Rep�res historiques et juridiques
La loi Huriet du 20 d�cembre 1988 constitue le premier dispositif l�gal fran�ais en mati�re de recherche biom�dicale. Elle trouvait sa n�cessit� d’adapter la l�gislation nationale aux besoins de la recherche.
Pour m�moire, les textes existant ant�rieurement � la loi Huriet sont la cons�quence directe d’une r�flexion sur l’atrocit� des exp�rimentations nazies au lendemain de la seconde guerre.
En 1947, l’Association M�dicale Mondiale a �dict� le Code de Nuremberg lequel �nonce dix principes fondamentaux, qui visent � interdire toute exp�rimentation sur la personne humaine, sans avoir au pr�alable recueilli un consentement libre et �clair� du sujet.
En 1966, le Pacte des Nations-Unies relatif aux droits civils et politiques �nonce que " nul ne sera soumis � la torture, ni � des actes ou de peines inhumains et d�gradants. En particulier, il est interdit de soumettre une personne sans son libre consentement � une exp�rience m�dicale ou scientifique ".
Les essais sans but th�rapeutique �taient donc interdits en France et ils tombaient sous le coup de la loi p�nale en tant qu’atteinte � l’int�grit� de la personne humaine.
La loi Huriet r�pond � la n�cessit� de reconna�tre la lic�it� de la recherche biom�dicale, tout en pla�ant la protection des personnes au c�ur du dispositif et en fixant les conditions techniques et mat�rielles de telles �tudes.
Ainsi, selon l’ancien r�gime de la loi de 1988, l’exp�rimentation projet�e suivait trois principes directeurs. Nous pr�senterons ici la loi Huriet de 1988 dans ses grandes lignes, pour ensuite mieux souligner les modifications (sur lesquelles nous reviendrons) qu’apportent la loi du 9 ao�t 2004.
Selon la loi de 1988 :
(1) La recherche doit viser � �tendre la connaissance scientifique de l’�tre humain et les moyens susceptibles d’am�liorer sa condition. En effet, la recherche biom�dicale est d�finie par l’article L 1121-1 du Code de la Sant� Publique comme consistant en " des recherches organis�es et pratiqu�es sur l’�tre humain en vue du d�veloppement des connaissances biologiques ou m�dicales " .
Ces connaissances doivent donc �tre fond�es (article L. 1121-2) :
o sur le dernier �tat de la science ;
o elles doivent �tre fond�es sur des essais pr�cliniques, c’est � dire que des exp�rimentations suffisantes sur l’animal doivent �tre effectu�es avant toute recherche sur l’homme.
De surcro�t, avant de commencer une recherche, l’investigateur est tenu d’en soumettre le projet � l’avis d’un CCPPRB (Comit� Consultatif de Protection des Personnes dans la Recherche Biomedicale). En effet, la loi Huriet et son d�cret d’application du 27 septembre 1990, consacrent le principe de comit�s r�gionaux ind�pendants et dot�s de la personnalit� morale.
Seul l’avis des CCPPRB est alors exig� par la loi, mais dans les faits, les protocoles sont aussi appr�ci�s par d’autres comit�s d’�thiques informels dans certains �tablissements hospitaliers ou dans certains organismes publics de recherche.
Comme nous le verrons, la loi du 9 ao�t 2004 a remplac� ce r�gime de d�claration par un r�gime d’autorisation.
(2) Les risques pris par les sujets de l’essai ne devaient pas �tre hors de proportion avec les b�n�fices escompt�s pour ces personnes ou l’int�r�t de la recherche.
Ce crit�re du b�n�fice direct ou indirect figure par ailleurs dans :
i. l’article 16 de la Convention d’Oviedo du 4 avril 1997 (Convention pour la protection des droits de l’homme et de la dignit� de l’�tre humain � l’�gard des applications de la biologie et de la m�decine)
ii. l’article 18 de la D�claration d’Helsinki-Edimbourg d’octobre 2000).
Comme nous le verrons, cette distinction de la recherche avec ou sans b�n�fice individuel a �t� abandonn� par la loi du 9 ao�t dernier au profit d’un syst�me d’appr�ciation globale : " avec ou sans risques " ;
Il convient de rappeler que la personne se pr�tant � une recherche devait alors �tre inform�e de fa�on compl�te de l’objectif, de la dur�e, du b�n�fice attendu, des contraintes, de l’avis rendu par le CCPPRB, de son inscription � un fichier national sur les essais sans b�n�fice individuel direct et des donn�es contenues, de son droit de refuser de participer � l’essai et de son droit de se retirer � tout moment de l’essai sans encourir de responsabilit�.
