I - Qualifier l’oeuvre multim�dia
S’interroger sur la qualification d’une �uvre, c’est se poser la question du r�gime applicable. En effet, il d�coule de la qualification retenue. Cependant il convient de rappeler que le juge n’est pas li� par la qualification donn�e par les parties et qu’il peut � tout moment proc�der � une requalification.
Il s’agit de savoir si l’�uvre multim�dia, prot�g�e par le droit commun, doit faire l’objet d’un r�gime d�rogatoire, �tre r�gie par les dispositions sp�ciales du droit d’auteur si elle r�pond aux d�finitions pos�es par le l�gislateur � propos de cr�ations pr�existantes aux termes de l’article L112-2 du CPI ou bien faire l’objet d’une qualification distributive.
Il est alors n�cessaire de proc�der � une comparaison avec les cat�gories pr�existantes, que sont l’�uvre audiovisuelle, le logiciel ou la base de donn�es, fond�es sur la nature de la cr�ation ou des �l�ments de leur processus d’�laboration afin de savoir si les r�gles d�rogatoires du droit d’auteur s’appliquent aux �uvres multim�dias ou si au contraire de nouvelles r�gles doivent �tre �labor�es.
La comparaison va porter sur les points suivants : l’acc�s des �uvres � la protection ; la qualit� de l’auteur ; la titularit� des droits voisins ; l’existence et la port�e d’un droit moral ; le statut de la copie priv�e.
On sait qu’acc�dent � la protection, selon le droit commun, toutes cr�ations de forme originale. Il convient � cette occasion de proc�der � une recherche subjective dont la seule limite est l’interdiction de prendre en compte le m�rite selon les dispositions de l’article L112-1 du CPI. En effet, cet article pr�cise que la protection s’applique � toute �uvre de l’esprit quels qu’en soient le genre, la forme d’expression, le support ou le mode de diffusion. L’�uvre, reconnue par le code ou par le juge, originale, fait b�n�ficier son auteur de droits sur celle-ci et notamment d’un droit exclusif d’exploitation. Il s’agit de droits patrimoniaux, tels que le droit de reproduction et le droit de repr�sentation, mais aussi d’un droit moral visant � prot�ger la part de personnalit� de l’auteur contenu dans son �uvre.
Il s’agit d’envisager tout d’abord si l’�uvre multim�dia peut entrer dans une classification pr�existante fond�e sur la nature de la cr�ation et b�n�ficier du r�gime sp�cifique qui en d�coule comme pour les logiciels, les bases de donn�es ou encore les �uvres audiovisuelles (A) ou/et si elle appartient � une cat�gorie plut�t fond�e sur le processus de r�alisation de la cr�ation (B). Le projet de loi n°1206 relatif au droit d’auteur et aux droits voisins dans la soci�t� de l’information, d�pos� le 12 novembre 2003, transposant la directive europ�enne 2001/29/CE du Parlement europ�en et du Conseil du 22 mai 2001 sur l’harmonisation de certains aspects du droit d’auteur et des droits voisins dans la soci�t� de l’information apporte t’il des solutions satisfaisantes ? (C).
A. Qualification par le contenu de l’�uvre
Il s’agit de savoir si l’�uvre multim�dia s’apparente aux logiciels (1), aux bases de donn�es (2) ou enfin aux �uvres audiovisuelles (3).
1.�uvre multim�dia et �uvre logicielle
La cr�ation multim�dia implique n�cessairement la pr�sence de logiciel. En effet, qu’il s’agisse de cr�er ou d’utiliser l’�uvre multim�dia, le logiciel est indispensable. Il permet l’acc�s, l’utilisation mais aussi l’exploitation de la cr�ation. On peut affirmer que sans logiciel, il n’y a pas d’�uvre multim�dia.
Il convient de rappeler qu’une �uvre multim�dia est constitu�e d’un programme de navigation et de contenus, soit d’un logiciel et de contenus.
Un logiciel de num�risation permet ainsi de transformer des �l�ments pr�existants, composants de l’�uvre, en langage binaire, pour �tre int�gr�s sur un support num�rique. Il est aussi n�cessaire pour acc�der � l’�uvre multim�dia elle-m�me. L’utilisateur ne pourra lire les donn�es num�ris�es qu’� l’aide d’un logiciel. Si l’�uvre est interactive, cela implique forc�ment une assistance logicielle. Mais le logiciel peut aussi servir � d’aide � la cr�ation elle-m�me. Il s’agit alors d’�uvres r�alis�es � l’aide de l’ordinateur, appel�es "cr�ations assist�es par ordinateur".
