Un grand parterre de broderies d’un jardin, m�me " restaur� ", peut �tre prot�g� par le droit d’auteur. Ainsi l’a jug� le Tribunal de grande instance de Paris le 10 mai 2002 � propos du parc de Vaux-le-Vicomte (1).
Une publicit� imagin�e par une agence de communication pour la soci�t� Mauboussin, joaillier de la Place Vend�me, reproduisait une des broderies du grand parterre du jardin de Vaux-le-Vicomte sur laquelle apparaissait, en outre, un personnage de danseuse. Le Figaro Magazine a fait para�tre cette publicit� dans son num�ro de d�cembre 1996. Monsieur Michel Duch�ne, mandataire de Madame Nadine Roubakine, elle-m�me descendante et h�riti�re unique de Monsieur Achille Duch�ne, architecte paysagiste des broderies de parterre litigieuses, a assign�, le 28 f�vrier 2000, la soci�t� Mauboussin et l’agence de communication, afin que soit constat�e, par le Tribunal de grande instance de Paris, la reproduction contrefaisante d’une partie des broderies de parterre.
Selon Monsieur Michel Duch�ne, le grand parterre de broderies r�alis� par Achille Duch�ne constituerait une �uvre artistique. Il ne conteste pas que les jardins litigieux ont �t�, � l’origine, dessin�s et r�alis�s par Le N�tre. Cependant le parterre en question est s�parable, selon lui, desdits jardins ex�cut�s par Le N�tre. En outre, le parterre ainsi reconstitu� par Achille Duch�ne s’est " substitu� � de simples surfaces engazonn�es ". Les broderies du parterre litigieux b�n�ficieraient bien alors de la protection du droit d’auteur aux dires de Monsieur Michel Duch�ne. En cons�quence, la reproduction des broderies, sans autorisation de l’ayant droit, Monsieur Achille Duch�ne �tant d�c�d� le 12 novembre 1947, constituerait une violation du droit d’auteur, dans sa composante patrimoniale et morale. Il demande au Tribunal de grande instance de Paris de sanctionner la contrefa�on invoqu�e.
Il convient alors de se demander si le parterre de broderies r�alis� en harmonie avec le jardin du parc de Vaux-le-Vicomte, cr�� � l’origine par Le N�tre, constitue une �uvre artistique saisie par le droit d’auteur dont la reproduction photographique non autoris�e serait un acte de contrefa�on ?
Dans un premier temps, le Tribunal de grande instance de Paris examine le caract�re original des broderies du parterre au regard du concept de restauration. Il conclut que les broderies constituent des cr�ations originales en d�pit des contraintes historiques et personnelles qui s’imposaient � l’architecte paysagiste. En outre, le tribunal rappelle clairement que l’inaction de l’artiste ne peut s’analyser en une renonciation � son droit d’auteur. Aucune pr�somption de renonciation ne joue et l’h�riti�re unique de l’architecte paysagiste peut l�gitimement agir. Enfin, en conformit� avec l’article 111-3 du Code de la Propri�t� intellectuelle, la propri�t� incorporelle est ind�pendante de la propri�t� de l’objet mat�riel, en l’occurrence, des jardins. La th�orie de droit commun de l’accessoire est �cart�e par cette r�gle sp�ciale du Code de la Propri�t� intellectuelle.
Dans un second temps, le Tribunal de grande instance de Paris constate que les broderies du parterre, �uvres originales prot�g�es par le droit d’auteur, ont �t� reproduites sans l’autorisation du titulaire des droits patrimoniaux et moraux d’auteur, en l’occurrence de l’unique h�riti�re de l’architecte paysagiste. L’acte ainsi d�crit est qualifi� de contrefa�on.
Outre l’allocation � l’h�riti�re d’une somme de cinq mille euros au titre de dommages et int�r�ts, le Tribunal de grande instance de Paris ordonne la cessation des reproductions illicites, et ce sous astreinte provisoire de trois cents euros par infraction constat�e � compter de la signification du jugement.
La protection d’un jardin appara�t ni curieuse, ni surprenante. L’architecte paysagiste est un artiste, � l’image du peintre. Notre architecte paysagiste est certes d�pendant de la nature. Mais il l’utilise, la travaille, la sculpte comme le sculpteur taille la pierre (2). En revanche, en l’esp�ce, l’immixtion de la notion de restauration attire l’attention du juriste car complexifie la reconnaissance de l’originalit� de l’�uvre. La partie restaur�e d’une �uvre peut-elle �tre saisie par le droit d’auteur ? Si oui, dans quelle mesure ? Enfin, une fois admise la qualit� d’�uvre originale, l’application du droit d’auteur et notamment de sa sanction, la contrefa�on, ne devrait en principe poser aucun probl�me, except� peut-�tre la question de la sanction du droit moral.