La loi du 9 ao�t 2004 vise � cet �gard � clarifier les r�gles de protection des personnes, notamment en ce qui concerne le recueil de leur consentement ou celui de leur repr�sentant l�gal et plus particuli�rement dans les situations dites d’urgence.
(3) la recherche ne peut d�buter que lorsque certaines connaissances sont d�montr�es et qu’un personnel comp�tent la prend en charge. En effet, selon l’article L.1121-3 du Code de la Sant� Publique, " l’investigateur doit justifier d’une exp�rience appropri�e ".
La loi du 9 ao�t 2004 s’imposait, selon le Minist�re de la Sant�, par :
La n�cessit� de transposer en droit fran�ais la directive 2001/20/CE relative aux essais cliniques de m�dicaments, sachant que ces dispositions sont effectives dans les pays de l’Union depuis le 1ermai 2004 ;
Le besoin d’am�liorer le dispositif l�gislatif existant, lequel n’avait fait l’objet d’aucune modification significative depuis 1988 et qui pr�sentait un certain nombre de lacunes.
Nous nous int�resserons dans un premier temps sur le fait de savoir si la cosm�tologie est concern�e par la nouvelle loi et dans quelle mesure (1), pour ensuite nous nous int�resser point par point sur les modifications apport�es par cette loi et sur leurs implications en pratique (2).
1. CHAMP D’APPLICATION DE LA LOI HURIET TELLE QUE MODIFIEE. DANS QUELLE MESURE LES COSMETIQUES SONT-ILS CONCERNES ?
Le projet de loi Huriet-S�rusclat de 2003, tel que vot� par l’Assembl�e Nationale, a - � juste titre - provoqu� des sueurs froides � l’industrie cosm�tique, qui se voyait soumise � un syst�me d’autorisation extr�mement contraignant.
Heureusement pour lesdits industriels, le S�nat a tr�s vivement r�agi contre la premi�re mouture du texte qui p�nalisait les industriels fran�ais par rapport � leurs homologues des autres pays de l’Union (1).
Finalement, la nouvelle loi Huriet-S�rusclat int�gre l’amendement du S�nat et les cosm�tiques �chappent au r�gime d’autorisation impos� par ce texte loi (2).
1.1 LA POSITION DU SENAT
Le S�nat s’est violemment �rig� contre l’application de la nouvelle loi et du syst�me - protecteur pour les personnes - de l’autorisation pr�alable de l’autorit� comp�tente, aux cosm�tiques.
Le S�nat a soulign� dans ses discussions le fait qu’une telle proc�dure cr�erait des contraintes injustifi�es pour les industriels fran�ais par rapport � leurs homologues europ�ens. En effet, aucun autre pays de l’Union n’exige un tel syst�me d’autorisation afin d’initier une recherche biom�dicale portant sur un produit cosm�tique. A cette p�nalisation et cette discrimination de l’industrie cosm�tique fran�aise et de ses industries connexes s’ajoutait la n�cessit� pour les entreprises fran�aises d’�valuation de d�localiser leurs activit�s hors de France.
De surcro�t, le projet de loi soumis au S�nat pouvait sembler contraire � l’esprit de la directive 93/35 CEE du 14 juin 1993 qui conditionnait la mise sur le march� � la constitution d’un dossier relatif au produit et en aucun cas � une autorisation pr�alable �manant d’une autorit� quelconque.
Il paraissait �galement paradoxal de soumettre � un r�gime d’autorisation pr�alable de recherche biom�dicale les cosm�tiques, dont la mise sur le march� est bas�e sur un auto-contr�le de la part de l’industriel.
Le S�nat proposait ainsi d’ajouter un alin�a � l’article L.1121-1 excluant express�ment �tudes r�alis�es sur les cosm�tiques.
1.2 LA LOI, EN SA REDACTION DEFINITIVE
L’Article L.1211-1 -1.