Faut-il alors proc�der dans le cadre des �uvres complexes que sont les �uvres multim�dia � l’application distributive de r�gles distinctes et donc appliquer le r�gime propre aux logiciels pour le composant logiciel de l’�uvre et le droit commun pour les autres, ou les r�gles d�rogatoires s’y rattachant ?
Le logiciel est d�fini par un arr�t� du 22 d�cembre 1981 relatif � l’enrichissement du vocabulaire informatique "un ensemble des programmes, proc�d�s et r�gles et �ventuellement de la documentation, relatifs au fonctionnement d’un ensemble de traitement de donn�es". Sont ainsi concern�es toutes les formes programm�es originales mais non celles ex�cut�es telles que les effets audiovisuels.
Un logiciel est une �uvre "polymorphe" dont tous les �l�ments sont r�duits � une s�rie d’instructions.
Le cr�ateur est la personne physique qui intervient de fa�on originale dans l’univers des formes. Il a �t� jug� dans un arr�t rendu le 7 mars 1986 par la Cour de Cassation qu’il fallait prendre en compte pour appr�cier l’originalit� d’un logiciel, "la trace d’un effort personnalis� allant au-del� de la simple mise en �uvre d’une logique automatique et contraignante". La solution propos�e par la Haute juridiction rev�t un caract�re objectif, rappelant plus la propri�t� industrielle que le droit d’auteur. Cependant de nombreuses d�cisions rendues depuis ont rappel� que le crit�re d’originalit� ne se confondait pas avec la nouveaut�.
La qualit� d’auteur est reconnue � une personne physique mais pas aux personnes morales qui sont donc exclues de la titularit� des �uvres logicielles. Exig�e, la contribution formelle originale de l’auteur permet d’exclure de la qualit� d’auteur les techniciens. En mati�re de logiciels, il convient de se reporter aux dispositions de l’article L113-1 du CPI qui attribue la titularit� du droit d’auteur au cr�ateur, "� celui sous le nom de qui l’�uvre est divulgu�e". Est donc titulaire du droit d’auteur le cr�ateur. Cependant si des salari�s ont cr��, r�alis� le logiciel dans l’exercice de leur fonction ou suivant les instructions de leur employeur, il convient d’appliquer la solution pr�vue � l’article L113-9 du CPI,"les droits patrimoniaux sont alors d�volus � l’employeur qui est seul habilit� � les exercer".
Selon les dispositions des articles L122-5-2° et L122-6-1-II du CPI, la copie priv�e, exception au monopole du titulaire de droit, est interdite, seule la sauvegarde �tant autoris�e. La r�mun�ration en cas de cession par l’auteur de ses droits sur son �uvre peut faire l’objet d’un forfait. Elle n’est pas n�cessairement proportionnelle aux recettes provenant de la vente ou de l’exploitation, d’apr�s les dispositions de l’article L131-4-5° du CPI. Le droit moral conf�r� � l’auteur de logiciel est faible. En effet, l’article L121-7 du CPI pr�voit deux restrictions � ses pr�rogatives de droit moral. Le droit � l’int�grit� et au respect de l’�uvre, ainsi que le droit de repentir ou de retrait, sont r�duits.
La qualification de logiciel est avantageuse pour les investisseurs en raison de la logique �conomique du r�gime mis en place par le l�gislateur en 1994. Cependant, elle comporte des inconv�nients r�els notamment la faiblesse du droit moral du cr�ateur de logiciel.
M�me si le logiciel conditionne l’existence de la cr�ation multim�dia, cela n’implique pas n�cessairement une interd�pendance des deux. On ne peut que constater l’autonomie de l’�uvre par rapport au logiciel. L’ordinateur n’est qu’un outil pour l’artiste, un instrument qui lui permet de r�aliser son chef-�uvre. Il ne faut pas confondre l’outil avec le r�sultat qu’il permet d’obtenir : l’�uvre multim�dia. Elle est parfaitement automone par rapport au logiciel qui a permis son �laboration. Si le logiciel est intervenu activement et non plus en tant que simple outil lors de la r�alisation de la cr�ation, il existe alors un lien �troit entre l’�uvre et le logiciel dont elle est issue.
