Que pensez-vous du syst�me de financement du cin�ma en France et du r�le que tiennent les cha�nes de t�l�vision dans celui-ci ?
En France, pour les �l�ves le syst�me de financement du cin�ma est incomparable et id�al, par rapport notamment au syst�me am�ricain, fonctionnant comme toute autre industrie. Le syst�me fran�ais est effectivement �galitaire et auto-financ� : la TSA (taxe sp�ciale additionnelle) pr�lev�e sur les billets de cin�ma (� hauteur d’environ 13%), sur les diffuseurs t�l�vis�s et sur les cassettes vid�os est revers�e au CNC (Centre National de la Cin�matographie).
Elle sert d’une part � financer le fonctionnement du CNC. D’autre part elle finance un soutien automatique � tout producteur pour le financement du film qu’il souhaite produire, en fonction de l’argent g�n�r� par son dernier film. Et un soutien s�lectif qui peut prendre plusieurs formes dont principalement l’avance sur recette (il s’agit de pr�ts sans int�r�ts, remboursables sur les r�sultats d’exploitation du film aid�).
Par ce syst�me, de nombreux films peuvent �tre financ�s en France (200 films agr��s par le CNC en 2002) dont une part importante de premiers films (41% sur les 200).*
Quant aux cha�nes de t�l�vision via leurs filiales, soci�t�s de production (Studio Canal, TF1 Films Production, France 2 Cin�ma, France 3 Cin�ma, Arte France Cin�ma...), elles participent activement au financement des films car elles ont certaines obligations � tenir.
Canal+ tout d’abord a une obligation de pr�achat de films : elle doit consacrer au moins 20 % de ses ressources totales annuelles � l’acquisition de droits de diffusion d’�uvres cin�matographiques. Quant aux cha�nes en clair, elles doivent consacrer au d�veloppement de la production cin�matographique au moins 3,2 % de leur chiffre d’affaires net de l’exercice pr�c�dent. (ce qui repr�sente en 2002 un financement de plus de 33 millions d’euros pour TFI ; pr�s de 27 et 24 millions d’euros pour France 2 et France 3 et 17 millions d’euros pour M6)*.
Arte, en tant que cha�ne franco-allemande, ne rel�ve pas du droit fran�ais et n’a � ce titre aucune obligation particuli�re en termes de contribution � la production ( qui se monte pour l’ann�e 2002 � pr�s de 6,5 millions d’euros soit 28% de plus qu’en 2001)*.
Du fait de ces diff�rentes sources de financement, une diversit� de films fran�ais sont assur�s de voir le jour. En ce sens, il est "parfait", comme le souligne les �tudiants en production.
Que pensez-vous de la tendance actuelle en France de financement de films � gros budget, ayants une obligation de r�sultat (en nombre d’entr�es, donc financier) ?
Il est certain que les cha�nes de t�l�vision coproduisent des films susceptibles de faire de bonnes audiences le dimanche soir...
En contre-partie celles-ci doivent consacrer au moins 75 % de leurs contributions obligatoires aux soci�t�s de production ind�pendantes (depuis l’adoption du d�cret n° 99-189 du 11 mars 1999 modifiant le d�cret du 17 janvier 1990). Du fait de cet apport financier dans des films � petits budgets, leurs sorties restent souvent assur�es, m�me dans peu de salles.
Cependant pour certains �l�ves le v�ritable probl�me ne vient pas du gros budget des films, mais de ce que l’on en fait. Aujourd’hui dans notre soci�t� de "consommation fr�n�tique", le spectateur attend du cin�ma ce dont il a pris l’habitude ailleurs : "un fast-food visuel".
La profession cin�matographique en est la seule responsable. En se laissant influencer par les tendances dites"� la mode" d�cr�t�es chaque ann�e par une poign�e d’individus "in", elle a accentu� le foss� entre le cin�ma ind�pendant et "alimentaire".
Or un film a gros budget ne doit pas devenir in�xorablement "un film de merde" qui d�laisse l’histoire au profit d’une d�monstration purement technique et visuelle, comme l’affirme Nicolas. Sous pr�texte de rapporter beaucoup d’argent, dans le but de produire des films ind�pendants.
Il existe cependant des exceptions. Certains arrivent, malgr� l’importance donn�e aux effets sp�ciaux, � faire passer une vision personnelle et propre au r�alisateur. Prenons l’exemple de Matrix : il s’agit d’une trilogie � gros budget, mais tourn�e de fa�on ind�pendante, avec des effets sp�ciaux innovants et dont l’histoire fait de nombreuses r�f�rences bibliques (noms des personnages, th�mes du films...). Un genre devenu rentable depuis, aux yeux d’Hollywood, g�n�rant un nouveau clich� commercial.
Le cin�ma, quel qu’il soit, doit �tre un "langage que l’on doit savoir voir et lire". Et pour cela il faut �duquer le sp�ctateur et lui rappeler que le cin�ma est avant tout un art, et pas seulement une industrie.
Ainsi, en r�alisant de bons films � gros budget, on redonnera l’habitude aux spectateurs de d�guster du "bon cin�ma", sans alt�rer � l’obligation de r�sultat.
Sans oublier le succ�s de certains films � petit budgets comme derni�rement le documentaire �tre et avoir !
Pensez-vous que ce sont les producteurs ou les distibuteurs qui ont le plus de pouvoirs sur la r�ussite d’un film ?
Pour les �l�ves en production, aujourd’hui, dans la profession comme ailleurs, "l’argent est le pouvoir". Malheureusement. Ils ajoutent : "Quoiqu’ en disent les "artistes"ou "intellectuels du cin�ma", le cin�ma m�me ind�pendant, est un business".
