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DROIT & INTERNET
Le Contrat, la loi et Internet
Publié le février 2001
Par Anne Pigeon-Bormans
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Juridiquement fond� sur le principe de l’autonomie de la volont�, le contrat a subi des �volutions doctrinales, jurisprudentielles et l�gislatives tout au long du XX�me si�cle, qui ont eu pour cons�quences de lui donner un caract�re formaliste que les classiques ne lui conf�rait pas. L’essor et la prolif�ration, aujourd’hui, de contrats types, reproduit � la chaine par les ordinateurs et accessibles � tous via Internet, ach�veraient de vider le principe de l’autonomie de la volont� de son contenu, si n’�tait rappel� qu’un contrat demeure l’expression de deux volont�s.

Le Contrat, la Loi & Internet

Le contrat se d�finit comme un accord de volont� en vue de cr�er des obligations ou de transf�rer des droits patrimoniaux d’une personne � une autre. Dans la th�orie classique (de l’ancien droit, au 19�me si�cle), la volont� est l’�l�ment fondamental des contrats : c’est le principe de l’autonomie de la volont�. Principe selon lequel l’obligation contractuelle repose exclusivement sur la volont� des parties. Ce n’est pas qu’une formule doctrinale. Le code civil en son article 6 interdit de "d�roger par des conventions particuli�res aux lois qui int�ressent l’ordre public et les bonnes moeurs". Cela signifie, � contrario, que l’on peut d�roger � toute autre loi. Que la r�gle est la libert� de conclure, aux conditions que l’on veut, les contrats que l’on veut.

Du principe de l’autonomie de la volont�, d�coule plusieurs cons�quences :

Tout d’abord, la conclusion des contrats est domin�e par le principe du consensualisme. C’est � dire que le contrat existe, se forme par le seul accord de volont� sans qu’aucune condition de forme soit impos�e. Telle est la r�gle. Le contrat formaliste, exigeant un �crit ou une formalit� quelconque, �tant l’exception. En second lieu, le contrat est la loi des parties. Le code civil emploie la formule suivante : "les conventions l�galement form�es, tiennent lieu de loi � ceux qui les ont faites"(article 1134). Le juge n’a donc aucun pouvoir pour r�viser, modifier un contrat fut-il d�s�quilibr�.

Le XX�me si�cle, � travers la doctrine, la jurisprudence, et la loi, aura dit-on, marqu� le d�clin de cette th�orie de l’autonomie de la volont�. Cette �volution a �t� due � la prise en consid�ration de certaines donn�es morales ou �conomiques. Ainsi, s’agissant de l’�change des consentements, on s’est mis � rechercher la solution qui apparait comme la plus juste et comme apportant la plus grande s�curit� aux relations d’affaires. Pendant cette p�riode, la loi a, �galement, apport� des restrictions au principe de l’autonomie de la volont� en imposant de plus en plus de formalisme. La r�daction d’un acte �crit, avec l’exigence de mentions imp�ratives a �t� impos�e � un nombre croissant de contrats quand d’autres sont soumis � publicit� comme condition de leur opposabilit� aux tiers.

Le l�gislateur a �galement apport� des restrictions � la libert� contractuelle : par souci de l’int�r�t g�n�ral, la loi supprime la libert� de contracter ou de ne pas contracter (assurance obligatoire aux automobilistes, par exemple) ou supprime la libert� des parties quant � la d�termination de leurs obligations en imposant d’autorit� le contenu du contrat (le taux des loyers, la dur�e du travail, le repos hebdomadaire, par exemple). La loi a �galement apport� des restrictions � la force obligatoire du contrat. Celui-ci peut-�tre r�vis� pour pr�venir une injustice ou pour des raisons de politiques �conomiques.

Enfin, la loi est intervenue pour prot�ger les consommateurs. C’est la r�action l�gislative la plus r�cente (70’s) et elle tend � �tablir un r�gime global du contrat. On y retrouve, souvent cumul�es, les trois sortes de restrictions caract�ristiques de la r�action l�gislative contre l’autonomie de la volont� : regain de formalisme (pour l’information des particuliers) ; r�glementation du contenu du contrat, (pour m�nager les int�r�ts du consommateur) ; alt�ration de l’effet obligatoire du contrat, (pour assurer une meilleure conscience des engagements souscrits).

