1- LA LOI
La loi du n° 2000-230 du 13 mars 2000 (JO du 14 mars 2000 p. 3968) " portant adaptation du droit de la preuve aux technologies de l’information et relative � la signature �lectronique " pr�cise que toutes les signatures �lectroniques sont recevables en justice d�s lors qu’elles assurent, � l’aide d’un proc�d� fiable, l’identification du signataire et l’int�grit� de l’acte.
Ce texte avait, lors de son vote, laiss� les juristes sur leur faim dans la mesure o� ses dispositions essentielles, c’est � dire les conditions dans lesquelles la fiabilit� des proc�d�s d’identification garantissant le lien du signataire �lectronique avec son acte, devaient �tre d�finies par un d�cret en Conseil d’Etat.
Ce d�cret a �t� promulgu� un an plus tard, le 30 mars 2001 (JO n° 77 du 31 mars 2001 p. 5070), apr�s une tr�s large consultation r�alis�e notamment par la voie de l’Internet ; il d�finit, en harmonie avec les principes pos�s par la Directive n°99/93/CE du Parlement Europ�en du 13 d�cembre 1999, les conditions dans lesquelles la fiabilit� d’un proc�d� de signature �lectronique se trouve pr�sum�e.
Il faut rappeler que la loi du 13 mars 2000 avait r�alis�, d�s sa promulgation initiale, une v�ritable r�volution en venant consacrer, en conformit� avec les objectifs communautaires, l’�quivalence de " l’�crit �lectronique " et de l’�crit traditionnel.
Par le principe qu’elle pose, la loi du 13 mars 2000, dont les principales dispositions sont devenues l’article 1316 du Code Civil, nous rappelle, ce que les l�gislateurs pr�c�dents n’avaient jamais jug� utile de d�finir : la finalit� et le sens d’une signature, quelle qu’elle soit.
Entendue traditionnellement, une signature est un lien qui unit, par la voie de l’�crit fait � la main, le corps du signataire avec l’�crit qu’il signe, �tabli par tout moyen graphique sur un support durable. Et elle ne fait pas autre chose qu’�tablir et donner force au lien entre le signataire et le document sign�. Ce faisant, elle �tablit seulement l’existence du consentement du signataire, au moins au moment o� il signe ; la qualit� de la conservation du support de preuve d�pend des fabricants de papier et d’encre, et de l’ordre qui r�gne dans les dossiers des b�n�ficiaires du document sign�.
Le l�gislateur du 13 mars 2000 va plus loin ; il ne se contente pas de veiller � la garantie du lien entre l’�crit et l’homme, mais propose une finalit� nouvelle � la signature : garantir juridiquement l’int�grit� du document, non seulement au moment de l’�tablissement de celui-ci, mais aussi, et surtout, durant son existence.
En mati�re �lectronique, le probl�me est particuli�rement aigu puisque la num�risation des documents permet une reproduction parfaite de ceux-ci et de leurs accessoires ; personne, aucune machine ni aucun expert, ne peuvent, sauf pr�cis�ment � ce que soient mis en �uvre les proc�d�s recommand�s par la loi et le d�cret, distinguer l’original de la copie.
Le gouvernement ne devait pas s’enfermer dans l’�tat de la technique de l’�poque ; c’est la raison pour laquelle le d�cret se trouve con�u en termes suffisamment g�n�raux pour permettre une �volution technologique, mais suffisamment pr�cis pour que les dispositions qu’il pr�voit assurent une s�curit� effective.
Mais le texte ne se d�partit pas d’une d�marche jacobine, typiquement fran�aise : la cr�ation d’une autorit� centrale charg�e de contr�ler, r�guler et authentifier la d�marche des acteurs �conomiques. Le principe d’une telle autorit� avait d’ailleurs �t� recommand� par la directive europ�enne de 1993.
La loi reconna�t cependant la validit� de la signature �lectronique en l’absence de recours � une autorit� centrale puisqu’elle dispose que " l’�crit sous forme �lectronique est admis en preuve au m�me titre que l’�crit sur support papier sous r�serve que puisse �tre d�ment identifi�e la personne dont il �mane et qu’il soit �tabli et conserv� dans des conditions de nature � en garantir l’int�grit� ".
Mais les signataires �ventuellement en conflit sur un document �lectronique non certifi� suivant les prescriptions du d�cret pourront rester dans l’incertitude puisque le juge, qui r�gle comme autrefois les conflits de preuve litt�rale, se voit renforc� dans le pouvoir de d�terminer par tous moyens le titre le plus vraisemblable, quel qu’en soit le support. La question de la fiabilit� de la signature est donc centrale.
2 - LE DECRET
C’est pourquoi les r�dacteurs du d�cret du 30 mars, suivant sur ce point les recommandations de l’ensemble de la communaut� professionnelle, s’�taient donn� pour mission de mettre en place les r�gles relatives � la pr�somption de fiabilit� du proc�d� garantissant le lien entre l’auteur et l’acte.