Finalement, ne sont pas soumis au nouveau dispositif plus contraignant pour les industriels :
1. " Les recherches dans lesquelles tous les actes sont pratiqu�s et les produits utilis�s de mani�re habituelle, sans aucune proc�dure suppl�mentaire ou inhabituelle de diagnostique ou de surveillance
2. " Aux recherches visant � �valuer les soins courants, autres que celles portant sur des produits mentionn�s � l’article L.5311-1 et figurant sur une liste fix�e par d�cret en Conseil d’Etat, lorsque tous les actes sont pratiqu�s et les produits utilis�s de mani�re habituelle ".
Or, force est de reconna�tre que le Code de la Sant�, tel que modifi� par les lois d’ao�t 2004 ne contient pas d’article L.5311-1 et qu’� ce jour, aucun d�cret de Conseil d’Etat n’est intervenu.
L’absence d’une exclusion claire des cosm�tiques du champ du nouveau dispositif soumettant les �tudes � une autorisation, laisse a priori songeur sur le sort des �tudes sur les cosm�tiques. D’autant plus que les notions de " soins courants ", ou " d’actes pratiqu�s de mani�re habituelle " ne sont pas d�finis.
Bref, � ce stade, si tout laisse � penser que l’article L.1211-1 exclut les recherches sur les cosm�tiques du nouveau dispositif, rien ne permet pourtant de l’affirmer.
Il convient en fait de se r�f�rer au chapitre consacr� aux cosm�tiques (article L5131-1 et suivants, tels que modifi�s), pour trouver une r�ponse claire.
L’article L.5131-1, qui d�finit les produits cosm�tiques " toute substance ou pr�paration destin�e � �tre mise en contact avec les diverses parties superficielles du corps humain ", demeure inchang�.
L’article L.5131-4 du sur les produits cosm�tiques demeure �galement inchang�. Il dispose que " Les produits cosm�tiques mis sur le march� ne doivent pas nuire � la sant� humaine lorsqu’ils sont appliqu�s dans les conditions normales ou raisonnablement pr�visibles d’utilisation compte-tenu, notamment de la pr�sentation du produit, des mentions port�es sur l’�tiquetage ainsi que de toutes autres informations destin�es aux consommateurs. "
L’article L 5131-5 est lui modifi� par la loi n°2004-806 du 9 ao�t 2004-art.148III Journal Officiel du 11 ao�t 2004). Il dispose que
" la fabrication des produits cosm�tiques doit �tre r�alis�e en conformit� avec les bonnes pratiques de fabrication dont les principes par arr�t� des ministres charg�s de l’artisanat, de la consommation, de l’industrie et de la sant� pris sur proposition de l’Agence fran�aise de s�curit� sanitaire des produits de sant� ".
Il pr�cise surtout que " l’�valuation de s�curit� pour la sant� humaine de ces produits doit �tre ex�cut�e en conformit� avec les bonnes pratiques de laboratoire dont les principes sont d�finis dans les m�mes conditions (c’est � dire par arr�t� des ministres charg�s de l’artisanat, de la consommation, de l’industrie pris sur proposition de l’AFSSAPS).
Il souligne par ailleurs que " les r�gles g�n�rales relatives aux modalit�s d’inspection et de v�rification des bonnes pratiques de laboratoire pour les produits cosm�tiques ainsi qu’� la d�livrance de documents attestant de leur respect sont d�finies par arr�t� des ministres charg�s de la consommation et de la sant�, pris (l� encore) sur proposition de l’Agence fran�aise de s�curit� sanitaire des produits de sant�. ".
Les dol�ances des s�nateurs sur le risque de voir l’industrie cosm�tique fran�aise p�nalis�e par rapport � ses homologues europ�ens ont donc �t� entendues. La seule obligation concernant les �tudes de s�curit� des cosm�tiques consiste pour les industriels des cosm�tiques d’�valuer leur s�curit� en conformit� avec les bonnes pratiques de laboratoire dont les principes sont d�finis dans les m�mes conditions (c’est � dire par arr�t� des ministres charg�s de l’artisanat, de la consommation, de l’industrie pris sur proposition de l’AFSSAPS).
A ma connaissance, aucun arr�t� n’a pour le moment �t� d�livr� afin de d�finir les " bonnes pratiques de laboratoire ".
En tout �tat de cause, c’est donc � un r�gime tr�s peu contraignant que sont soumis les industriels de cosm�tiques. Ce r�gime n’est ni d�claratif, ni m�me un r�gime d’autorisation. Il se fonde sur le syst�me existant d’autocontr�le des industriels, en renfor�ant cependant les pr�rogatives de l’AFSSAPS et en introduisant la notion de cosm�tovigilance.