L’�uvre multim�dia doit-elle pour autant s’habiller de la qualification juridique de logiciel ?
L’�uvre multim�dia est-elle seulement un logiciel ?
Doit-on consid�rer qu’il existe une similitude de r�gime parce qu’ils ont tous deux une forme num�rique, qu’ils sont tous deux compos�s d’�l�m�nts de nature vari�e ? Il semble falloir r�pondre par la n�gative. En effet, l’�uvre multim�dia ne peut �tre ramen�e � un ou plusieurs logiciels. Dans un jugement rendu, le 26 novembre 1997, le Tribunal de Grande instance de Nanterre ne retient pas la qualification d’�uvre logicielle pour une cr�ation multim�dia parce qu’elle la consid�re trop r�ductrice et d�cide que "le logiciel, condition de l’interactivit�, est un �l�ment n�cessaire mais non suffisant du produit multim�dia".
�tendre la qualification d’�uvre logicielle aux contenus de l’�uvre multim�dia en pr�textant que ces derniers sont stock�s sous une forme num�rique, cela reviendrait � confondre la nature de l’�uvre et son support.
Une r�serve est � �mettre quant aux cr�ations assist�es par ordinateur o� le logiciel tient une place importante.
Sera alors mise en �uvre une application distributive des r�gimes de protection. La forme programm�e incorpor�e � l’�uvre multim�dia sera prot�g�e par le r�gime sp�cifique des logiciels.
2. �uvre multim�dia et base de donn�es
Une �uvre multim�dia ne serait-elle en fait qu’une base de donn�es ? Pour apporter une r�ponse valable, il convient de pr�ciser ce qu’on entend par "base de donn�es" ainsi que la protection juridique dont elle b�neficie.
Depuis la loi du 1er juillet 1998, transposition de la directive europ�enne du 11 mars 1996 relative � la protection juridique des bases de donn�es, la base de donn�es est d�finie � l’article L112-3 alin�a 2 du CPI. Il s’agit "d’un recueil d’�uvres, de donn�es ou d’autres �l�ments ind�pendants, dispos�s de mani�re syst�matique ou m�thodique, et individuellement accessibles par des moyens �lectroniques ou par tout autre moyen". Pour autant cela ne signifie pas que tout stockage num�rique constitue une base de donn�es.
Il appartient alors aux juges dans une appr�ciation subjective d’admettre l’originalit� de ce floril�ge d’informations. Si est reconnue originale la base de donn�es, son auteur b�n�fiera d’un droit d’exploitation exclusif.
La directive de 1996 innove. En effet, elle consacre la protection des bases de donn�es dans une acceptation large et cr�e un droit propre, sui generis, � la protection des investissements des bases non originales. Il convient de rappeler qu’auparavant, en ce qui concerne le droit d’auteur, la base de donn�es �tait r�gie par le droit commun des �uvres d�riv�es.
Qui est � l’origine de la cr�ation de la base de donn�e ?
Qui a la qualit� d’auteur et est titulaire du droit d’auteur ?
Est un producteur de bases de donn�es, toute personne physique ou morale " qui prend l’initiative et le risque des investissements correspondants, laquelle b�n�ficie d’une protection du contenu de la base lorsque la constitution, la v�rification ou la pr�sentation de celle-ci atteste d’investissements financiers, mat�riels ou humains substantiels ". La protection par le droit sui generis est acquise sur des crit�res essentiellement �conomiques, tels que les investissements substantiels, les frais engag�s par le producteur.
La distinction fondamentale entre le r�gime du droit d’auteur et le r�gime du producteur est que pour le premier, c’est la structure m�me de la base de donn�es qui fait l’objet d’une protection sous r�serve de son originalit�, alors que pour le second, c’est le contenu qui fait l’objet d’une protection.
En effet, le l�gislateur a voulu r�compenser l’effort de collecte de donn�es brutes qui est mis en �uvre par le producteur de base de donn�es et non son apport cr�atif.
Le r�gime de la base de donn�es est avantageux en ce qu’il interdit l’accomplissement d’actes qui auparavant pouvaient �tre librement r�alis�s par l’utilisateur.
