en 1961 par les professionnels du milieu publicitaire.

L’article L.111-1 du CPI subordonne la protection de l’�uvre � la cr�ation de forme de celle-ci mais aussi � partir du moment o� elle refl�te la personnalit� de son auteur. Or, dans le domaine publicitaire, l’�uvre est la r�alisation par une personne de la conception dont une autre personne est l’auteur. Par exemple, le client d’une agence de publicit� a une id�e g�n�rale, mais le concepteur poss�de une id�e beaucoup plus pr�cise qui se manifeste notamment par son originalit�. Le concepteur fait part de son id�e d�j� bien d�velopp�e � une tierce personne qui a la charge de l’ex�cuter. A partir de quel moment peut-on consid�rer que l’�uvre est une v�ritable cr�ation ou au contraire une simple mat�rialisation de l’id�e du concepteur ? Cette situation tr�s fr�quente ne concerne pas le seul milieu publicitaire, m�me si celui-ci illustre parfaitement la difficult� de la protection.

Il faut donc distinguer deux situations : celle du simple " louage d’ouvrage ", c’est-�-dire le cas o� un client demande � l’agence de communication de mettre au point une publicit� pour un produit, sans imposer des directives ni transmettre des documents. Ici, l’agence est seule cr�atrice de la publicit� et le client n’aura aucun droit sur l’�uvre " livr�e " sauf stipulations contractuelles contraires. En revanche, l’autre situation est celle plus d�licate d’un client exigeant qui impose � l’agence de publicit� de travailler en collaboration avec un concepteur de l’entreprise qui apporte lui-m�me des id�es suffisamment d�taill�es pour que le seul r�le attribu� � l’agence soit celui d’ex�cutant. Comment peut-on d�s lors consid�rer l’agence comme le seul auteur de l’�uvre ? Pour r�pondre � ces diff�rends, il faut envisager deux situations :

Si l’�uvre a �t� r�alis�e par des salari�s, et en l’absence de clauses particuli�res dans le contrat de travail, la jurisprudence consid�re que le salari� conserve ses droits moraux sur l’�uvre r�alis�e [12] quand bien m�me la cession des droits patrimoniaux de la cr�ation � l’employeur est automatique [13].

Si l’�uvre est r�alis�edans le cadre d’un contrat de commande, la cession des droits d’exploitation sur les �uvres publicitaires est r�gie par les dispositions de l’article L.132-31 du CPI Article L.132-3 CPI : " Dans le contrat d’une �uvre de commande utilis�e pour la publicit�, le contrat entre le producteur et l’auteur entra�ne, sauf clause contraire, cession au producteur des droits d’exploitation de l’�uvre, d�s lors que ce contrat pr�cise la r�mun�ration distincte due pour chaque mode d’exploitation de l’�uvre en fonction notamment de la zone g�ographique, de la dur�e de l’exploitation, de l’importance du tirage et de la nature du support (...) "

Ainsi, une fois le paiement de l’�uvre publicitaire effectu� (honoraires pour le travail de conception), la commande ne transf�re au commanditaire que la propri�t� mat�rielle de la cr�ation. L’annonceur peut avoir la possession mat�rielle de la publicit� mais pas les droits de l’exploiter. Tout contrat de commande relatif � des �uvres de publicit� doit donc pr�voir l’organisation de la cession dans le temps et dans l’espace, conform�ment aux dispositions de l’article L.131-3 CPI. [14].

Cet article concerne les travailleurs ind�pendants et exclut les �uvres r�alis�es dans le cadre d’un contrat de travail.

Il existe n�anmoins un " contrat type entre annonceurs et agents de publicit�" qui a la particularit� d’organiser la cession automatique � l’annonceur de tous les droits d’exploitation.

Ainsi, en dehors du contrat type propos� par les professionnels de la communication et sauf stipulation contraire ins�r�e dans un autre contrat, l’agence de publicit� peut conserver des droits sur la cr�ation publicitaire. Mais en pratique, l’annonceur ou le commanditaire demande � l’agence de lui c�der globalement et automatiquement les droits d’exploitation de la cr�ation publicitaire.

