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ECONOMIE & DROIT
La protection de l’id�e � valeur �conomique (II�me partie - A)
Publié le lundi 8 décembre 2003
Par Pascaline Colombani
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II - LA PROTECTION DE L’IDEE A VALEUR ECONOMIQUE PAR LA CONCURRENCE DELOYALE

La libert� du commerce et de l’industrie, principe fondamental, n’autorise pas au commer�ant non titulaire d’un droit privatif d’interdire � un autre commer�ant de faire ou vendre des produits identiques ou similaires aux siens � partir du moment o� ce commerce n’engendre pas des actes de concurrence d�loyale. D�s lors, lorsqu’une id�e �conomique a �t� usurp�e, on peut consid�rer que cet acte a un caract�re d�loyal qui outrepasse le principe de la libert� du commerce et de l’industrie.

Rappelons que le crit�re, fondement de la concurrence d�loyale est la d�loyaut� et non pas le d�tournement de client�le. D�s lors, l’usurpation de l’id�e �conomique est n�cessairement la cons�quence d’une perte de client�le, et la concurrence d�loyale peut �tre reconnue du seul fait de la connaissance d’un acte d�loyal. Nonobstant, la perte de client�le peut �tre la cons�quence de la d�loyaut�, mais ce n’est pas un crit�re juridique, tout au plus �conomique.

Par ailleurs, l’action en concurrence d�loyale intervient lors d’un litige opposant deux acteurs �conomiques, qui se trouvent en situation de concurrence (A). N�anmoins, l’usurpation d’une id�e peut �galement �tre r�alis�e en dehors de toute situation concurrentielle entre la victime et le responsable de cette usurpation. Dans ce cas, il est n�cessaire de faire appel � la th�orie du parasitisme �conomique, lequel secourt la victime ne disposant ni d’un droit privatif qu’elle pourrait revendiquer, et ne faisant pas parti du m�me secteur �conomique de celui qu’elle tient pour responsable (B).

A - Les conditions de la protection de l’id�e par la concurrence d�loyale

La responsabilit� d�lictuelle intervient lorsqu’un dommage a �t� caus� � une personne en dehors de tout contrat. La concurrence d�loyale a pour objet d’assurer la protection de celui qui ne peut pas se pr�valoir d’un droit privatif .

D’un point de vue proc�dural, rappelons que l’action en concurrence d�loyale trouve son fondement dans les articles 1382 et 1383 du Code Civil. Cette action peut �tre exerc�e � titre principal, d�s lors qu’elle aura pour objet de prot�ger une personne ne pouvant pas se pr�valoir d’un droit privatif [1], � condition toutefois qu’il y ait des actes contraires aux usages commerciaux. L’action est aussi souvent exerc�e subsidiairement � l’action en contrefa�on.

L’id�e doit �tre mat�rialis�e pour pouvoir pr�tendre � une protection et ceci est d’autant plus vrai lorsqu’il s’agit de responsabilit� d�lictuelle puisqu’il n’existe aucune convention prouvant la concr�tisation de l’id�e. Philippe Le Tourneau [2] , convaincu de la protection des id�es limite toutefois cette protection � l’existence de sept conditions. Les id�es qui pourraient b�n�ficier de la protection doivent �tre : " ext�rioris�es ", " individualis�es ", " fruit de l’imagination ", " originales ", non " int�gr�es dans le domaine public ", " une valeur �conomique (...) procurant un avantage concurrentiel � son cr�ateur, et apportant une valeur ajout�e durable ", " utilis�es sans autorisation par un tiers dans une activit� lucrative, essentiellement commerciale ", mais elles ne doivent pas �tre forc�ment " n�cessaires dans le domaine en cause ". Ainsi, l’id�e � valeur �conomique peut �tre prot�g�e par la concurrence d�loyale � condition �videmment de d�montrer un risque de confusion (1) d’�tablir une faute (2), un pr�judice (3) et un lien de causalit�.