En effet, le droit sui generis, notamment codifi� � l’article L122-5 du CPI, permet � son titulaire, le producteur de la base de donn�es, d’interdire l’extraction, par transfert permanent ou temporaire de la totalit� ou d’une partie substantielle du contenu d’une base de donn�es sur un autre support, par tout moyen et sous toute forme que ce soit. Il peut �galement emp�cher que soit r�utilis�e la totalit� ou une partie du contenu de la base, par sa mise � la disposition du public.
Sont donc prohib�es l’extraction de donn�es figurant dans un recueil non original et non prot�g�es elles-m�mes par le droit d’auteur ainsi que la copie priv�e de la structure d’une base �lectronique. Ces exceptions ont �t� instaur�es non pas dans un souci de protection d’une cr�ation intellectuelle mais afin de pr�server l’investissement repr�sent� par la constitution de la base. Il s’agit donc de prot�ger le producteur d’une base de donn�es contre l’appropriation des r�sultats obtenus de son investissement financier et professionnel.
L’�uvre multim�dia peut-elle �tre assimil�e � une base de donn�es et ainsi b�n�ficier de son r�gime sp�cifique ?
De nombreux auteurs se rattachent � cette id�e. Certaines �uvres multim�dias ne sont-elles pas compos�es par une multitude de donn�es h�t�rog�nes ? Certaines ne sont-elles pas seulement une compilation d’�l�ments de nature diff�rente ?
La d�finition donn�e par la directive de 1996 et depuis reprise dans le Code de la propri�t� intellectuelle repose sur une approche technique et descriptive, ce qui est � prendre en compte c’est que les donn�es doivent �tre ind�pendantes, arrang�es m�thodiquement et individuellement accessibles. En effet, est pr�vu que "le terme de base de donn�es doit �tre compris comme s’appliquant � tout recueil d’�uvres litt�raires, artistiques, musicales ou autres ou de mati�re tels que textes, sons, images, chiffres, faits et donn�es ; qu’il doit s’agir de recueils d’�uvres, de donn�es ou d’autres �l�ments ind�pendants, dispos�s de mani�re syst�matique ou m�thodique et individuellement accessible ; qu’il s’ensuit qu’une fixation d’une �uvre audiovisuelle, cin�matographique, litt�raire ou musicale en tant que telle n’entre pas dans le champ d’application de la pr�sente directive". Certains ont alors estim� que cette d�finition pouvait s’appliquer � de nombreuses �uvres multim�dias, qui ne sont en fait que des assemblages, des compilations de donn�es informationnelles stock�es sur support num�rique, dont l’acc�s s’effectue au moyen d’un ordinateur ( off line ) ou par une connexion sur un r�seau ( on line ), sans oublier la pr�sence d’un logiciel pour l’interactivit�. Toutefois, il n’est pas possible d’affirmer que tout stockage num�rique constitue une base de donn�es. L’�uvre multim�dia m�me si elle est compos�e par un "patchwork" de donn�es ne peut �tre r�duite � une simple compilation. Toute �uvre multim�dia ne peut rev�tir la qualification de base de donn�es. Cette derni�re ne serait correcte que pour certains produits multim�dia. Mais elle est loin de faire l’unanimit�.
3. �uvre multim�dia et �uvre audiovisuelle
L’article L112-2-6° du CPI propose une d�finition des �uvres audiovisuelles. Est une �uvre audiovisuelle, celle qui est compos�e de "s�quences anim�es d’images sonoris�es ou non". Il convient de rappeler ce qu’on entend par "s�quence". Il s’agit d’une suite de plan formant un sous-ensemble lorsqu’on analyse la confection d’un film. Quant au terme d’"animation", il faut entendre "l’art de mettre en mouvement l’immobile, de cr�er le mouvement par juxtaposition d’images, d’objets ou de photographies, repr�sentant les phases successives d’un m�me mouvement". Une suite d’images immobiles ne constitue pas une �uvre audiovisuelle, le crit�re d’animation faisant d�faut.