C’est l’objet principal du d�cret.
Celui-ci pr�voit 2 types de dispositifs susceptibles d’agr�ment et donc pr�sum�s fiables :
ceux concernant la cr�ation des signatures �lectroniques
ceux relatifs � la v�rification des signatures �lectroniques
Enfin, et pour faire bonne mesure, le d�cret institue une nouvelle cat�gorie d’acteurs : les prestataires de service de certification �lectronique (d�j� commun�ment appel�s PSC).
S’agissant des dispositifs de cr�ation de signatures, les principales conditions pos�es sont classiques :
garantir, par les moyens techniques appropri�s, que les donn�es de cr�ation de la signature �lectronique ne peuvent �tre �tablies plus d’une fois et que leur confidentialit� est assur�e
certifier qu’ils ne peuvent �tre trouv�s par d�duction et ne peuvent �tre atteints par aucune falsification
garantir qu’ils peuvent �tre prot�g�s de mani�re satisfaisante contre toute utilisation par des tiers
et bien entendu, le proc�d� utilis� ne doit entra�ner aucune alt�ration du contenu de l’acte.
Enfin le dispositif doit �tre certifi� conforme par les services du Premier Ministre charg�s de la S�curit� des Syst�mes ou un organisme d�sign� � cet effet par un Etat membre de la Communaut� Europ�enne.
Les exigences sont comparables, en ce qui concerne les dispositifs de v�rification de signature �lectronique, il s’agira de la m�me fa�on de certifier le dispositif qui doit prot�ger la signature contre toute alt�ration.
3 - LES CERTIFICATS ELECTRONIQUES
Mais les dispositions les plus int�ressantes du d�cret concernent la cr�ation des certificats �lectroniques qui sont le moyen technique unique permettant, en pratique, l’utilisation efficace d’une signature �lectronique.
A ce jour, il n’a pas encore �t� imagin� d’autre moyen, pour �tablir avec certitude le lien entre le signataire �lectronique et l’acte qu’il signe, que le tiers de confiance.
En d’autres termes, l’encre et le papier, objets inertes mais encore aujourd’hui tr�s efficaces pour �tablir ce lien, m�me en cas de contestation, gr�ce aux graphologues, n’ont pas d’�quivalents �lectroniques.
La solution alternative a �t� trouv�e depuis longtemps par les chercheurs des Etats-Unis ; certaines soci�t�s am�ricaines fournissent depuis longtemps des certificats �lectroniques.
En pratique, ces proc�d�s permettent au signataire, au moyen d’une cl� priv�e qui lui est d�livr�e par le tiers certificateur, d’�tablir, suivant un proc�d� � la port�e d’un utilisateur moyen d’ordinateur, un lien entre l’acte qu’il r�alise et cette cl� ; la personne qui va prendre connaissance de l’acte pourra s’assurer, en interrogeant la cl� publique du signataire d�tenue par la soci�t� de certification, que ce dernier n’a pas r�voqu� son certificat (ce qui signifiera qu’il le lien �tabli entre ce dernier et l’acte est maintenu, et que, malgr� le voyage du document �lectronique, ou sa conservation, l’acte n’a pas �t� modifi�, touch�, alt�r� ou falsifi� depuis sa cr�ation).
L’objet du d�cret est de d�finir les qualit�s objectives qui doivent �tre celles des soci�t�s de certification pour que les actes soient pr�sum�s probants en France.
Il s’agira pour ces soci�t�s de faire la preuve de la s�curit� de leur fonctionnement, d’utiliser, �videmment, les proc�d�s de cr�ation et de v�rification de signature pr�vus par le d�cret, de justifier des conditions dans lesquelles vont �tre conserv�es les informations relatives aux certificats, pour que la preuve en justice puisse �tre faite suivant des moyens indiscutables et, surtout, de " v�rifier d’une part l’identit� de la personne � laquelle un certificat �lectronique est d�livr� en exigeant d’elle la pr�sentation d’un document officiel d’identit�, d’autre part la qualit� dont cette personne se pr�vaut, et conserver les caract�ristiques et r�f�rences et documents pr�sent�s pour justifier de cette identit� et de cette qualit� ".
En d’autres termes la qualit� d’un certificat d�pendra des moyens mis en �uvre par son fournisseur pour s’assurer des caract�ristiques de son titulaire et conserver la preuve de cette v�rification.
C’est dans ce cadre juridique que s’inscrit aujourd’hui l’activit� de l’avocat ; il lui appartient de le conna�tre parfaitement, aussi bien dans l’exercice juridique de sa profession - le maniement et l’appr�ciation de la qualit� des moyens de preuve �tant au centre de l’activit� juridique dans tous les domaines du droit - que dans l’exercice mat�riel des ses activit�s : l’avocat qui communique avec le monde ext�rieur par les nouveaux moyens de la technique doit en effet bien conna�tre leurs avantages, limites, dangers et sup�riorit�s respectifs.