L’analyse du jugement rendu par le Tribunal de grande instance de Paris du 10 mai 2002 se d�roulera en deux temps. A une premi�re partie intitul�e " le jardin, une �uvre prot�g�e " dans laquelle sera examin�e l’incidence de la restauration, succ�dera une seconde partie relative � " la sanction de la reproduction non autoris�e du jardin ".
I. Le jardin, une �uvre prot�g�e
Rapidement il va s’agir de savoir si un jardin, en g�n�ral, peut �tre saisi par le droit d’auteur pour ensuite examiner le d�licat probl�me de la restauration.
A. Le jardin, une �uvre prot�geable
La question de la protection par le droit d’auteur d’un jardin en tant que tel n’est pas soulev�e. C’est heureux. La seule interrogation est en effet de savoir si le parterre de broderies, en l’esp�ce, b�n�ficie du droit d’auteur. Implicitement donc, la qualit� d’�uvre de l’esprit d’un jardin peut �tre admise. Certes, l’article L. 112-2 du Code de la propri�t� intellectuelle ne vise pas express�ment le jardin. Pour autant ce dernier pourrait �tre qualifi�, d’une part d’�uvre d’architecture vis�e par l’alin�a 7 de l’article car ne parle-t-on pas d’architecte paysagiste, d’autre part cet article n’est pas exhaustif en raison de l’emploi de l’adverbe " notamment ". En cons�quence, le Tribunal de grande instance de Paris n’est pas amen� � se demander si un jardin en g�n�ral peut �tre qualifi� d’�uvre, mais si la partie du jardin litigieuse m�rite la protection du droit d’auteur. L’article L. 112-1 du Code de la propri�t� intellectuelle vient d’ailleurs corroborer ce qui pr�c�de dans la mesure o� le code prot�ge " les droits des auteurs sur toutes les �uvres de l’esprit, quels qu’en soient le genre, la forme d’expression, le m�rite ou la destination ".
La particularit� de l’esp�ce repose sur la d�licate question de la restauration, terme ambigu, en l’esp�ce, selon le Tribunal de grande instance de Paris.
B. La restauration originale du jardin
Toujours sur la question des droits de l’h�riti�re, il est textuellement pr�cis� que l’architecte paysagiste est " intervenu pour restaurer le domaine de Vaux-le-Vicomte, � la demande du propri�taire de l’�poque ". Et restauration il y a effectivement eu selon le Tribunal de grande instance de Paris, suivant en cela les parties.
Or restaurer signifie r�tablir, remettre en �tat voire restituer. Plus pr�cis�ment, le restaurateur est celui qui redonne vie � des �uvres ab�m�es par le temps ou les �v�nements. Autrement-dit, son objectif est d’octroyer une nouvelle jeunesse � l’�uvre, celle du moment de sa cr�ation.
D�s lors la question est de savoir si, en d�pit des contraintes de la restauration, contraintes que le tribunal est amen� � appr�cier, l’architecte paysagiste a fait �uvre cr�atrice.
L’incidence de la " restauration "
Le Tribunal de grande instance de Paris ne se contente pas alors d’admettre simplement la r�alit� de la restauration dans la mesure o� il pr�cise le contexte dans lequel elle a �t� r�alis�e. En effet, en l’absence de plans et dessins du jardin pr�c�dant l’intervention de l’architecte paysagiste, " plans et dessins qui n’ont pas �t� retrouv�s ", le Tribunal de grande instance de Paris conclut, � l’appui des documents produits, que " les parterres litigieux �taient constitu�s � cette �poque de simples surfaces engazonn�es ". Autrement-dit, avant le travail de l’architecte paysagiste, il n’y avait rien, ou du moins aucune �uvre originale car il est difficile d’appr�hender " de simples surfaces engazonn�es " comme de telles �uvres prot�g�es par le droit d’auteur. Ainsi, le Tribunal de grande instance de Paris peut l�gitimement exclure, pour les broderies de parterre cr��es par l’architecte paysagiste, la qualification d’une part, " de remise en �tat d’un ensemble pr�existant ", d’autre part " de r�plique des parterres initiaux ". En cons�quence, notre architecte paysagiste a proc�d� � la r�alisation des broderies de parterre sans reprendre et donc ex�cuter d’�ventuels plans de Le N�tre.