L’article L113-7 du CPI pr�voit qu’"ont la qualit� d’auteur d’une �uvre audiovisuelle le ou les personnes physiques qui r�alisent la cr�ation intellectuelle de cette �uvre" et pr�cise la liste des coauteurs pr�sum�s : sc�nariste, auteur de l’�ventuelle adaptation, dialoguiste, compositeur de musique originale, r�alisateur. Cet article pose donc une pr�somption des auteurs sauf preuve contraire. En effet, l’�uvre audiovisuelle est une �uvre de collaboration c’est-�-dire que plusieurs auteurs ont particip�, concouru � sa cr�ation.L’�uvre est donc la propri�t� commune de ces coauteurs qui exercent leurs droits d’un commun accord. Aucune exploitation, utilisation ne pourra se faire sans l’accord de chacun. N�anmoins, la loi Lang de 1985 a reconnu un droit de propri�t� nouveau au producteur, mais il ne s’agit pas � proprement parl� d’un droit d’auteur. Afin de faciliter l’exploitation de l’�uvre tout en respectant les droits des cr�ateurs, la loi a institu� une pr�somption de cession au profit du producteur � l’article L132-24 du CPI des droits exclusifs d’exploitation de l’�uvre audiovisuelle, � l’exception des droits musicaux.
Le r�gime diff�re aux Etats-Unis o� celui qui d�tient tous les droits sur l’�uvre est le producteur. Les autres personnes ayant particip� � la r�alisation ne sont que de simples techniciens.
Le r�gime dont b�n�ficie, sur notre territoire, l’�uvre audiovisuelle offre un �quilibre certain entre le respect des droits des cr�ateurs et l’importance des enjeux �conomiques. Cela explique les raisons pour lesquelles certains producteurs recherchent la qualification d’�uvre audiovisuelle.
L’�uvre multim�dia n’est-elle pas constitu�e de la "r�union sur un m�me support num�rique d’�l�ments de genres diff�rents et notamment de sons, de textes, d’images" ?
Des �l�ments caract�risant l’�uvre audiovisuelle ne se retrouvent-ils pas dans cette d�finition ?
De nombreux auteurs se sont prononc�s dans ce sens, notamment A. Latreille. Le crit�re fondamental sur lequel repose leurs argumentations est l’animation. Sont mis en avant les similitudes techniques entre les deux �uvres tant au niveau de la cr�ation que de l’�laboration. Cependant la qualification d’�uvre audiovisuelle ne fait pas l’unanimit� en doctrine.
En effet, d’autres la r�cusent et parmi eux P-Y. Gautier et X. Linant de Bellefonds. Ce dernier estime que la d�finition propos�e par le l�gislateur en 1985 et depuis codifi�e ne concerne que "les formes d’expression dans lesquelles l’information est fix�e dans un support impliquant un d�roulement lin�aire des images et des sons". Ils estiment que l’�uvre multim�dia n’est pas forc�ment lin�aire. En effet, il convient de prendre en compte la caract�ristique essentielle de l’�uvre multim�dia, l’interactivit� qu’on ne retrouve pas dans l’�uvre audiovisuelle. Ce courant � la faveur des juges du fond. En effet, � plusieurs reprises f�t d�ni�e la qualification d’�uvre audiovisuelle � des �uvres multim�dias. La Cour de cassation a r�cemment tranch� en refusant d’assimiler un CD-rom culturel, �uvre multim�dia, � une �uvre audiovisuelle dans un arr�t rendu le 28 janvier 2003. L’absence de d�filement lin�aire des s�quences, la modification possible par la main de l’utilisateur de l’ordre des s�quences ainsi que la succession de s�quences fixes pouvant contenir des images anim�es sont autant d’�l�ments impropres pour retenir la qualification d’�uvre audiovisuelle.
"L’interactivit� chasse d�sormais l’�uvre audiovisuelle" selon l’espression de C. Caron.
L’�uvre multim�dia ne peut recevoir la qualification d’�uvre audiovisuelle et donc ne peut b�n�ficier de son r�gime d�rogatoire. Elle ne s’apparente pas non plus � un logiciel m�me si ce dernier est essentiel � son fonctionnement. Certains auteurs se prononcent en faveur d’une assimilation � la qualification de base de donn�es, mais encore une fois, cette tendance est loin de faire l’unanimit�.
Il semble bien difficile de trouver une qualification unitaire d�s lors qu’il s’agit d’envisager des cat�gories selon la nature de la cr�ation. Faut-il pr�coniser une qualification distributive de l’�uvre multim�dia ? Qu’en est-il du processus de r�alisation des �uvres multim�dias ? Peut-on envisager une qualification valable en relation avec le processus de r�alisation de l’�uvre ? En r�alit�, la vraie question est : l’�uvre multim�dia peut-elle �tre rattach�e aux �uvres � pluralit� d’auteurs et, du coup, b�n�ficier de leur r�gime sp�cifique ?