Certaines jurisprudences affirment qu’une simple id�e publicitaire n’est pas prot�g�e par l’action en concurrence d�loyale. Cependant, d’autres d�cisions retiennent l’usurpation du travail d’autrui et consid�rent qu’ " il y a faute � s’appuyer sur les initiatives et efforts d’un concurrent " [15], et que m�me d�nu�e d’originalit�, une id�e publicitaire ne peut �tre librement reprise quand il existe un risque de confusion [16].

Dans ce domaine, les juges de fond parisiens ont reconnu que " si la conception publicitaire �tait diff�rente, l’id�e (et le drap� de fauteuil) appartenaient � la soci�t� Madura par leur originalit� cr�atrice " [17] .

Malgr� l’�volution jurisprudentielle ind�niable sur ce sujet, il convient de critiquer une d�cision rendue par la Cour d’Appel de Versailles le 20 avril 1995 [18].

Cet arr�t consid�re non seulement que l’id�e publicitaire est prot�geable, mais aussi qu’elle a �t� contrefaite par la d�fenderesse. Que les juges veillent au respect des oeuvres publicitaires dont le r�gime juridique est particulier est tout � fait louable, d’autant plus que l’effort de cr�ativit� et les investissements sont sans aucun doute colossaux. Or, en l’esp�ce les juges consid�rent de surcro�t qu’il y a contrefa�on, et la contrefa�on suppose une atteinte � un droit privatif, ce qui revient � attribuer au possesseur d’une id�e un droit privatif sur celle-ci, et cela conduit � octroyer un monopole sur une id�e, qui, par essence n’est pas appropriable. Cette d�cision doit donc �tre interpr�t�e en fonction de l’esp�ce, mais ne serait �tre consid�r�e comme une reconnaissance de la protection de l’id�e par un monopole. Nous cherchons � prot�ger l’id�e, non pas � accorder un droit privatif � son auteur.

Il existe un autre type de contrat, beaucoup utilis� dans le domaine des cr�ations immat�rielles et notamment quand elles ont des valeurs �conomiques : le contrat de communication ou de transfert.

c- Le contrat de communication ou de transfert

Certains auteurs ou inventeurs choisissent parfois de conserver leurs cr�ations secr�tes : l’invention constitue alors un savoir-faire dont la valeur �conomique durera aussi longtemps que la cr�ation sera tenue secr�te.

Le savoir-faire est d�fini par le dictionnaire Larousse comme une " habilet� acquise par l’exp�rience dans un art ou un m�tier quelconque ". Le Professeur Mousseron [19] retient quant � lui le savoir-faire comme des " connaissances techniques, transmissibles, non imm�diatement accessibles au public et non brevet�es, et pour lesquelles quelqu’un serait dispos� � payer pour en avoir connaissance ". Cette d�finition s’applique particuli�rement bien aux id�es � valeur commerciales qui peuvent �tre une m�thode de gestion du personnel, ou encore une formule math�matique retranscrivant une strat�gie commerciale. Dans tous les cas, le savoir-faire permet d’obtenir un r�sultat �conomique [20].

Le contrat de communication de savoir-faire, qui est utilis� notamment pour le transfert de savoir-faire ou de secret de fabrique, serait aussi adapt� � l’id�e. Ce type de contrat aurait alors pour objet d’organiser la communication de l’id�e entre les cocontractants.

Au m�me titre que le savoir-faire non brevetable, l’id�e peut �tre d�finie comme " un ensemble de connaissances acquises permettant d’obtenir un r�sultat �conomique " . Les connaissances peuvent �tre des m�thodes commerciales, des �l�ments de nature administrative ou financi�re, des concepts �conomiques...

A partir du moment o� ces connaissances permettent � l’entreprise qui les utilise d’obtenir des r�sultats pratiques, le savoir-faire, l’id�e, constituent une valeur �conomique. Cette valeur �conomique �tant abstraite, l’entreprise a tout int�r�t � ne pas la divulguer aux tiers. N�anmoins, cette valeur �conomique est susceptible d’int�resser d’autres entreprises, et peut d�s lors faire l’objet d’une r�servation. La r�servation de savoir-faire intervient sous forme contractuelle, mais l’inventeur du savoir-faire peut aussi recourir au syst�me de l’enveloppe Soleau.

