B.Le march� embryonnaire du e-book : un danger r�el pour l’�conomie du livre ?
Le march� du livre en Europe stagne depuis 20 ans .
En effet, l’�conomie traditionnelle du livre se traduit par " un g�chis " : pour un livre achet� deux exemplaires sont produits. Les �diteurs sont donc confront�s aux probl�mes de la pr�vision des tirages et des retours ce qui g�n�re un co�t important. De plus, le lecteur paye davantage le contenant que le contenu lorsqu’il ach�te un livre (papier, encre, co�t de distribution)
La r�volution num�rique offre une opportunit� de changer, de r�m�dier � ces difficult�s pour les professionnels du livre. Ces derniers sont invit�s � repenser � leur r�le dans la cha�ne du livre.
Les premi�res maisons d’�dition et de vente de livres num�riques apparaissent d�s 1998 en France. Dans les ann�es suivant cet av�nement, plusieurs �v�nements ont mis en exergue la question de l’avenir du livre �lectronique, notamment, la mont�e en puissance de la net-�conomie, la mort annonc�e du livre-papier par Microsoft, la mise en ligne par Stephen King de sa nouvelle “Riding the bullet”( exclusivement distribu�e sur internet, elle a enregistr� un taux record de 400 000 demandes de t�l�chargement d�s le premier jour de sa mise en ligne) et l’organisation d’un village e-book par les pionniers de l’�dition num�rique � l’occasion du Salon du livre qui s’est tenu � Paris en 2000.
Il s’agit dans un premier temps de poser une d�finition du livre �lectronique puis dans un second temps de s’interroger sur la pertinence de la loi Lang quant � ce nouveau support de cr�ation litt�raire.
1) R�gime du livre num�rique
Appara�t autour de cette notion un flou s�mantique. En effet, le livre num�rique n’est d�fini que par les professionnels.
Le livre num�rique est pour les acteurs de la fili�re “un ensemble de signes stock�s sous format num�rique qui peuvent �tre imprim�s dans leur ensemble pour obtenir un volume imprim� d’un assez grand nombre de pages”.
Quant aux promoteurs du village e-book, le livre �lectronique se caract�rise par un contenu num�ris�, un support de lecture �lectronique et un logiciel de lecture sp�cifiquement con�u � cet effet.
Il convient alors de distinguer le livre imprim� � la demande du livre �lectronique.
En France, d’apr�s le dictionnaire Larousse, un livre “est un assemblage de feuilles imprim�es et r�unies dans un volume reli� et broch�”.Cette d�finition montre bien la position classique restrictive fran�aise. Mais elle semble aujourd’hui obsol�te aux vues de la r�volution num�rique.
Le livre en g�n�ral n’a pas re�u de qualification juridique si ce n’est par l’administration fiscale dans une instruction de la direction g�n�rale des imp�ts du 30 d�cembre 1971. Il s’agit d’ " un ensemble imprim�, illustr� ou non, publi� sous un titre, ayant pour objet la r�production d’un oeuvre de l’esprit d’un ou plusieurs auteurs en vue de l’enseignement, de la diffusion de la pens�e et de la culture ". Les crit�res de 1971 n’ont jamais �t� modifi�s et restent aujourd’hui en vigueur. En effet, ce texte a �t� adopt� il y a presque 30 ans afin de tenir compte de l’�volution d’une part des m�thodes d’enseignement, de diffusion de la pens�e et de la culture et d’autre part des moyens techniques de l’�dition.
Cette d�finition fiscale du livre sert de r�f�rence � l’application de la loi sur le prix unique. En cons�quence, cette loi si elle a vocation � s’imposer pleinement aux commandes �lectroniques de livres en version papier et aujourd’hui inadapt�e aux t�l�chargements de textes. En effet, il ne s’agit pas de textes imprim�s mais plut�t reproduits num�riquement. La loi Lang est ainsi respect�e et ne fait l’objet d’aucun contournement vu qu’elle ne s’applique pas � la reproduction num�rique.
Certains notamment JP Arbon, directeur de 00h00, maison d’�dition et de distribution num�rique cr��e en 1998 ( http://00h00.com ), estime qu’il faudrait d’abord essayer de laisser le march� se d�velopper avant de lui imposer des r�gles. A terme, le prix unique, ce syst�me, pourrait sans doute �tre transpos� � l’�dition num�rique mais il faudrait ne pas perdre de vue qu’une version num�rique et une version papier d’une m�me oeuvre n’aurait pas forcement le m�me prix.