Pour autant, Le N�tre a suivi, au XVII�me si�cle, pour l’ex�cution du jardin du domaine de Vaux-le-Vicomte, les dessins pr�paratoires sign�s d’un graveur pour le compte du surintendant Fouquet ainsi que d’autres gravures. Ces documents ont �t� quant � eux retrouv�s. D�s lors, le Tribunal de grande instance de Paris tente de d�terminer la place primordiale ou non, pour notre architecte paysagiste, de ces travaux divers. Il constate que lesdits travaux " ne donnent que des indications g�n�rales et une vue d’ensemble illustrant (certes) les r�alisations de l’�poque ". Elles ne sont pas susceptibles, " par elle-m�mes, de fournir des instructions techniques pr�cises qui se seraient impos�es � Achille Duch�ne ". Autrement-dit, l’architecte paysagiste, s’il a �ventuellement eu acc�s � tous les documents pr�cit�s, a d� faire appel � sa personnalit�, " son savoir-faire et son imagination cr�atrice ". Il a ainsi �t� amen� � prendre des initiatives personnelles, sans quoi il ne serait jamais parvenu � r�aliser les broderies du jardin en suivant seulement les documents de l’�poque contemporaine de Le N�tre.
A ce stade de la r�flexion, le Tribunal de grande instance de Paris note toute " l’ambigu�t� " du terme de restauration et l’entoure de ce fait de guillemets. L�gitimement nous semble-t-il. Peut-on consid�rer qu’en l’esp�ce, pour la partie litigieuse du parterre, il y a eu restauration ? A priori celle-ci implique de reconstituer, ou du moins de tenter de le faire, une �uvre qui a exist�, et ceci, dans sa forme initiale. Peuvent alors s’imposer au restaurateur des documents tangibles de la p�riode de cr�ation de l’�uvre � restituer, ainsi qu’un style, des mati�res, des �uvres contemporaines � l’�uvre restaur�e. En l’esp�ce, si un style d�termin�, des travaux pr�paratoires et une �uvre dominante, le domaine de Vaux-le-Vicomte, ont exist� et ont influenc� la r�alisation de notre architecte paysagiste, il a cr�e les broderies litigieuses du parterre. Concr�tement, il n’est parti de rien, ou seulement " de simples surfaces engazonn�es ". Autrement-dit, la question de la restauration ne se pose pas raisonnablement. Certes l’architecte paysagiste devait tenir compte des contraintes historiques de style pour approcher de plus pr�s la broderie d’origine, cependant non pas telle que Le N�tre l’a con�ue au XVII�me si�cle, mais telle qu’il aurait pu la concevoir. Finalement, l’architecte paysagiste, ici, ne restaure pas une �uvre, inexistante, mais r�alise, en respectant une �poque, c’est-�-dire un esprit.
Le parterre, �uvre composite
Il est possible alors de se demander si la question ne toucherait-elle pas celle de l’�uvre composite ? En vertu de l’article L. 113-2 al 2, " est dite composite l’�uvre nouvelle � laquelle est incorpor�e une �uvre pr�existante sans la collaboration de cette derni�re ". Selon le Professeur Pierre-Yves Gautier, peut aussi constituer une �uvre composite une simple juxtaposition (3), hypoth�se tr�s proche de notre esp�ce. Dans cette mesure, l’auteur de l’�uvre composite est propri�taire de son �uvre dite composite, sous r�serve des droits de l’auteur de l’�uvre pr�existante. L’ayant droit de l’architecte paysagiste disposerait bien de droits d’auteurs sur l’�uvre de son ascendant.