Le contrat de communication est un accord par lequel le dirigeant d’une entreprise s’engage � fournir � une autre entreprise les connaissances qu’il a acquises pour la gestion de son entreprise. Les parties � ce type de contrat sont libres d’en fixer les dispositions. Par prudence, il sera n�cessaire d’�tablir un accord provisoire dont l’objet interdise � chacune des parties au futur contrat d’utiliser ou de divulguer les informations fournies lors des n�gociations.

Le contrat de communication doit pr�ciser les informations et connaissances faisant l’objet de cette communication. En revanche, il est rare que le communicant garantisse un r�sultat pr�cis, c’est pourquoi il n’a pour seule obligation que celle de fournir les connaissances.

G�n�ralement, les al�as, risques et p�rils de la r�alisation technique ne sont pas � la charge du communicant. Toutefois, le contrat peut organiser la mise en �uvre d’une assistance technique � la charge du communicant.

Celui qui communique l’id�e � l’obligation de la d�livrer au b�n�ficiaire et de la garantir ; il s’agit le plus souvent de la garantie d’�viction du fait personnel et du fait des tiers. En contrepartie, le b�n�ficiaire � l’obligation de payer le prix et surtout il a interdiction de communiquer l’id�e � un tiers.

Rappelons que dans ce type de contrat, le savoir-faire constitue des connaissances immat�rielles qui ne sont pas susceptibles d’�tre prot�g�es par le droit de la propri�t� intellectuelle. Ces connaissances, qui peuvent n’�tre que des id�es ne se confondent pas avec leur support.

Il est possible de comparer l’id�e � valeur �conomique avec le savoir-faire, que celui-ci soit communiqu� � une seule personne ou dans le cadre d’une franchise. Le savoir-faire doit �tre transmissible, c’est-�-dire qu’il ne doit pas �tre indissociablement li� � la personne le poss�dant or, l’id�e avocation� �tre propag�e. Le savoir-faire ne doit pas �tre imm�diatement port� � la connaissance du public, et c’est exactement ce risque que l’on souhaite �viter au possesseur de l’id�e. L’id�e a donc des caract�res comparables avec le savoir-faire, on peut alors en d�duire qu’il peut exister un contrat de communication de l’id�e � partir du moment o� celle-ci est mat�rialis�e et qu’elle poss�de une valeur �conomique incontestable.

Par ailleurs, quelqu’un d’autre que le communicant peut en avoir connaissance : l’id�e n’est pas alors totalement nouvelle. Ainsi, quand bien m�me l’objet du contrat ne serait pas nouveau, le contrat pourrait �tre valid� : � partir du moment o� le b�n�ficiaire voit l’id�e comme nouvelle et originale, celle-ci est consid�r�e comme nouvelle. En effet, la nouveaut� s’analyse par rapport au destinataire et non pas par rapport � l’�tat de la technique. N�anmoins, le b�n�ficiaire peut toujours opposer au communicant l’obsolescence de son id�e, mais il devra quand m�me le prouver.

Ce contrat est fragile � ce niveau puisque le communicant doit convaincre que son id�e est originale et de surcro�t performante. Comment peut-il d�montrer la pertinence de son id�e au destinataire sans risquer de la d�voiler ? Si l’id�e est trop expos�e, le destinataire risque de reprendre l’id�e � son compte en opposant au communicant le fait qu’elle ne soit pas originale.

Dansun autre sens, si le communicant ne d�montre pas l’int�r�t de son id�e, le b�n�ficiaire ne voudra pas engager de frais pour l’achat de l’id�e sans �tre s�r de sa r�ussite commerciale.

Il faut donc avant tout m�nager des clauses de confidentialit� dans un avant-contrat, lequel d�limite l’objet de la premi�re rencontre des interlocuteurs. Cet avant-contrat, plus pr�cis que les pourparlers aurait alors l’avantage de prot�ger l’id�e dans le cas o� le contrat de communication ne serait pas conclu � l’issue des n�gociations.