Certes, le taux de TVA de 5,5% ne s’applique pas aux livres num�riques cependant ces derniers demeurent une source de concurrence pour le livre traditionnel.
2) Changement de paradigme �conomique
L’e-book dans un sens supprime le livre en tant qu’objet physique individualis�. L’impression � la demande constitue une forme interm�diaire mais certainement durable d’�dition sur le net. De nouveaux supports apparaissent tels que le lecteur �lectronique, dans quelques temps, le livre universel qui peu � peu contribuent � modifier l’�conomie du livre.
D�sormais contenu et contenant sont deux �l�ments bien distincts. La production et la diffusion gagnent alors en libert�.
En effet, les contraintes de temps et d’espace ne sont plus � prendre en compte pour la distribution des livres.
De plus, s’agissant de leur distribution, les professionnels de l’�dition classique doivent supporter des co�ts relativement cons�quents li�s au retour des invendus, � la gestion des stocks et au pilonnage. Alors que, la technique de l’impression � la demande r�pond � une logique de flux tendus, c’est-�-dire que sont �vacu�s les co�ts li�s � la distribution traditionnelle.
S’agissant de la production, cette technique permet d’annuler le principe des �conomies d’�chelle rendues possibles par la technologie traditionnelle d’impression en offset. Alors que dans l’�dition classique, c’est la premier exemplaire d’un livre qui repr�sente 80% du co�t du tirage total, le dernier ne co�tant que le prix du papier utilis� (co�t marginal d�croissant). Avec l’impression � la demande, chaque exemplaire co�te exactement le m�me prix ( co�t marginal constant).
Le livre �lectronique permet d’aller encore plus loin. En effet, il est caract�ris� par un co�t marginal nul. C’est ce que explique tr�s clairement Patrick Altman, fondateur d’Edisph�re,maison d’�dition sp�cialis�e en informatique :
“Avec le num�rique, on entre dans un nouveau paradigme.Ce qui co�te c’est uniquement le premier exemplaire. Mais qu’ensuite, le document soit t�l�charg� par trente ou trois millions de personnes, c’est pareil. D�s lors, quelle est la valeur d’un contenu dont le co�t marginal est nul ? Aujourd’hui, c’est l’�conomie du papier - ou le contenu finit par avoir la valeur de son contenant - qui fait la r�f�rence. Mais le jour o� l’�dition �lectronique supplantera d�f�nitivement l’�dition papier, il faudra bien trouver une �chelle de valeur ind�pendante ”.
La valeur d’un fichier �lectronique est comprise entre 50 et 60 % de celle de l’exemplaire papier.
Un livre dans �dition traditionnelle co�te 15 � � produire et � diffuser alors que cela ne co�te que 1,3 � dans l’�dition num�rique.
Depuis le XVIIIe si�cle, l’�conomie du livre a pour pivot les �diteurs. Il s’agit d’une �conomie d’offre qui a permis le d�veloppement de la production et de la consommation de livres. Le num�rique r�volutionne l’�conomie du livre. En effet, il permet de donner un r�le plus actif et compl�mentaire � la demande, en imprimant les livres apr�s leur commande.
L’avantage strat�gique repr�sent� par l’�dition num�rique est tr�s clair en termes �conomiques. Il s’agit d’une diminution tr�s forte des co�ts fixes permettant d’abaisser le point mort de lancement des livres et donc permettant aux �diteurs d’augmenter leur rentabilit�, de publier plus de titres � faibles tirages ou tirages incertains. Les �diteurs num�riques en ligne vont alors jouer un r�le d’innovation d�volu jusqu’alors aux nouveaux �diteurs et aux �diteurs ind�pendants.
En effet, Internet permet de simplifier le travail des �diteurs qui au d�part ont pour fonction de trouver les bons auteurs, de les mettre en relation avec les lecteurs et de limiter les co�ts. Le r�seau plan�taire qu’est internet va permettre aux auteurs d’�tre directement en relation avec les lecteurs.
En effet, pour les auteurs, publier un livre est souvent le "parcours du combattant ". La plupart des manuscrits n’est jamais publi�e. De plus parmi ceux publi�s seuls quelques uns rencontrent du succ�s aupr�s du public.