2. LES AUTRES NOUVELLES DISPOSITIONS SUR LES COSMETIQUES
2.1 La mise sur le march� des cosm�tiques
Les indications devant figurer sur l’emballage
Le nouvel article L 5131-6 pr�cise par que le produit cosm�tique ne peut �tre mis sur le march� que si son r�cipient ou son emballage comporte le nom ou la raison sociale et l’adresse du fabricant ou du responsable de la mise sur march�, �tabli dans un Etat Membre de la Communaut� Europ�enne ou partie � l’accord sur l’Espace �conomique europ�en.
La mise � disposition d’un dossier sur le cosm�tique
Le fabricant ou son repr�sentant doit tenir � la disposition des autorit�s de contr�le (L’AFSSAPS), un dossier rassemblant toutes informations utiles au regard des dispositions des articles L..5131-4 et L.5131-5, notamment sur la formule qualitative et quantitative, les sp�cifications physico-chimiques et microbiologies, les conditions de fabrication et de contr�le, l’�valuation de la s�curit� pour la sant� humaine, les effets ind�sirables du produit.
Il convient de noter l’exclusion pour les parfums et compositions parfumantes de l’obligation d’indiquer dans le dossier la formule du produit.
La transmission d’informations aux centres anti-poison
Enfin, la mise sur le march� est �galement subordonn�e � la transmission aux centres antipoison d’informations ad�quates et suffisantes concernant les substances utilis�es dans le cosm�tique (Article L 5131-7). La liste des informations devant �tre transmise et la liste des centres anti-poison est fix�e par arr�t� minist�riel.
En conclusion, les cosm�tiques demeurent soumis � un simple auto-contr�le de la part des industriels, dans l’esprit de la directive de 2001, ce qui est �galement le cas des homologues de l’Union Europ�enne.
2.2 Cosm�tovigilance et bref rappel sur l’AFSSAPS
Le syst�me de cosm�to-vigilance
Le nouvel article L5131-9 introduit la notion de " cosm�to-vigilance ".
Tout professionnel de sant� ayant constat� un effet ind�sirable grave susceptible d’�tre d� � un cosm�tique doit en faire d�claration sans d�lai au directeur g�n�ral de l’AFSSAPS.
Par "effet ind�sirable grave", il faut entendre une r�action nocive et non recherch�e, se produisant dans les conditions normales d’emploi du cosm�tique et soit justifierait une hospitalisation, soit entra�nerait une incapacit� fonctionnelle permanente ou temporaire, une invalidit�, une mise en jeu du pronostic vital, un d�c�s ou une anomalie ou une malformation cong�nitale.
Le professionnel doit d�clarer en outre les effets ind�sirables qui, bien que ne r�pondant pas � cette d�finition, lui paraissent remplir un caract�re de gravit� justifiant une telle d�claration.
Enfin, les fabricants ou leurs repr�sentants sont tenus en cas de doute s�rieux sur l’innocuit� d’une ou plusieurs substances, de fournir au directeur de l’AFSSAPS la liste des cosm�tiques dans la composition desquels entrent une ou plusieurs substances d�sign�es par lui ainsi que la quantit� de ladite substance pr�sente dans le produit.
L’AFSSAPS prend toutes mesures pour prot�ger la confidentialit� des informations qui lui sont transmises.
Il convient de souligner que toutes les modalit�s d’application des r�gles �nonc�es ci-dessus (les r�gles relatives aux r�cipients et emballages, le contenu du dossier et les conditions de protection de confidentialit�, les r�gles relatives � la composition des produits, le contenu des informations demand�es) sont d�termin�es par d�cret en Conseil d’Etat, lesquels d�crets ne sont pas intervenus � ma connaissance.
En bref, la nouvelle loi conserve la notion d’autocontr�le des industriels, en renfor�ant toutefois le r�le et le contr�le de l’AFSSAPS et en introduisant la notion de cosm�tovigilance.
VOIR SUR LE SUJET L’ETUDE PLUS GENERALE de Madame Anna GRABINSKI
Doctorante, Centre de Recherches en Droit M�dical, Les principales modifications apport�es � la loi relative � la protection des personnes se pr�tant � des recherches biom�dicales par la loi relative � la politique de sant� publique.
site :www.droit.univ-paris5.fr/cddm/modules.php ?name=News&file;=print&sid;=52