Il convient �galement d’�voquer le secret commercial, qui comprend notamment le proc�d� de fabrication. Les entreprises ont l’habitude de les garder secrets puisque, � l’instar du savoir-faire, le proc�d� de fabrique n’est pas forc�ment brevetable, et quand bien m�me le serait-il, il est souhaitable de le maintenir secret.

En outre, le secret commercial comprend aussi le proc�d� technique ou administratif, c’est-�-dire l’id�e � valeur �conomique. De la m�me mani�re, ces secrets commerciaux peuvent faire l’objet d’une cession au profit d’une autre entreprise, qui sera aussi tenue de les garder secrets.

La divulgation d’un secret de fabrique par une personne constitue un d�lit correctionnel puni par l’article L.152-7 du Code du Travail, sous r�serve que le proc�d� puisse �tre industriellement utilisable. Par ailleurs, l’auteur de la divulgation du secret commercial doit �tre li� directement ou indirectement � l’entreprise victime, et avoir r�v�l� le secret de mani�re intentionnelle.

Il existe aussi une autre mani�re de transf�rer un savoir-faire, une m�thode ou une id�e commerciale : l’�laboration d’un contrat de franchise. (voir I�re partie - A - fin)

Auteur
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Pascaline Colombani
Juriste
Notes & Références bibliographiques

[1] " Id�e et Contrat " S.Poillot-Peruzzeto et M. Luby, Professeurs � l’Universit� de Toulouse, publication du site internet de l’Universit� de Toulouse

[2] Professeur au Centre des Etudes Internationales de la Propri�t� Intellectuelle (CEIPI), avocat

[3] " Propri�t� Litt�raire et Artistique ", Pierre-Yves Gautier, ed. PUF, coll. Droit Fondamental, 3�me �dition, 1999

[4] TGI de Paris, 27 novembre 1996

[5] Paris, 13 mars 1986, Gaz. Pal. JP p.239 A la suite de l’empaquetage du Pont-Neuf par Javacheff Christo, une soci�t� anglaise a survol� et film� le Pont-Neuf pour l’int�grer dans une s�rie t�l�visuelle. Christo demanda en r�f�r� l’interdiction de toute reproduction et diffusion de son �uvre. Le TGI jugea que " L’empaquetage du Pont-Neuf, qui a n�cessairement fait appel, pour sa r�alisation, � une main d’�uvre relativement limit�e, est apparu � tout un chacun, m�me si des critiques ont pu �tre faites � l’id�e m�me, comme une �uvre de l’esprit, que sans nier, pour autant, le caract�re, en partie publicitaire de l’�uvre, il ne pouvait �tre contest� que l’emballage du pont, lui-m�me choisi pour sa grande anciennet� et par sa notori�t� ne constituait pas une op�ration courante ; qu’en l’esp�ce, l’id�e de mettre en relief la puret� des lignes du Pont-Neuf et de ses lampadaires au moyen d’une toile soyeuse tiss�e en polyamide, couleur pierre de l’Ile de France, orn�e de cordage en propyl�ne de fa�on que soit mise en �vidence, sp�cialement vu de loin, de jour comme de nuit, le relief li� � la puret� des lignes de ce pont, constitue une �uvre originale susceptible de b�n�ficier � ce titre de la protection l�gale ".

[6] TGI Paris, 26 mai 1987 Dans cette affaire, Christo cherchait � faire condamner pour contrefa�on le pr�sident d’une agence de publicit� pour avoir con�u et diffus� une campagne publicitaire bas�e sur des photographies o� des biens des ouvrages et ouvrages d’art sont pr�sent�s emball�s � la fa�on de l’artiste. Les juges ont consid�r� que Christo ne peut pr�tendre d�tenir un monopole d’exploitation sur un genre d’emballage.

[7] Paris, 9 novembre 1959, Rev. Internat. Dr.auteur 1960.112

[8] T. Seine, 2 juillet 1958

[9] Article L.613-7 du CPI : "Toute personne qui, de bonne foi, � la date de d�p�t ou de priorit� d’un brevet, �tait, sur le territoire o� le pr�sent livre est applicable en possession de l’invention objet du brevet, a le droit, � titre personnel, d’exploiter l’invention malgr� l’existence du brevet."