Cette technique pose alors de nouvelles difficult�s notamment celle de la transformation du circuit de mise en vente et des relations auteurs / �diteur et sutout du syst�me de r�mun�ration.
Cela signifie-t’il que les nouvelles technologies ne permettront de reproduire que ce qu’il se vendra ?
Il ne semble pas que ces derni�res aient pour objectif de restreindre l’offre des �diteurs. En effet, la technologie num�rique permettra de publier � moindre co�t des livres qui autrement n’auraient jamais �t� publi�s sous forme papier. Elles permettront � la diversit� culturelle contrairement � ce que pense certains, de survivre.
3) Un succ�s pr�matur� ou les limites de l’�dition num�rique
Le t�l�chargement de biens culturels est en pleine expansion.
Cependant, la diversit� de formats et de stockages repr�sente un obstacle majeur � la diffusion du livre �lectronique.
Les logiciels d’exploitation n�cessaires au t�l�chargement d’e-book sur un terminal de poche sont tr�s divers et incompatibles entre eux. En raison, de la faiblesse des volumes de production, le prix du livre �lectronique est encore �lev�. En effet, cela revient � environ une somme s’�chelonnat de 180 � 1500 � pour une capacit� de stockage de dix � trente livres. Cependant cette tendance pourrait s’inverser du fait de l’augmentation des capacit�s de stockage et de la baisse du prix de vente unitaire des livres num�riques, d’autant plus que ceux-ci n’entrent pas dans le champ de la loi Lang, les �diteurs risquent de “casser” le prix des t�l�chargements afin de toucher directement les lecteurs sans passer par les distributeurs.
Une contrainte suppl�mentaire de cette technologie r�side dans le fait que les outils informatiques ont une long�vit� plus faible que le papier et n�cessitent un renouvellement fr�quent au rythme de l’�volution permanente dans ce secteur.
Certains s’inqui�tent de la concurrence par le prix et non plus par la qualit� des services propos�es. Mais il convient d’indiquer que l’impression du texte t�l�charg� revient au m�me si le prix du t�l�chargement est effectivement inf�rieur � une version papier au m�me tarif qu’un exemplaire papier. En donnant la facult� � tout utilisateur d’imprimer donc d’avoir une version imprim�e similaire au livre, il convient de s’ interroger sur un �ventuel contournement de la l�gislation sur le prix des livres. Le t�l�chargement revient moins cher mais si le texte vient � �tre imprim�, la diff�rence de prix se r�duit. En effet, l’utilisateur devra en imprimant son texte rajouter au co�t de ce dernier les frais qu’entraineront l’impression c’est � dire le prix du papier et de l’encre.
Il s’agit aussi de savoir si la version imprim�e est oui ou non similaire � la version vendue en librairie. Est-il possible de consid�rer qu’il s’ agit du m�me cas de figure que pour les �ditions de luxe et les �ditions broch�es dont les prix sont diff�rents ?
En effet, la loi sur le prix du livre consid�re ces deux cat�gories d’�dition comme des livres diff�rents. La version sortie de l’imprimante et l’ouvrage broch� ont-ils la m�me finalit� ?
Pour certains professionnels du livre, le but ultime de leur activit� est le commerce du papier encr� et non la diffusion des oeuvres de l’esprit. Il convient alors d’indiquer qu’il faut peut-�tre qu’ils repensent leur activit� �ditoriale et son support mat�riel.
Par contre o� il peut y avoir un vrai probl�me c’est en ce qui concerne la possibilit� de nouvelles formes de commercialistation des oeuvres notamment chapitre par chapitre ou sous forme de licences. Ces derni�res commercialisations necessiteront des adaptations juridiques peut �tre sur le mod�le de la r�glementation audiovisuelle ou musicale. Cependant il convient dans un premier temps de laisser le march� se d�velopper librement avant de choisir les solutions juridiques qu’il faudra appliquer.
De plus, la facilit� du piratage sur Internet demeure un vrai probl�me ainsi que le d�veloppement de la culture de la gratuit� sur le r�seau.
En outre il convient de rappeler qu’il y a une absence de vrai march�.