En principe, ce sont les producteurs qui sont ma�tres d’un film, de sa faisabilit� � sa distribution. Mais que ce soit ces derniers ou les distributeurs, chacun a autant d’int�r�ts � produire et distribuer un film � gros budget qu’un film ind�pendant, pour attirer un public diversifi�. En outre les activit�s de distributeurs et de producteurs sont aujourd’hui tellement li�es et leurs int�r�ts convergents qu’ils participent chacun � la r�ussite d’un film.
Du fait de l’importance actuelle de la r�ussite financi�re d’un film, pensez-vous que les producteurs prennent encore des risques � faire d�couvrir de jeunes r�alisateurs ?
Les producteurs sont toujours � l’aff�t de d�couvrir de nouveaux talents, ils y sont tr�s sensibles. C’est pourquoi ils fr�quentent autant les festivals, petits ou grands qui sont le v�ritable vivier du cin�ma. Ensuite, l’important est le rapport humain entre un producteur et un r�alisateur : un producteur peut croire dans le cin�ma d’un r�alisateur et continuer � le produire m�me s’il n’est pas toujours rentable. (exemple de Chabrol et de sa productrice).
Aujourd’hui en France, les r�alisateurs sont encore libres de faire le film qu’ils veulent. L’intervention du producteur dans le film d�pend des rapports humains qu’il entretient avec le r�alisateur : dans certains cas, le r�alisateur aura besoin d’un recul que lui apportera le producteur ; dans d’autres cas, il n’aura jamais � intervenir. Ainsi le risque pris par un producteur de produire et d�fendre de nouveaux films d�pendra parfois de la confiance mutuelle existant entre le producteur et le r�alisateur.
Etes-vous pr�ts vous-m�me � "grandir" avec de jeunes professionnels du cin�ma...
Les �l�ves en production consid�rent qu’un jeune producteur cherchera � d�couvrir "LE r�alisateur qui lui rapportera de l’argent". Mais c’est loin d’�tre le crit�re principal dans le choix de produire ou non le film d’un r�alisateur. La prise de risque est d’une telle importance qu’un producteur n’acceptera de se battre et de prendre des risques que pour un cin�ma qui le passionne, pour un r�alisateur en qui il croit et avec lequel il entretient de bonnes relations.
Est ce que le financement des films va rester principalement franco-fran�ais ou va t-il s’europ�aniser voire s’internationaliser toujours plus ?
Il est certain que le financement des films va sortir de plus en plus du cadre national. L’Union Europ�enne souhaite faciliter et valoriser les coproductions entre les pays membres. Par exemple, la France d�veloppe de plus en plus la coproduction avec d’autres pays europ�ens soucieux de voir rena�tre leur cin�ma national (Italie, Allemagne, Belgique,...). Ou avec d’autres pays dans le monde.
La coproduction est int�ressante et enrichissante quand elle produit et d�fend un film �tranger, r�alis� par un �tranger, avec des acteurs �trangers ; conservant ainsi une forte identit� nationale et nous faisant d�couvrir les us et coutumes de ce pays. Le regard sur la Palestine que nous offre Elia Suleiman dans son film Intervention Divine a �t� surprenant et � contribuer au succ�s de ce film coproduit par l’Allemagne et la France.
A contrario, une coproduction bas�e sur l’argent peut �tre d�cevante. Elle risque d’engendrer des films "bancales" sans identit� propre, avec un m�lange de style et de genre cin�matographique, un m�lange d’acteurs ; et tourn�s in�vitablement en langue anglaise.
Quelle sera alors la place des producteurs fran�ais au niveau europ�en et international ?
La France dispose d’une grande culture cin�phile, elle se donnera donc toujours les moyens de financer le cin�ma. A ce titre, la production fran�aise conservera une part significative dans la production europ�enne et mondiale de films �trangers.
Il existe en outre en France un vrai march� pour ces films ind�pendants �trangers. Ces films rencontrent un public, int�ress� et influenc� par les palmar�s de certains festivals d’une part et par les m�dias et critiques d’autre part (importance de l’opinion des Cahiers du Cin�ma ou de Positif par exemple). Au final ce cin�ma peut devenir b�n�ficiaire, ce qui explique la t�nacit� des producteurs � en poursuivre le financement.
Les succ�s de l’Homme sans pass�, du Go�t de la cerise ou d’Himalaya le montrent bien. C’est pourquoi on d�couvre r�guli�rement des films venus d’Am�rique du Sud, d’Afrique, des Pays de l’Est, du Moyen-Orient, d’Asie. La production fran�aise doit continuer � s’exporter pour ramener tous ces films et maintenir cette diversit� cin�matographique. Une r�flexion d’un �l�ve de l’�cole l’illustre bien : "Moi qui suis chilien, il n’y a qu’� Paris que je peux voir tous les films de Raoul Ruiz !"
Que pensez-vous des cons�quences sur l’�conomie du cin�ma du t�l�chargement de films sur internet ?
Le piratage sur internet n’est pas contr�lable. Il est certain que le t�l�chargement des films peut �tre nuisible �conomiquement. En particulier pour les "petits" films qui comptent souvent sur la vente de DVD ou cassettes vid�os pour �tre rentabilis�s. Mais contrairement au t�l�chargement de musiques, les difficult�s techniques sont un obstacle aux abus. Le t�l�chargement de films reste long (3 � 4 heures avec l’ADSL), donne des films de moindre qualit�, regardables essentiellement sur l’�cran de l’ordinateur.
En outre il n’offre pas toutes les prestations contenues dans les DVD ( les bonus,...). Au final, peu de spectateurs s’en contentent.