[10] Article L.611-8 du CPI : "Si un titre de propri�t� industrielle a �t� demand� soit pour une invention soustraite � l’inventeur ou � ses ayants cause, soit en violation d’une obligation l�gale ou conventionnelle, la personne l�s�e peut revendiquer la propri�t� de la demande ou du titre d�livr�."

[11] TGI Paris 3 d�cembre 1993, PIBD 1994, 562, III, 141

[12] Aix en Provence, 21 octobre 1965

[13] Paris, 5 octobre 1989

[14] Le contrat doit bien d�limiter les honoraires de conception des droits d’auteur, puisque la cession des droits d’exploitation peut faire l’objet d’une cession forfaitaire, dans la mesure o� ces cr�ations correspondent aux exigences de l’article L.131-1 CPI, autorisant la r�mun�ration forfaitaire dans certains cas. En effet, la cession est licite � condition que le contrat " pr�cise la r�mun�ration distincte due pour chaque mode d’exploitation ".

[15] Paris, 18 mai 1989, SARL Parfums Ungaro c/ SARL JJ. Vivier, D. 1990, JP p. 340. En 1983, la soci�t� Ungaro lan�ait un parfum nomm� Diva, pr�sent� dans une bo�te du genre �crin, de forme rectangulaire, de teinte blanc cass�, d’aspect parchemin� et comportant en relief la repr�sentation du flacon qu’elle contient et dans sa partie inf�rieure un filet d’or torsad� au-dessous duquel figurent diverses mentions en lettres dor�es. La soci�t� Ungaro a eu connaissance de la mise sur le march� d’un parfum reproduisant la plupart des particularit�s de Diva. Ungaro a donc fait proc�der � une saisie-contrefa�on et assignait la soci�t� contrefaisante en concurrence d�loyale. Le tribunal de commerce de Paris d�bouta la soci�t� Ungaro consid�rant qu’il n’y avait pas d’actes de concurrence d�loyale. Les juges de la cour d’appel infirm�rent le jugement, consid�rant que " la recherche de confusion n’est pas la seule forme de concurrence d�loyale " et qu’ " il y a faute engageant la responsabilit� dans les termes de l’article 1382 du Code Civil � s’appuyer sur les initiatives et les efforts d’un concurrent pour entamer ses positions commerciales ".

[16] Versailles, 16 d�cembre 1996

[17] Paris, 17 novembre 1992, JCP E, 418, p. 79

[18] Versailles, 20 avril 1995, JCP G 1996, II, JP 22663. Dans cette affaire, la soci�t� Siemens a mis en place une campagne publicitaire constitu�e d’une image repr�sentant une fleur plac�e derri�re le pot d’�chappement d’une voiture et de deux slogans. La soci�t� Sonauto a fait diffus� sur des cha�nes t�l�vis�es des films publicitaires repr�sentant une orchid�e plac�e derri�re un pot d’�chappement. La soci�t� Siemens a assign� la soci�t� Sonauto en concurrence d�loyale et en contrefa�on. Le tribunal a estim� qu’il y avait actes de contrefa�on puisque " la publicit� �tait originale, intelligente et teint�e d’humour ", mais il a rejet� l’action en concurrence d�loyale au motif que les deux soci�t�s ne s’adressaient pas au m�me march�. Les juges du fond ont consid�r� qu’il �tait " ind�niable que les id�es originales en mati�re de publicit� sont atteintes d’une usure rapide, que leur force s’�mousse d’autant plus vite que les agences de publicit� s’efforcent de les renouveler ", et ont confirm� le jugement rendu le 15 juillet 1993.

[19] " Trait� des Brevets ", Pierre Mousseron, Professeur � l’Universit� de Montpellier, en collaboration avec Joanna Schmidt, Professeur � l’Universit� de Lyon 3, ed. Litec 1984

[20] Dictionnaire Permanent Droit des Affaires, feuillets 156, p. 2727

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