Le parterre, �uvre command�e
Surtout, le champ contractuel dans lequel a �volu� notre architecte paysagiste n’est-il pas celui de la commande ? En effet, l’architecte paysagiste peut �tre qualifi� de commandit� et le propri�taire du domaine de Vaux-le-Vicomte de commanditaire. St�phanie Denoix de Saint-Marc a justement examin� la question de la commande en droit d’auteur, les deux termes n’�tant pas antinomiques. Notre esp�ce pourrait selon nous illustrer sa th�se en d�pit du silence apparent du tribunal sur ce point. Sans proc�der ici � l’application exhaustive de la r�flexion de l’auteur pr�cit�, il est possible de consid�rer que l’existence de recommandations du commanditaire n’exclut pas l’intervention de l’imagination et la personnalit� de l’artiste. Finalement, outre les contraintes historiques de style et les quelques indications contractuelles du propri�taire des lieux, l’architecte paysagiste a cr��. Il a r�alis� une �uvre � " l’originalit� certaine justifiant une protection par le droit d’auteur ". D�s lors, les �l�ments extrins�ques � l’auteur tels qu’ils viennent d’�tre bri�vement rappel�s, constituent le " cadre dans lequel s’est exerc� et �panoui tout son art lui donnant ainsi l’occasion d’apporter � cette �uvre une touche personnelle digne d’�tre prot�g�e ". Et finalement, en propri�t� intellectuelle, ne dit-on pas que rien ne se cr�e, tout se transforme. L’existence d’un avant la cr�ation ne doit pas geler l’application du droit d’auteur. Ensuite tout est question d’appr�ciation souveraine des juges du fond afin de d�terminer la place de la cr�ation. Serait alors justifi�e l’�ventuelle mais d�licate reconnaissance du statut d’auteur � un restaurateur d�s lors qu’il " ne se contente pas d’une restitution � l’identique et fait des choix " (4).
Ainsi, l’architecte paysagiste m�rite la protection du droit d’auteur pour ses broderies de parterre du jardin de Vaux-le-Vicomte car �uvre originale empreinte de sa personnalit� il y a, que l’on se place sur le terrain de la restauration comme le fait le Tribunal de grande instance de Paris ou celui de la commande, comme il aurait �t� plus juste de le faire. D�s lors, toute atteinte � ce droit d’auteur m�rite sanction.
II. La sanction de la reproduction non autoris�e du jardin.
Le Tribunal de grande instance de Paris fonde la contrefa�on sur une atteinte au droit moral de l’auteur, droit transmissible aux h�ritiers aux termes de l’article L. 121-1 du Code de la Propri�t� intellectuelle, car est constat�e une reproduction non autoris�e d’une partie du parterre r�alis� par l’architecte paysagiste. Il semble que la confusion entre droit patrimonial et droit moral de l’auteur impr�gne le jugement.
A. Une reproduction non autoris�e
Le Tribunal de grande instance de Paris rappelle qu’une " publicit� reproduit pour les besoins d’un joaillier de la Place Vend�me � Paris, une partie du parterre de broderie du jardin de Vaux-le-Vicomte sur laquelle appara�t un petit personnage de danseuse ". Cette publicit� constitue bien une reproduction au sens de l’article L.122-3 du Code de la Propri�t� intellectuelle, reproduction r�alis�e sans l’autorisation du titulaire du droit d’auteur, c’est-�-dire en l’esp�ce l’h�riti�re de l’architecte paysagiste.
Le tribunal affirme que cette reproduction non autoris�e porte atteinte au droit moral de l’artiste et par voie de cons�quence de sa descendante. Il confond et se trompe selon nous. Certes la pr�sence de la danseuse est susceptible de toucher le droit moral de l’auteur et nous y reviendrons ult�rieurement. En revanche la reproduction non autoris�e int�resse le seul droit patrimonial de l’auteur et peut-�tre alors qualifi�e de contrefa�on. En effet constitue un acte de contrefa�on " toute reproduction int�grale ou partielle faite sans le consentement de l’auteur ou des ayants droit " (4).
Dur�e de protection des broderies du parterre de Vaux-le-Vicomte
Pour autant, et en amont de la qualification d’acte de contrefa�on, il s’agit de savoir si l’�uvre est toujours prot�g�e. Si tel n’est pas ou plus le cas, toute reproduction de l’�uvre n’est pas ou plus subordonn�e � l’autorisation de l’auteur ou de ses ayants cause ou ayants droit. L’�uvre ant�rieurement prot�g�e est tomb�e dans le domaine public, son utilisation est libre de droits patrimoniaux.