En tout �tat de cause, si l’autonomie de la volont� n’est plus absolue, elle demeure n�anmoins la r�gle. Il est m�me permis de voir dans le mouvement l�gislatif du si�cle dernier, un mouvement de revalorisation de la volont� individuelle dans la formation du contrat. C’est ainsi vrai des lois de protection du consommateur qui visent � donner aux particuliers les moyens d’un consentement libre et �clair�. (Source - Flour et Aubert : Les Obligations - L’acte juridique - Armand Colin - 5�me �dition, pages 83 � 89)

Le contrat demeure donc, encore aujourd’hui, l’expression de deux volont�s.

Cependant, un autre risque, de standardisation et de banalisation cette fois, guette le contrat. l’utilisation des moyens informatiques (principalement : le traitement de texte et internet), tant par les juristes et les avocats que les acteurs �conomiques, a apport� une pratique de r�daction des contrats totalement st�r�otyp�e, qui deviendrait pr�judiciable si on ne rappelait qu’un contrat existe par l’accord de deux volont�s et non par un �crit, fut-il sign�, paraph�, lu et approuv� (formule qui, par ailleurs, n’a aucune port�e juridique).

En effet, outre les facilit�s de r�daction apport�es par l’ordinateur et son tentateur COPIE/COLLE, Internet livre aux individus une profusion de mod�les de contrats qui mettent s�rieusement � mal l’id�e m�me de contrat et de cr�ativit� �conomique. Cette constatation vaut pour l’information juridique au sens le plus large. L’acc�s au droit �tant singuli�rement facilit� avec des sites ou portails sp�cialis�s dans les questions juridiques. Aujourd’hui, et ce n’est que le d�but, quelque soit la nature de l’activit� concern�e, l’internaute trouve sur le net des informations d’ordre juridique.

S’agissant du contrat, et ayant rappel� son fondement juridique, on se demande � qui s’adresse les mod�les types que proposent certains sites ou cabinets d’avocats. Choisir un de ces contrats, c’est choisir le contrat d’un autre, l’expression de la volont�, au mieux, d’un autre, et m�me de deux autres, au pire de personne. Cet engouement des juristes � fournir des contrats pr�r�dig�s, pr�-n�goci�s, des formulaires en quelque sorte, se comprend ais�ment. Outre des raisons mercantiles ou de promotion de telle ou telle structure juridique, la mondialisation et la pluri-localisation des relations commerciales nou�es sur le net, font, pense t-on, courir un risque juridique plus grand aux entrepreneurs de cette nouvelle �conomie. La propension l�gitime des entrepreneurs � s’inqui�ter de la r�glementation et des lois applicables am�nent les juristes � anticiper et � rassurer le client potentiel en lui offrant, avant de connaitre le moindre de ses besoins ou souhaits, un environnement contractuel s�r. Ceci est �videmment impossible. Personne ne peut se pr�munir contre le risque juridique et le droit n’a pas pour fonction de prot�ger... du droit.

C’est un probl�me assez important car il en va de la cr�dibilit� des avocats et dans une moindre mesure des juristes. Ce libre service du droit que peut �tre Internet est un outil de travail et une source de documentation fantastique pour les professionnels (temps et argent gagn�s pour les cabinets) qui sont suppos�s savoir l’utiliser, mais il faut prendre conscience que, pour la premi�re fois, ces informations sont � la port�e de tout un chacun. Les sites qui diffusent des listings de contrats types tendent � faire croire que le droit est une donn�e concr�te, une solution de gestion, de management. Pourquoi pas. Cependant, le droit s’adressant toujours � quelqu’un, les solutions qui sont mises � la port�e des consommateurs, seront toujours les solutions d’un tiers. Les vrais cr�ateurs d’entreprises reconnaitront tout de suite le pi�ge de ces contrats totalement inadapt�s � leurs activit�s. Un contrat est l’expression de 2 volont�s particuli�res, il ne peut �tre r�dig� que sur mesure. Les contrats en ligne ne sont donc que des produits juridiques pervertis. De l�, � mener un combat � la fa�on de Jos� Bov�... Non. A la diff�rence des autres activit�s humaines, le champ de la loi (celui du symbolique) resterait intacte quand bien m�me on tenterait de le manipuler ou de lui faire dire n’importe quoi.

Anne PIGEON-BORMANS, F�vrier 2001 Avocat au Barreau de Paris

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Anne Pigeon-Bormans
Avocat au Barreau de Paris

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