Personne ne nie que notre profession a subi et subit encore une �volution.
Rien de plus normal.
Ce qui m’inqui�te, c’est que nous ne ma�trisons plus du tout cette �volution.
Cela se ressent au quotidien, les in�galit�s entre avocats s’aggravent, l’inqui�tude quant � l’avenir de notre m�tier, toutes cat�gories confondues, devient de plus en plus palpable...
Nous sommes oblig�s, je dis bien oblig�s, d’enrayer cette fuite en avant qui risque, � terme, d’an�antir notre coh�sion, d�j� mise � mal.
Les rem�des miracles n’existant pas, trouver les solutions adapt�es ne d�pend que de nous, de notre volont� commune.
Il faudra commencer par changer de discours, par affronter les r�alit�s, se dire les v�rit�s en face et surtout trouver rapidement des r�ponses � court et � long terme.
Ce que je vais �crire maintenant est mon approche de tous ces probl�mes. Ce
n’est pas nouveau. Je n’ai pas la pr�tention d’avoir raison sur tous les points. Ce que je veux c’est un d�bat. Ouvert et accessible � tous.
LES DISCOURS
Je suis un avocat qui travaille seul. Dans des conditions difficiles comme beaucoup d’entre vous. Je connais personnellement les difficult�s du quotidien.
Les in�galit�s sont de plus en plus grandes. Je peux l’accepter. Je pratique une profession lib�rale avec ses avantages et ses inconv�nients. Ce que je n’accepte pas c’est le discours qui implique, malgr� le ton rassurant, que rien ne sera fait pour essayer, ne serait-ce qu’un peu, pour instaurer une politique en faveur des plus d�munis.
Un des exemples le plus frappant concerne les cotisations CNBF et � l’Ordre.
Chaque fois que je soul�ve le probl�me de la cotisation forfaitaire pour la retraite CNBF - qui constitue, proportionnellement, une charge financi�re infiniment sup�rieure pour une petite structure par rapport � une grande - on me r�pond, et il suffit pour cela de lire le Bulletin de la CNBF, que c’est pour le bien de tous, que c’est la manifestation la plus �clatante de la solidarit� entre avocats... Voil� le discours officiel.
Devant ma perplexit�, cela ne collant pas avec ma th�orie du bon sens, on m’explique gentiment que, gr�ce � cette cotisation forfaitaire, on permet � un avocat comme moi d’avoir une retraite de base �gale � un avocat dont les revenus professionnels �taient infiniment sup�rieurs aux miens.
Bref on me rend service.
Vraiment ? Un avocat qui a b�n�fici� durant toute sa vie professionnelle d’une grande r�ussite financi�re (et tant mieux pour lui, je le dis sans ironie), a d’abord acquis des biens, a eu la possibilit� de financer une retraite compl�mentaire, et surtout il va vendre tr�s cher sa client�le.
L’in�galit� subsistera, s’accentuera m�me, au moment de la retraite. Si retraite il y a. Car si un Cabinet dispara�t avant d’avoir pu cotiser pendant 15 ans, adieu la retraite.
Vous ne croyez pas qu’il faut en d�battre, pour �viter les faillites aujourd’hui, au lieu de me tenir un discours o� j’ai l’impression que je suis pris pour un imb�cile ?
M�me chose pour les cotisations � l’Ordre. 80% du montant de la cotisation sont dus au co�t des assurances. Qui ont consid�rablement augment�.
Hypoth�se
Un Cabinet X gagne un proc�s contre un Cabinet Y. Chacun repr�sente une multinationale, avec les honoraires qui vont avec. Le litige porte sur des dizaines de millions d’Euros. Le Cabinet X signifie le jugement au Cabinet y. Ce dernier ne fait pas appel. Jugement devenu d�finitif donc ex�cutoire. Oui mais il ne peut pas �tre ex�cut�, car le Cabinet X a oubli� de signifier d’Avocat � Avocat.
Disons que c’�tait une simple n�gligence. Tant pis. Ce seront les assurances qui paieront. Du coup le client de la partie perdante aura fait une �conomie substantielle.
En revanche, les primes d’assurance vont doubler. Pour toute la profession. Je me sens, � ce moment, extr�mement fier, comme vous tous je le suppose, d’exprimer financi�rement ma solidarit�.
Simple fiction ?
En tout cas, je me sens tr�s valoris� en prenant le m�tro, de payer, au nom de l’�galit�, la m�me prime d’assurance que celui qui roule en Rolls avec chauffeur.
Commen�ons par changer le discours.
Au moment o� nous n’aurons plus le sentiment qu’on nous prend pour des d�ficients mentaux pr�ts � tout croire, nous pourrons reprendre confiance et accepter l’id�e que l’�galit� financi�re n’est pas un droit. En revanche, on doit tout faire pour ne pas accro�tre l’in�galit� pour des raisons purement �go�stes en l’enrobant de bons sentiments.
Et pour cela le concept de solidarit� doit jouer en sens inverse.
LES REALITES
Je tirais d�j� le signal d’alarme il y a cinq ans quant � l’avenir de notre m�tier.
L’�volution est indispensable, la fuite en avant destructrice.