1 - Le risque de confusion par imitation

La confusion par imitation est un acte de concurrence d�loyal. L’imitation servile par le concurrent destin�e � cr�er une confusion entre ses produits et ceux du concurrent ou simplement entre les deux entreprises intervient lorsqu’il n’existe aucun droit privatif sur le produit, le concept ou le service imit�. A partir du moment o� les ressemblances ne peuvent �tre justifi�es par des consid�rations techniques ou �conomiques, l’imitation qui entra�ne une confusion dans l’esprit du public, laquelle r�sulte des similitudes constat�es entre les produits ou services concern�s, constitue un acte de concurrence d�loyale.

La jurisprudence rappelle que " la reprise d’une id�e (publicitaire) par un concurrent n’est constitutive de concurrence d�loyale que s’il y a d’une part, un risque de confusion et d’autre part, une faute [3]" . Ces deux �l�ments sont indispensables � la mise en �uvre de l’action en concurrence d�loyale.

La concurrence d�loyale se manifeste le plus souvent par une confusion dans l’esprit du public. Cette action, qui est r�serv�e � des concurrents, est soumise aux conditions g�n�rales de la responsabilit� civile d�lictuelle, ce qui exige une faute, un dommage et un lien de causalit� entre la faute et le dommage. En effet, le risque de confusion ne suffit pas � caract�riser la concurrence d�loyale [4], il faut qu’une faute soit �tablie.

Ainsi, la concurrence d�loyale ne peut r�sulter que d’une faute �tablie et d’une volont� d�lib�r�e de b�n�ficier de la r�putation d’autrui en cr�ant une confusion des concurrents dans l’esprit du public.

Par ailleurs, les juges exigeaient l’existence d’une client�le commune pour reconna�tre l’acte de concurrence d�loyale. Mais une jurisprudence r�cente n’impose plus cette exigence pour la mise en �uvre de l’action : " l’action en concurrence d�loyale (...) peut �tre mise en �uvre quel que soit le statut juridique de l’auteur de la faute all�gu�e " et que " la circonstance que la client�le (...) soit r�put�e �tre celle d’un tiers au litige est indiff�rente pour accueillir une action en concurrence d�loyale " .

Ainsi, la jurisprudence retient aujourd’hui l’existence d’une situation de concurrence entre les parties � l’action en concurrence d�loyale quand bien m�me celles-ci n’auraient pas de client�le commune. D�s lors, il para�t moins difficile d’accorder une protection � l’id�e usurp�e par la responsabilit� d�lictuelle puisque l’exigence d’une client�le n’est plus un principe. En revanche, l’existence d’une faute est indispensable � la mise en �uvre de l’action en concurrence d�loyale, laquelle peut r�sulter d’un d�nigrement ou de la d�sorganisation de l’entreprise.

2 - La d�sorganisation de l’entreprise du concurrent

La d�sorganisation de l’entreprise est une faute constitutive d’acte de concurrence d�loyale. La faute �voque une d�faillance intentionnelle ou non de l’auteur du dommage. D’ailleurs, une faute non intentionnelle peut �tre analys�e en une simple imprudence ou n�gligence, puisque l’intention de nuire n’est pas n�cessaire � l’existence d’une faute.

La concurrence d�loyale ne peut r�sulter que d’actes intentionnels contraires aux usages loyaux du commerce et impliquant une faute �tablie. Ces actes constitutifs de concurrence d�loyale sont g�n�ralement d�montr�s par la confusion par imitation, le d�nigrement du concurrent et la d�sorganisation de l’entreprise. Or, la d�sorganisation de l’entreprise est souvent le fait d’agissements d�loyaux des anciens salari�s ou dirigeants qui ont, par exemple, divulgu� les secrets de l’entreprise.

La jurisprudence retient l’existence d’une faute lorsque celui qui divulgue l’information secr�te conna�t son caract�re confidentiel et n’en ignore pas la valeur [5].

