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DROIT & INTERNET
Le droit de r�ponse...
...dans le projet de loi pour la confiance dans l’�conomie num�rique
Publié le mercredi 24 mars 2004
Par Delphine Valleteau de Moulliac
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Ce projet vise la transposition de la directive europ�enne 2000/31/CE du 8 juin 2000 sur le commerce �lectronique ainsi que d’une partie de la directive 2002/58/CE du 12 juillet 2002 sur la protection des donn�es personnelles dans la communication �lectronique. Il est actuellement entre les mains des s�nateurs qui en discuteront en s�ance publique les 6 et 7 avril prochain.

Ce que pr�voit le texte de la LEN

La loi sur l’�conomie num�rique dite LEN traite essentiellement du cadre dans lequel s’inscrit la libert� de communiquer par les r�seaux et les r�gles applicables au commerce �lectronique, sa finalit� �tant de renforcer les m�canismes de protection des consommateurs et la s�curit� num�rique.

Est ainsi d�fini dans ce projet le r�gime juridique de la communication publique en ligne qui diff�re de celui de l’audiovisuel. La responsabilit� civile et p�nale des interm�diaires techniques sera engag�e s’ils ne retirent pas un contenu qui pr�sente un caract�re illicite ou que les faits, les circonstances font appara�tre comme tel. Les h�bergeurs de sites ont alors l’obligation de censurer les contenus qu’on leur signale comme illicites. Les fournisseurs d’acc�s ont quant � eux une obligation de surveillance g�n�rale et de filtrage. Sont ainsi pr�cis�s les droits et les obligations des �diteurs de sites.

La responsabilit� des commer�ants en ligne est �tendue jusqu’� la livraison du bien m�me si des interm�diaires sont intervenus lors de la transaction. La lutte contre les spam (publicit�s "sauvages") est ouverte. Des syst�mes de "repentis" sont am�nag�s pour la cryptographie et dans le cadre de la lutte contre la cybercriminalit�. Les collectivit�s territoriales ont l’opportunit� de d�ployer et d’exploiter des infrastructures de t�l�communication. Mais elles ne peuvent en �tre les op�rateurs pour la desserte directe de l’utilisateur final qu’en cas de constat de carence extr�me. Enfin est d�cid�e la tarification � la seconde des communications par t�l�phone mobile ainsi qu’un contr�le des tarifs de base et du service universel de France Telecom.

En revanche, la loi ne traite pas directement du peer to peer. Elle donne n�anmoins des moyens d’action contre les contenus illicites donc, dans l’esprit de r�dacteurs du projet et surtout de M Jean Dionis du S�jour, contre les contenus pirat�s ill�galement (le piratage n’est-il pas ill�gal ?).

Mais surtout et c’est l’objet de cet article, ce projet instaure un dispositif de droit de r�ponse qui tend � s’aligner sur les r�gles de la presse �crite, et plus particuli�rement de l’article 13 de la loi du 29 juillet 1881 qui vise toute personne nomm�e ou d�sign�e dans la presse p�riodique.

Le droit de r�ponse

en mati�re de presse �crite

Ce droit en mati�re de presse �crite permet � la personne mise en cause par simple d�signation dans un journal ou un �crit p�riodique de se d�fendre sans avoir � recourir � la justice. Elle a la possibilit� d’adresser au directeur de la publication une r�ponse d’une longueur �quivalente � celle de l’article la provoquant qui est ins�r�e dans un d�lai de trois jours. Le refus d’insertion est consid�r� comme un d�lit correctionnel puni de 3750 euros d’amende. La cour de cassation dans un arr�t rendu le 27 janvier 1993 pr�cise que le droit de r�ponse est un principe g�n�ral et absolu d�s lors qu’une personne est mise en cause dans un article. Cependant ses conditions de mise en �uvre rendent son exercice difficile. En effet si toutes les personnes nomm�es ou d�sign�es dans un article de presse demandaient un droit de r�ponse, cela provoquerait un tel engorgement que ce syst�me serait vou� � l’inefficacit�.