En l’esp�ce, le Tribunal de grande instance de Paris pour sanctionner la reproduction non autoris�e aurait pu ou d� pr�alablement v�rifier que l’�uvre, en l’occurrence les broderies du parterre, �taient encore prot�g�es par le droit d’auteur, le principe de protection �tant admis. L’architecte paysagiste est d�c�d� en novembre 1947, �poque � laquelle la protection du droit patrimonial de l’auteur �tait de cinquante ans. Cependant, la directive europ�enne du 29 octobre 1993 applique la dur�e de protection de soixante dix ans introduite en ses dispositions � toutes les �uvres dont le d�c�s de l’auteur remonte � moins de soixante-dix ans au 1er juillet 1995, date d’entr�e en vigueur de l’extension ainsi pos�e. En cons�quence et en l’esp�ce, l’h�riti�re unique de l’architecte paysagiste pouvait l�gitimement invoquer le droit patrimonial de son ascendant sur le fondement de l’article L. 123-1 du Code de la propri�t� intellectuelle. Celui-ci dispose en effet, en son second alin�a, qu’ " au d�c�s de l’auteur, [le droit exclusif d’exploiter son �uvre sous quelque forme que ce soit] persiste au b�n�fice de ses ayants droit pendant l’ann�e civile en cours et les soixante-dix ann�es qui suivent ".
Un autre probl�me ne se pose pas, mais est dans tous les esprits. L’h�riti�re en question aurait-elle pu l�galement invoquer, en plus de la protection de soixante-dix ans, la prorogation de huit ann�es et cent vingt jours li�e � la seconde guerre mondiale et fond�e sur l’impossible ou mauvaise exploitation de l’�uvre durant cette p�riode d’hostilit�s ? La doctrine est partag�e sur la question du cumul. Certes les prorogations de guerre sont des droits acquis nationaux reconnus et maintenus par la directive du 29 juillet 1993 en son article 10-1. En sus peut �tre avanc�, outre l’interpr�tation in favorem auctoris, le maintien de l’article L. 123-9 du Code de la propri�t� intellectuelle relatif � la prorogation attach�e � la seconde guerre mondiale. Cependant, l’esprit de la directive repose sur une volont� d’uniformiser les dur�es de protection dans l’Union europ�enne. A ce propos, le professeur Pierre-Yves Gautier rappelle, d’une part l’effet utile des directives et d’autre part, la r�alisation, par la directive, de l’objectif des prorogations de guerre qui est d’instaurer une dur�e de protection d’�uvres sup�rieure � cinquante ans (5).
Prudence �tant bonne conseill�re, il est raisonnable de faire b�n�ficier les broderies du parterre du jardin de Vaux-le-Vicomte d’une protection de soixante dix ans � compter du d�c�s de l’artiste, ce dernier �tant d�c�d� moins de soixante dix ans avant l’entr�e en vigueur de la directive du 29 juillet 1993, sans ajouter pour autant la prorogation attach�e � la seconde guerre mondiale.
En cons�quence, au jour de l’assignation en date du 28 f�vrier 2000, l’h�riti�re de l’architecte paysagiste est toujours titulaire des droits patrimoniaux conf�r�s � l’origine � son ascendant.
Sanction de l’absence d’autorisation � la reproduction
Il est av�r� que ni l’agence de publicit�, ni la soci�t� commanditaire n’ont requis l’ autorisation de l’ayant droit en vue de la reproduction d’une partie des broderies litigieuses. Or en vertu de l’article L. 122-4 du Code de la propri�t� intellectuelle, " toute reproduction int�grale ou partielle faite sans le consentement des ayants droit est illicite ". Peu importe alors que la reproduction soit �ventuellement �logieuse car r�alis�e pour une soci�t� situ�e Place Vend�me � Paris. Est sanctionn�e l’absence d’autorisation. En application de l’article L. 335-3 du m�me code, sanction p�nale de l’article L. 122-4, " est un d�lit de contrefa�on toute reproduction, par quelque moyen que ce soit, d’une �uvre de l’esprit en violation des droits de l’auteur ". Sur ce fondement, le Tribunal de grande instance de Paris pouvait l�galement condamner le contrefacteur � une amende d’un montant maximal de 150 000 euros. En l’esp�ce, la contrefa�on est sanctionn�e par une " indemnit� de 5000 euros [vers�s]� titre de dommages et int�r�ts ". Or la contrefa�on est un d�lit, sa sanction, outre une �ventuelle peine de prison, une amende. La condamnation ainsi prononc�e par le tribunal, en sus de la mesure d’interdiction d’exploitation, confirme la confusion du tribunal entre respect du droit patrimonial de l’auteur et celui du droit moral.
B. Le droit moral de l’architecte paysagiste.
Le Tribunal estime clairement qu’atteinte au droit moral de l’artiste il y a eu. En ce qui concerne cette face symptomatique du droit d’auteur, il convient de noter que la question temps intervient dans une moindre mesure car le droit moral, transmissible � cause de mort aux h�ritiers de l’auteur selon les termes de l’article L. 121-1 du Code de la propri�t� intellectuelle, est perp�tuel et imprescriptible. Il est vrai, selon une doctrine majoritaire, certains aspects de ce droit tendent � s’estomper avec le temps. Pour autant, les broderies du parterre datent du Xx�me si�cle. Il serait alors excessif d’amoindrir d�j� le droit moral.