B. Qualification par le processus d’�laboration de l’�uvre
Le Code de la propri�t� intellectuelle distingue entre les �uvres r�alis�es par une seule personne et celles r�alis�es par plusieurs. Il s’agit alors pour ces derni�res du r�sultat d’une inspiration commune ou d’une cr�ation individuelle mais faisant partie d’un ensemble indivisible, ou encore de l’id�e d’un seul qui se concr�tise par des instructions donn�es aux auteurs contribuant � l’�laboration. Sont reconnus en droit interne trois types d’�uvres en fonction de leur mode de r�alisation : les �uvres de collaboration (1), les �uvres collectives (2), et les �uvres composites (3).
Il convient alors de rechercher si l’�uvre multim�dia peut rev�tir l’une de ces qualifications compte tenu de son mode d’�laboration.
1. �uvre multim�dia , �uvre de collaboration
L’article L113-2 alin�a 1er du CPI pr�voit que l’�uvre de collaboration est "l’�uvre � la cr�ation de laquelle ont concouru plusieurs personnes physiques". Tous les cr�ateurs sont alors mis sur un pied d’�galit�. Cette qualification suppose outre l’existence de contribution originale dans l’univers des formes une communaut� d’inspiration et une concertation entre les diff�rents intervenants.
L’�uvre de collaboration vise exclusivement la protection de l’auteur ou plut�t des auteurs. Aux termes de l’article L113-3 du CPI, "l’�uvre de collaboration est la propri�t� commune des coauteurs". Ces derniers "doivent exercer leurs droits d’un commun accord". Cependant le dernier alin�a de cet article L113-3 du CPI pr�voit que "lorsque la participation de chacun des coauteurs rel�ve de genres diff�rents, chacun peut, sauf convention contraire, exploiter s�par�ment sa contribution personnelle, sans toutefois porter pr�judice � l’exploitation de l’�uvre commune".
Quelle est l’incidence de cette qualification sur l’�uvre multim�dia ?
La communaut� d’inspiration caract�risant l’�uvre de collaboration se retrouve-t’elle � l’origine de l’�uvre multim�dia ?
Une �uvre multim�dia pourra recevoir la qualification d’�uvre de collaboration � chaque fois qu’il y aura eu un concours entre les diff�rentes personnes physiques � la cr�ation de l’�uvre. L’application de la notion d’�uvre de collaboration � une �uvre multim�dia suppose que les diff�rents cr�ateurs puissent �tre consid�r�s comme des auteurs de l’�uvre globale, en raison de la nature de leur contribution. Ceux-ci ne sont pas de simples ex�cutants, mais ils doivent avoir fait preuve de cr�ativit� ou d’originalit�. Cela suppose aussi que les diff�rents participants soient tous sur un pied d’�galit�. D�s lors que ces deux conditions sont remplies alors la qualification d’�uvre de collaboration peut s’appliquer � une �uvre multim�dia. Il convient aux juges de proc�der � une appr�ciation concr�te de la situation dans laquelle s’est �labor�e l’�uvre multim�dia pour pouvoir se prononcer quant � sa qualification juridique d’�uvre � plusieurs auteurs.
2. �uvre multim�dia, �uvre collective
Le Code de la propri�t� intellectuelle d�finit, � l’article L113-2 alin�a 3, l’�uvre collective comme celle "cr��e � l’initiative d’une personne physique ou morale qui l’�dite, la publie et la divulgue sous sa direction et en son nom, et dans laquelle la contribution personnelle des divers auteurs participant � son �laboration se fond dans l’ensemble en vue duquel elle est con�ue, sans qu’il soit possible d’attribuer � chacun d’eux un droit distinct sur l’ensemble r�alis�".
Le droit d’auteur sur l’�uvre collective est alors attribu� � la personne qui en a pris l’initiative. De mani�re exceptionnelle, une personne morale peut dans cette situation �tre titulaire des droits sur l’�uvre alors qu’en droit fran�ais la qualit� d’auteur n’est reconnue th�oriquement qu’aux personnes physiques.