J’�tais le seul, je dis bien le seul, � �crire que l’augmentation du nombre des �l�ves avocats m�nerait � une impasse. A l’�poque on faisait face � une r�alit� tr�s ponctuelle. Les grosses structures anglo-saxonnes embauchaient beaucoup. Ils avaient besoin de collaborateurs hautement qualifi�s, plus faciles � s�lectionner parmi 1500 �l�ves avocats que parmi 500. Ce fut une des raisons - pas la seule - de l’augmentation du nombre d’�l�ves EFB.
Mais embaucher 200 collaborateurs par an dans ces Cabinets, n’�tait-ce pas l’arbre qui cache la for�t ?
Lorsque je posais la question "que ferez-vous des autres ? Que se passera-t-il lorsque les grosses structures n’embaucheront plus ?" je passais, dans le meilleur des cas, pour un pessimiste.
Au cours de cette derni�re ann�e, 500 avocats ont �t� licenci�s par ces m�mes Cabinets.
Avais-je si tort que cela ?
Suis-je un pass�iste lorsque je r�clame un d�bat sur le numerus clausus ?
De plus, suis-je totalement hors sujet si je propose, depuis longtemps d�j�, l’instauration d’une tarification avec des bar�mes planchers ?
Nous sommes tous confront�s � l’heure actuelle � un dumping effarant des prix de nos prestations dont les petites et moyennes structures sont les premi�res victimes.
Il n’est pas question ici de jeter la pierre � ceux qui pratiquent ce dumping. Souvent sans collaboration, �cras�s par les charges, certains de nos confr�res acceptent tout ce qui se pr�sente. A n’importe quelle condition.
L’instauration d’un bar�me ad minima permettrait � tous de sortir de cette impasse.
La grande majorit� de ceux qui pratiquent des prix excessivement bas auront la possibilit� d’augmenter et d’imposer leur tarif en expliquant � leur client�le qu’il s’agit d’une obligation d�ontologique � laquelle on ne peut pas d�roger.
Cette solution n’est pas garantie � 100 %. Mais je crois que nous avons le devoir de l’essayer.
Ne serait-ce que pour emp�cher certains " institutionnels " de dicter leurs conditions.
LE ROLE DU CONSEIL
Il est tr�s important. Bien s�r, il ne peut r�soudre tous les probl�mes � lui seul. Il y a des lois, des d�crets, etc. Mais lorsqu’il veut mettre tout son poids dans les n�gociations avec les pouvoirs publics, sa force est consid�rable.
Un exemple.
La fusion avec les Experts-Comptables. Par sa structure actuelle, la majorit� du Conseil y �tait totalement hostile, et tant mieux. Alors que la loi �tait pr�te, la promesse gouvernementale faite aux Experts-Comptables sans ambigu�t�, l’Ordre a r�ussi avec beaucoup de volont� et de fermet� � faire plier le Gouvernement lorsque celui-ci avait une position totalement diff�rente.
Par contre, sur d’autres aspects de la politique judiciaire du Gouvernement, qui n’int�ressaient peut-�tre pas la majorit� des membres du Conseil, son r�le d’infl�chissement de cette politique a �t� beaucoup plus r�duit.
Ce que je regrette, c’est que l’effort de certains membres du Conseil, notamment en ce qui concerne la loi Perben II, n’est pas connu de la majorit� des Avocats.
Heureusement, certaines associations ont pris le relais. Sans oublier le r�le individuel de certains membres du Conseil.
Sans le courage et l’opini�tret� de quelques-uns des membres actuels, Nicole Milhaud en t�te, le syst�me actuel des permanences p�nales aurait disparu.
C’est pour cela que, bien que je trouve leur position l�gitime en termes de d�bat, je ne suis pas d’accord avec ceux qui soutiennent que l’Ordre ne sert � rien.
En revanche, ce que je reproche au Conseil, c’est de repr�senter plus les int�r�ts cat�goriels que l’int�r�t de la profession dans son ensemble.
C’est plus un constat qu’une critique.
La majorit� des membres du Conseil repr�sentant plus une certaine cat�gorie d’Avocats que d’autres, en termes de d�mocratie, on ne peut pas contester leur l�gitimit� � mener une politique proche de leurs p�les d’int�r�ts.
Mais tout aussi d�mocratiquement, je peux la contester et la consid�rer suicidaire � long terme.
Peut-on y rem�dier ?
Rien n’est plus facile que de promettre. Rien n’est plus difficile que de tenir ses promesses.
En premier lieu, un d�but de solution est de votre ressort. Dans le choix du futur B�tonnier d’abord ; dans celui des membres du Conseil ensuite.
D�terminez-vous en fonction de leur programme. Ce ne sont pas des paroles �lectoralistes. Celui qui sera choisi mettra tout en �uvre pour respecter ses promesses.
Certaines seront tenues plus que d’autres, composition future du Conseil oblige.
Le choix des Membres du Conseil n’est donc pas neutre, et il vous appartient.
La diversit� de la repr�sentation existe. Seulement si le choix final doit se faire uniquement en fonction des moyens de campagne, m�me si les �lus sont comp�tents dans leurs domaines, il n’y aura aucun changement notable. Et quand il sera trop tard... il sera trop tard.
Bien entendu, je demande votre soutien et j’esp�re de tout mon c�ur l’obtenir.