Le droit de r�ponse a pour fondement la d�fense de la personnalit� ce qui implique une incrimination personnelle puis une r�ponse contenant la d�fense. Il n’a pas � �tre exerc� comme tribune, pour combattre ou donner une opinion. Le droit de r�ponse n’a pas pour destination d’accuser ni de d�noncer. Il am�ne au contraire une pluralit� de points de vue. En effet, il trouve son fondement non pas dans la necessit� d’une riposte � une attaque mais simplement dans la possibilit� pour une personne nomm�e ou d�sign�e de faire conna�tre ses explications ou ses protestations sur les circonstances et dans les conditions m�mes qui ont provoqu� sa d�signation. Il en a �t� jug� ainsi par la chambre criminelle de la cour de cassation dans un arr�t rendu le 28 avril 1932.

La r�ponse doit donc �tre licite et opportune. En effet, il a �t� jug� par la chambre criminelle dans un arr�t ancien rendu le 17 juin 1898 et une jurisprudence constante depuis, que le refus d’ins�rer ne se justifie que si la r�ponse est contraire aux lois, aux bonnes m�urs, � l’int�r�t l�gitime de tiers ou � l’honneur des journalistes. La jurisprudence retient comme crit�re la pertinence du contenu de la r�ponse afin de r�duire la port�e du droit de r�ponse et dans un souci d’�viter des abus. Est ainsi accr�e la possibilit� de refuser l’insertion pour les directeurs de publication.

en mati�re audiovisuelle

L’article 6 de la loi du 29 juillet 1982 relative � la communication audiovisuelle pr�voit un droit de r�ponse plus restreint. En effet, il est accord� seulement aux personnes ayant fait l’objet d’imputations susceptibles de porter atteinte � leur honneur ou � leur r�putation. La r�ponse est diffus�e dans des conditions �quivalentes � celles dans lesquelles a �t� diffus� le message contenant l’imputation invoqu�e, une audience �quivalente � la diffusion du message pr�cit� devant alors �tre assur�e. Le refus d’insertion n’est pas sanctionn� p�nalement. Le pr�sident du tribunal est alors saisi en r�f�r� en vue d’obtenir la diffusion forc�e de la r�ponse, le cas �ch�ant sous astreinte.

Il s’agissait de savoir lequel de ces deux droits de r�ponse �tait le mieux adapt� aux communications en ligne.

Une partie de la doctrine s’est prononc�e en faveur de l’application de l’article 6 de la loi du 29 juillet 1982 pour l’exercice du droit de r�ponse sur Internet, constituant un moyen de communication audiovisuelle. Cette analyse a �t� confirm�e par la loi du 1er ao�t 2000 modifiant la loi sur la communication audiovisuelle visant les services de communication en ligne, autres que la correspondance priv�e.

Le droit de r�ponse sur internet avant la LEN

C’est dans ce climat, que le tribunal de grande instance de Paris a �t� amen� � statuer en r�f�r� le 5 juin 2002, pour la premi�re fois sur le r�gime juridique du droit de r�ponse sur Internet, et sur l’opportunit� de contraindre ou non un site � diffuser un message rectificatif. Un membre de la famille royale de Roumanie intentait une action en r�f�r� contre un journaliste pour des articles publi�s sur son site. Dans son ordonnance, les juges ont �cart� l’application de l’article 13 de la loi du 29 juillet 1881 au motif qu’il ne vise que la presse p�riodique par opposition au service en ligne faisant l’objet "d’une mise � jour continue [...] exclusive de toute p�riodicit�".

Ils ont ensuite estim� inapplicables les mesures de l’article 6 de la loi de 1982 qu’ils consid�rent inappropri�es au service en ligne. Ils ont alors d�cid� qu’il n’y avait pas de droit de r�ponse sur Internet en raison des particularit�s du r�seau. Cependant pour faire cesser le trouble manifestement illicite, les juges ont eu recours � l’article 809 du NCPC et ont ordonn� au responsable du site l’insertion de lignes rectificatives r�dig�es par lui et non par le demandeur.

Ce que pr�voit le texte

La LEN propose le contraire � l’article 2 bis IV du chapitre II relatif aux prestations techniques, ins�rant un article 43-14-1 dans la loi du 30 septembre 1986 sur la libert� de communication, disposition figurant d�j� dans la loi sur la soci�t� d’information du pr�c�dent gouvernement et omise lors du projet de texte adopt� en Conseil des ministres le 15 janvier 2003.