En principe, les informations communiqu�es � l’occasion d’un contrat sont librement exploit�es par le cocontractant. N�anmoins, ce-dernier est tenu d’une obligation de bonne foi. Pourtant, au stade des n�gociations, il arrive que l’id�e soit divulgu�e, et dans ce cas, il est possible de d�duire de cette divulgation une faute qui consiste � avoir tromp� la confiance de l’autre partie, laquelle pouvait sans doute l�gitimement croire � la conclusion d’un contrat.

C’est dans ce type de situation que les juges du fond ont �nonc� qu’apr�s la rupture d’un contrat, le fait d’utiliser des indications techniques, m�me d�pourvues d’originalit�, est constitutif d’une faute caract�risant la concurrence d�loyale. La d�sorganisation de l’entreprise peut r�sulter d’une usurpation de l’id�e (a) ou de sa divulgation (b).

a- L’usurpation de l’id�e

Il existe plusieurs formes d’usurpation : le vol d’id�e est encore ce qu’il y a de plus facile � prouver, mais lorsqu’il y a eu simple " emprunt ", la faute est plus difficile � d�montrer.

Dans l’Affaire Ungaro [6] , les juges du fond d�clarent qu’ " il y a faute engageant la responsabilit� dans les termes de l’article 1382 du Code Civil � s’appuyer sur les initiatives et les efforts d’un concurrent pour entamer ses positions commerciales ". En outre, les juges constatent que " dans la r�alisation d’un objet, l’auteur, au lieu de donner libre parcours � ses facult�s cr�atrices, les met en sommeil et conduit un processus d’�laboration asservi � l’imitation de l’�uvre d’autrui ". Mais l’usurpation de l’id�e � valeur �conomique ne causerait pas le m�me pr�judice si elle n’�tait pas divulgu�e.

b- La divulgation de l’id�e

On trouve beaucoup de jurisprudences condamnant la divulgation, notamment dans le domaine litt�raire o� la divulgation pr�matur�e d’informations (presse, bibliographies...) cause un pr�judice �conomique consid�rable � l’auteur. Mais, le probl�me est toujours le m�me : la protection du droit d’auteur s’attache � la forme de l’expression et non aux id�es, th�mes ou informations constituant la cr�ation litt�raire. Pourtant, une fois r�v�l�e, une information n’a souvent plus aucun int�r�t pour son auteur, l’ensemble du travail effectu� pour recueillir les id�es, les compiler, les synth�tiser, les adapter est an�anti parce que le secret a �t� d�voil�. Or, dans certains cas, les id�es et informations pr�matur�ment divulgu�es ne sont pas encore mises en forme et c’est pourquoi il est particuli�rement difficile de les prot�ger.

Par ailleurs, concernant les informations, il ne faut pas oublier que chacun est libre de se les procurer, puisqu’elles appartiennent au domaine public. L� encore, le secret et les clauses de confidentialit� sont indispensables. Les tribunaux font alors appel dans ce genre de situation (" vol d’information ", divulgation pr�matur�e de documents non encore " formalis�s "...) � la loyaut� des relations commerciales, et l’action en concurrence d�loyale permet de condamner ces actes. Puisque l’auteur ne peut faire valoir aucun droit privatif � ce stade du recueil d’information, l’action en concurrence d�loyale intervient pour sanctionner ce comportement d�loyal, ayant entra�n� un pr�judice.

3 - Le pr�judice

D’ordinaire le pr�judice r�parable r�sultant d’un acte de concurrence d�loyale r�side dans une perte de client�le, un d�tournement de client�le. La client�le est donc l’�l�ment indispensable pour d�terminer l’existence du pr�judice. Pourtant, une jurisprudence r�cente [7]accepte que les parties � l’action en concurrence d�loyale ne soient pas titulaires de la m�me client�le. D�s lors que le pr�judice ne d�coule pas d’une perte ou d’un d�tournement de client�le, les juges se sont tourn�s vers d’autres atteintes pour qualifier le pr�judice, comme la notion de trouble commercial.