Ainsi le livre sur �cran ne remplacera pas tout de suite le livre papier. En effet, la valeur d’usage des livres traditionnels est li�e � trois fonctions. il s’agit tout d’abord d’une fonction m�diatique, le livre �tant le support de l’oeuvre, puis d’une fonction �conomique, le livre �tant l’instrument de transmission de droits sur cette oeuvre, et enfin d’une fonction symbolique, le livre �tant un objet qu’on montre et qu’on manipule.
Le livre �lectronique permet de passer d’une symbolique tactile et esth�tique � une autre, celle de la performance mais il conserve en la transformant la fonction �conomique et permet une modernisation de la fonction m�diatique. Les consommateurs qui acqui�rent des livres pour les lire, qui les aiment avant tout comme objet seront peu tent�s par l’achat de livres num�riques. Le livre sur �cran est loin de correspondre � la maniabilit� d’un livre papier. Bien entendu, il est toujours possible de r�aliser une copie imprim�e mais il s’agit alors d’un ensemble de feuilles volantes non r�li�es. De plus, il convient de noter que la lecture du livre sur �cran est loin d’�tre ais�e. Cependant malgr� les inconv�nients du livre �lectronique, certains pensent et notamment Fabien Chaumard que “l’achat d’un livre r�pond aujourd’hui � un besoin d’�vasion ou d’enrichissement des connaissances, � la volont� de se constituer une biblioth�que devenant accessoire voire absente. Peu � peu le public a pris des distances par rapport au livre en tant que support pour s’int�resser davantage aux contenus. Le support se doit aujourd’hui d’�tre bon march�, facile � consulter, � utiliser et � transporter”.
Il faudra peut-�tre attendre le e-book, deuxi�me g�n�ration, le livre du futur ou livre universel pour pouvoir parler d’un r�el succ�s du livre �lectronique qui se pr�sentrait sous la forme d’un ensemble de feuilles plastifi�es recouvertes d’encre �lectronique. Ce nouveau produit �tait pr�vu pour l’ann�e 2005. Son arriv�e reste encore ind�termin�e.
Conclusion
Sur le r�seau comme dans la r�alit� toutes les formes de commerce de livres se c�toient des plus mercantiles au plus d�sint�ress�es. Pour chacune int�grer internet pr�sente de nombreux avantages strat�giques qui permettent � l’entreprise de recentrer ses activit�s autour de son syst�me d’information, d’optimiser ses transferts d’information vers sa client�le et ses partenaires commerciaux et surtout d’adapter l’offre � la demande. Appliqu�e au commerce du livre, cette technologie permet de cr�er une forme de librairie id�ale, �tant � la fois universelle et personnelle.
Mais la croissance exponentielle des serveurs web ne rend pas sans probl�me la situation des librairies virtuelles. En effet, elles sont donc confront�es � une difficult� quant � la visibilit� des sites. Les entreprises se trouvent souvent pris au pi�ge d’un syst�me concurrentiel.
Plus le nombre des sites augmentent et plus l’usage des moteurs de recherche perd de son efficacit�. L’av�nement du commerce �lectronique risque alors d’acc�l�rer le mouvement de concentration que conna�t le secteur du livre depuis quelques ann�es.
Le probl�me est alors que si le logique �conomique continue � primer, dispara�tront progressivement les interm�diaires traditionnels au profit d’interm�diaires fictifs contr�l�s par de grands groupes industriels. Ces derniers pourront alors d�clencher directement les produits � partir de leurs propres stocks vers les consommateurs.
Malgr� la menace d’�tre soumis d’ici quelques ann�es � la logique de grands groupes monopolistiques, le consommateur trouvera de nombreux avantages � acheter en ligne des ouvrages qui seront moins chers.
De plus, il convient de pr�ciser que lorsque Gutenberg a r�volutionn� l’�dition de son temps en inventant le livre tel que nous le connaissons encore, son initiative semble avoir suscit� autant de r�sistances qu’aujourd’hui l’�dition �lectronique. Les situations v�cues � propos des mutations actuelles de l’�dition donne l’impression de l’avoir d�j� �t� il y a cinq si�cles au temps des incunables. Si tel est le cas, un bel avenir s’ouvre probablement devant une �dition �lectronique encore au berceau. En effet, l’�mergence de la num�risation ne fait que commencer � d�ployer ses potentialit�s que ce soit pour forger des nouveaux modes d’expression ou multiplier les formes de circulation des contenus tendant � d�passer les traditionnelles oppositions contenu / contenant et � privil�gier le service sur le produit.
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