Ce nouvel article pr�voit que "toute personne nomm�e ou d�sign�e dans un service de communication publique en ligne dispose d’un droit de r�ponse, sans pr�judice des demandes de correction ou de suppression du message qu’elle peut adresser au service, tant que ce message est accessible au public. La demande d’exercice du droit de r�ponse est adress�e au directeur de la publication ou, lorsque la personne �ditant � titre non professionnel a conserv� l’anonymat, � la personne mentionn�e � l’article 43-8 qui la transmet sans d�lai au directeur de la publication. Elle est pr�sent�e au plus tard dans un d�lai de trois mois � compter de la date � laquelle cesse la mise � disposition du public du message justifiant cette demande. En cas de refus ou de silence gard� sur la demande par son destinataire dans les huit jours de la r�ception de celle-ci, le demandeur peut agir � l’encontre du directeur de la publication en saisissant en r�f�r� le pr�sident du tribunal de grande instance. Ce dernier peut ordonner, au besoin sous astreinte, la mise � disposition du public de la r�ponse. Un d�cret en Conseil d’Etat fixe les modalit�s d’application du pr�sent article".

Les conditions d’exercice de ce droit seront - elles les m�mes que celles de la presse �crite pr�f�r�e par les r�dacteurs du projet � la communication audiovisuelle ?

Si on s’en tient � une stricte lecture du texte, il semble falloir r�pondre par l’affirmative.

Les messages sur les r�seaux en ligne n’apparaissent - ils pas sous forme d’�crits pour lesquels la transposition en ce qui concerne les conditions de lignes, de caract�res ou d’emplacement figurant dans l’article 13 de loi de 1881 est possible ?

Le crit�re de p�riodicit� est �vinc�. Le champ d’application du droit instaur� semble alors tr�s large. En effet, le droit de r�ponse sur Internet ne sera subordonn� � aucune condition de fond. Il ne sera pas necessaire pour la personne b�n�ficiant du droit de r�ponse d’invoquer un quelconque pr�judice.

L’exercice de ce droit sera alors accord� � toute personne identifiable selon les dispositions de l’article 43-14-1.

Le d�lai de forclusion est port� � trois mois � compter de la date � laquelle cesse la mise � disposition du public le message justifiant la demande alors qu’en mati�re de presse �crite, il est de trois mois � compter de la diffusion de l’information incrimin�e depuis la loi du 15 juin 2000 op�rant l’alignement des d�lais d’exercice de l’action en insertion forc�e en mati�re de presse �crite et de communication audiovisuelle. Si les r�dacteurs ont voulu adapter aux communications en ligne le r�gime applicable en mati�re de presse �crite, les sanctions relatives au refus d’insertion tiennent plus du domaine civil que p�nal, et ont plut�t �t� reprises des r�gles en vigueur en mati�re de communication audiovisuelle.

Le crit�re de pertinence de la r�ponse sera t-il repris sous l’empire de ce nouveau texte par la jurisprudence ?

Dans l’attente du d�cret en Conseil d’Etat pour les modalit�s pratiques de l’exercice de ce droit et d’une interpr�tation jurisprudentielle, les �diteurs de site vont �tre contraints � ne publier que des textes ne portant pas � pol�mique par crainte de se voir r�clamer un droit de r�ponse par les personnes cit�es.

Ne serait-il pas essentiel de r�server l’exercice du droit de r�ponse aux seules personnes physiques ou morales nomm�es ou d�sign�es qui sont mises en cause dans une d�claration inexacte, diffamatoire ou susceptible de porter atteinte � leur honneur ou r�putation, en ligne, afin de tenir compte de la particularit� de la communication publique en ligne, tant en termes de support que d’impact, de p�riodicit�, de responsabilit� �ditoriale et de pluralit� de l’offre ?

Auteur
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Delphine Valleteau de Moulliac
Juriste en propri�t� intellectuelle
Post-Scriptum

Article r�dig� pour le CABINET ANNE PIGEON-BORMANS

Sources :
www.assemblee-nat.fr
www.iris.sgdg.org/action/len
www.transfert.net, article d’Emmanuel Derieux, "le droit de r�ponse doit �tre transpos� � l’Internet".
www.lexinter.net
Auvret, "L’�volution des droits de r�ponse : de la presse �crite � Internet", Gazette du Palais,17-19 juin.

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