Il s’agit aussi d’un r�gime d’exception qui ne peut �tre envisag� que de fa�on restrictive. D�s lors que les conditions qui permettent une qualification d’�uvres de collaboration ne peuvent �tre remplies, il convient de retenir la qualification d’�uvre collective o� les diff�rents contributeurs ne travaillent pas en concertation mais sous la directive d’un promoteur. En effet, la qualification d’�uvres de collaboration devra s’appliquer � chaque fois que l’�uvre est con�ue par des auteurs qui ont en commun un projet et qui se concertent pour le faire aboutir. Ce r�gime tr�s particulier permet de tenir compte de la sp�cificit� de certains cas d’�ditions, tels que les catalogues, les encyclop�dies.
L’assimilation que font certains auteurs de la cr�ation multim�dia � une �uvre audiovisuelle tend � �liminer la possibilit� d’envisager la qualification d’�uvre collective. Une �uvre audiovisuelle est une �uvre de collaboration. Les similitudes entre l’�uvre multim�dia et la base de donn�es, d�duites par d’autres auteurs et ayant les faveurs d’une doctrine majoritaire, permettraient plus facilement d’induire l’application du r�gime d’exception de l’�uvre collective au multim�dia. N�anmoins, il convient de signaler, sans tenir compte des rapprochements pr�cit�s, que chaque fois que l’�uvre multim�dia sera r�alis�e � l’initiative d’une personne, appel�e "coordinateur", qui financera le projet, contr�lera les contributions de chacun sous ses directives et choisira de la divulguer sous son nom, on sera en pr�sence d’une �uvre collective.
Il semble que cette qualification soit dans une certaine mesure la plus souhaitable en ce qui concerne l’�uvre multim�dia compte tenu des investissements n�cessaires au d�veloppement des programmes et de la multiplicit� des intervenants. La participation de chaque contributeur peut alors �tre consid�r�e comme mineure par rapport � l’ensemble et par cons�quent ne pas justifier un statut d’auteur.
3. �uvre multim�dia , �uvre composite
L’article L113-2 du CPI dispose que l’�uvre composite est "l’�uvre nouvelle � laquelle est incorpor�e une �uvre pr�existante sans la collaboration de l’auteur de cette derni�re". L’�uvre composite est la propri�t� de l’auteur de l’�uvre nouvelle, mais il est n�cessaire qu’il obtienne auparavant l’autorisation d’utiliser l’�uvre pr�existante et qu’il paye les droits correspondants. De nombreuses �uvres multim�dias pr�sentent cette caract�ristique, l’utilisation d’une �uvre pr�existante pour donner vie � une �uvre nouvelle. On revient � la notion traditionnelle d’originalit�. En effet, ne seront prot�geables que les �uvres pr�sentant un caract�re suffisant d’originalit�.
Quelle est l’incidence de cette qualification sur l’�uvre multim�dia ?
La qualification d’�uvre composite peut jouer sur la d�termination des droits d’auteurs mais aussi sur leur droit de reproduction et celui d’adaptation. Il y a adaptation de l’�uvre pr�existante d�s lors qu’au-del� de l’op�ration de num�risation, des alt�rations mat�rielles dues � l’usage de l’outil informatique surviennent. Il y a seulement reproduction lorsque l’�uvre multim�dia ne fait que passer l’�uvre pr�existante d’un support � un autre.
La qualification d’�uvre composite reconnue � une �uvre n’exclut pas le fait que cette derni�re soit de collaboration ou collective ou fasse l’ojet d’un r�gime d�rogatoire compte tenu de sa nature, de son contenu.
D�s lors que la Cour de cassation refuse la qualification d’�uvre audiovisuelle aux �uvres multim�dias au motif que ces derni�res sont interactives alors que les premi�res ne le sont pas, la qualification d’�uvre de collaboration tombe aussi. N�anmoins, il appara�t qu’une qualification unitaire de l’�uvre multim�dia suivant son processus de cr�ation soit envisageable. Les auteurs privil�gient l’�uvre collective mais sans pour autant oublier qu’il s’agit d’un r�gime d’exception et donc d’application restrictive.
Le projet de loi transposant la directive du 22 mai 2001 relative � l’harmonisation de certains aspects du droit d’auteur et des droits voisins dans la soci�t� de l’information met-il fin � ces difficult�s en proposant un r�gime sp�cifique en ce qui concerne l’�uvre multim�dia ou passe-t’il sous silence ce point qui a cependant bien besoin d’�tre �clair� ?