Tout d’abord ce droit moral comprend le droit au respect de la paternit�. L’auteur a droit au respect de son nom aux termes de l’article L. 121-1 du Code de la Propri�t� intellectuelle. En l’esp�ce, il n’est nullement pr�cis� si la publicit� reproduisant les broderies du parterre indiquait le nom de l’auteur. A d�faut, le droit moral de l’artiste pouvait l�gitimement �tre agit�. D’ailleurs si l’ensemble du jardin de Vaux-le-Vicomte avait �t� reproduit, il aurait fallu, semble-t-il, indiquer �galement le nom de l’architecte paysagiste (en pr�cisant la part de sa participation).
Si la question du droit au nom n’est pas �voqu�e, il semble que celle du droit au respect de l’�uvre le soit implicitement. Il est pr�cis� que sur la publicit� a �t� ajout� un petit personnage de danseuse. Or en vertu de l’article L. 121-1 du Code de la Propri�t� intellectuelle, l’auteur jouit du " droit au respect de son �uvre ". Tant la jurisprudence que la doctrine distinguent, en son sein, l’int�grit� mat�rielle et intellectuelle de l’�uvre laquelle est susceptible d’int�resser notre propos. En effet il est envisageable de d�celer une atteinte � l’esprit de l’�uvre dans l’insertion d’un personnage sans l’autorisation du titulaire des droits d’auteur. Ce personnage de danseuse peut constituer une alt�ration intellectuelle de l’�uvre. Le parall�le avec la jurisprudence qui prohibe la superposition du logo d’une cha�ne de t�l�vision lors de la diffusion d’un oeuvre audiovisuelle est int�ressant et r�v�lateur.
Si une atteinte au respect de l’�uvre peut alors �tre retenue, elle ne peut �tre sanctionn�e au titre de la contrefa�on. Certainement, une partie de la jurisprudence sanctionne toute atteinte au droit moral sur le fondement des articles L. 335-3 et suivants du Code de la Propri�t� intellectuelle lesquels renvoient aux droits de l’auteur tels qu’ils sont d�finis et r�glement�s par la loi. Bref il n’est fait aucune distinction entre les branches, patrimoniales et morales, du droit d’auteur. Pour autant, le raisonnement ne semble pas solide et tangible. Ainsi l’explicite le professeur Pierre-Yves Gautier (7). Cet auteur se fonde sur le principe de l’interpr�tation stricte de la loi p�nale et des textes pr�voyant une sanction p�nale ou civile, principe pos� � l’article 111-4 du Code p�nal. En outre, il appelle � la volont� d’incrimination du l�gislateur et doute que celui-ci ait voulu condamner l’atteinte au droit moral par une peine d’emprisonnement, d’autant que l’appr�ciation de cette atteinte est particuli�rement subjective.
En cons�quence, il suffirait � l’auteur, son ayant cause ou son ayant droit, pour recevoir une indemnit�, de prouver l’existence d’une faute, d’un pr�judice et du lien de causalit� entre ces deux �l�ments. Autrement-dit, il convient d’appliquer le droit commun de la responsabilit� comme il est n�cessaire de le faire lorsque le droit sp�cial est silencieux.
Et finalement, en pronon�ant une indemnit� vers�e � titre de dommages et int�r�ts alors qu’il statuait sur la contrefa�on, le Tribunal de grande instance de Paris avait-il retenu pour partie la le�on du professeur Pierre-Yves Gautier ?
(1) TGI Paris, 10 mai 2002, D., 2002 . 3257, note Fabrice PERBOST.
(2) Note Fabrice PERBOST.
(3) PIERRE-YVES GAUTIER, Propri�t� litt�raire et artistique, Litec, 2002, n° 319.
(4) PIERRE-YVES GAUTIER, ibid., n° 65.
(5) PIERRE-YVES GAUTIER, ibid., n° 226
(6) Article L. 122-4 du Code de la Propri�t� intellectuelle.
(7) PIERRE-YVES GAUTIER, op.cit, n° 436.
Ouvrages cit�s :
STEPHANIE DENOIX DE SAINT-MARC, Le contrat de commande, Litec, 1999.