Un arr�t de la Cour d’Appel de Toulouse [8] a consid�r� que " l’usurpation d’id�es ou de techniques, tendant ainsi � s’approprier ill�gitimement une notori�t� pr�existante, sans d�velopper d’efforts intellectuels de recherche et d’�tudes et sans les engagements financiers qui leurs sont naturellement li�s " est un agissement parasitaire condamnable. Les juges du fond ajoutent que " l’intim�e s’est inspir�e de la publicit� de son concurrent " et que " l’absence de droit privatif permet n�anmoins de soutenir une action en concurrence d�loyale assur�e sur des agissements parasitaires. " D�s lors, " ces faits n’ont pas manqu� d’entra�ner pour l’appelante un pr�judice (...) (et) il para�t n�cessaire, tant de r�parer le pr�judice commercial subi par l’appelante que de pr�venir tout trouble � l’avenir ".

Cette d�cision a l’avantage de reconna�tre la valeur commerciale de l’id�e et du concept publicitaire et de d�montrer l’importance de r�parer le pr�judice caus�.

N�anmoins, le pr�judice n’est r�parable que sous forme indemnitaire puisqu’une fois l’id�e d�voil�e, l’avantage concurrentiel est perdu et ne peut pas �tre r�cup�r�, � moins que l’id�e ne soit pas encore divulgu�e. Dans la situation plus vraisemblable que l’id�e ait �t� divulgu�e � un concurrent, et dans le seul cas o� un nombre tr�s limit� de concurrents ait connaissance de l’id�e, le tribunal peut toujours prononcer l’interdiction aux concurrents d’utiliser et de divulguer l’id�e usurp�e. Outre cette sanction, les juges condamnent l’usurpateur � des dommages-int�r�ts destin�s � r�parer la perte subie et le manque � gagner caus� par la divulgation de l’id�e secr�te.

L’action en concurrence d�loyale permet d’accorder une protection aux id�es mais sous un certain nombre de conditions. A partir du moment o� une condition manque et m�me si cela peut para�tre injustifi�, l’acte de concurrence d�loyale n’est pas reconnu. Mais il existe une autre notion capable de rem�dier aux lacunes de la concurrence d�loyale : la th�orie du parasitisme �conomique

Auteur
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Pascaline Colombani
Juriste
Notes & Références bibliographiques

[1] Cass.Com., 3 octobre 1978, pr�c.

[2] " Id�e et responsabilit� civile ", Philippe Le Tourneau, Professeur � l’Universit� de Toulouse, publication du site internet de l’Universit� de Toulouse

[3] Paris, 17 novembre 1992, JCP Ed. E 1993, 418 p.79. La soci�t� Madura cr�er, fabrique et commercialise des tissus d’ameublement notamment sous la marque d�pos�e " Madura ". M.E. �dite et vend sous la d�nomination " Paule Marrot ", " Edition Paule Marrot " ou la marque " carr�s d’or " des tissus d’ameublement. Pour la commercialisation de panneaux de tissus d�nomm�s " carr�s d’or ", M.E. a charg� une agence de publicit� de r�aliser une campagne. La soci�t� Madura estimant que cette publicit� reprenait servilement ses messages publicitaires et la pr�sentation de ses d�cors a assign� M.E. devant le tribunal de commerce en concurrence d�loyale. Le tribunal a condamn� M.E. � payer � la soci�t� Madura 150 000 francs de dommages-int�r�ts. Les juges du fond ont infirm� le jugement au motif que " la reprise d’une id�e publicitaire par un concurrent n’est constitutive de concurrence d�loyale que s’il y a, d’une part, un risque de confusion, et d’autre part, une faute ". En effet, selon eux, " l’id�e publicitaire (...) n’est pas susceptible d’appropriation ".

[4] Cass. Com., 30 mai 2000, D. 2001, JP p. 2587

[5] Paris, 22 mai 1990, D. 1990, IR p.175

[6] Paris, 18 mai 1989, pr�c. Affaire Ungaro

[7] Cass. Com., 30 mai 2000, pr�c.

[8] Toulouse, 11 septembre 1997, Gaz. Pal.1997p.402

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