Par arr�t du 12 juillet 2005, la cour de cassation, 1�re chambre civile, vient de censurer une d�cision de cour d’appel condamnant un hebdomadaire � payer des dommages-int�r�ts, sur le fondement de l’article 9 du code civil, � plusieurs responsables provinciaux et/ou dirigeants de la Grande loge nationale de France, pour avoir publi� leurs noms, pr�noms et indications de leurs fonctions au sein des loges.
La cour d’appel avait estim� que cette r�v�lation publique, non consentie par les int�ress�s, constituait une atteinte � la vie priv�e, mais la cour de cassation casse cet arr�t, pour violation de l’article 9, consid�rant que "la r�v�lation de l’exercice de responsabilit� ou de direction au titre d’une quelconque appartenance politique, religieuse ou philosophique ne constitue pas une atteinte � la vie priv�e".
La libert� de pens�e, de conscience et de religion est d�finie par la convention europ�enne des droits de l’homme en son article 9 :
"toute personne a droit � la libert� de pens�e, de conscience et de religion ; ce droit implique la libert� de changer de religion ou de conviction, ainsi que la libert� de manifester sa religion ou sa conviction individuellement ou collectivement, en public ou en priv�, par le culte, l’enseignement ; les pratiques et l’accomplissement des rites".
Cette libert�, fut-elle exerc�e dans le secret, comme c’est le cas en franc-ma�onnerie, ne rel�verait cependant pas, � proprement parler, de la vie priv�e, au sens de l’article 9 du code civil, si on s’en tient � cet arr�t de la cour de cassation.
Or, il convient de rappeler que les informations de cette nature sont rigoureusement encadr�es par le l�gislateur moderne depuis la loi dite informatique et libert�s de 1978, modifi�e par celle du 6 ao�t 2004, qui les consid�re comme des donn�es personnelles et, � ce titre, les soumet � une protection particuli�re.
En effet, la collecte des donn�es � caract�re personnel, tels que les nom, pr�nom, domicile, orientation politique, sexuelle, religieuse ou philosophique des individus, fait depuis pr�s de 30 ans, l’objet d’une r�glementation tr�s stricte.
Ainsi, sous r�serve d’un certain nombre de d�rogations, l’article 8 de la loi du 6 ao�t 2004, pose un principe d’interdiction de collecter ces informations : « Art. 8. - I. - Il est interdit de collecter ou de traiter des donn�es � caract�re personnel qui font appara�tre, directement ou indirectement, les origines raciales ou ethniques, les opinions politiques, philosophiques ou religieuses ou l’appartenance syndicale des personnes, ou qui sont relatives � la sant� ou � la vie sexuelle de celles-ci.
Bien entendu, un article de presse ne constitue pas une collecte ou le traitement de donn�es personnelles, et il ne s’agit pas ici de confondre un ensemble structur� de donn�es particuli�res, avec le droit � l’information et la libert� d’expression. Cependant, l’importance que les d�mocraties accordent � de telles informations, personnelles, m�ritent qu’on s’attarde un peu sur la solution retenue par la cour de cassation.
Un rapide coup d’oeil � la jurisprudence ant�rieure montre que la haute juridiction a pu, dans le pass�, consid�rer que l’�vocation publique d’une pratique religieuse pouvait constituer une atteinte � la vie priv�e, mais sous condition particuli�re que ces r�v�lations �taient faites en vue de discriminations ou d’une volont� de nuire (Cass Civ. 1�re 6 mars 2001, Bull civ I, n°60).
En l’absence de volont� de nuire, la r�v�lation est donc possible, et il n’y a pas atteinte � la vie priv�e. Soit dit autrement, intrins�quement, la pratique religieuse ne ressort pas de la sph�re priv�e. La d�cision pr�cit�e serait donc conforme � la jurisprudence de la cour de cassation.
Cependant, mettre en parall�le la franc-ma�onnerie avec l’exercice d’une religion n’est pas tr�s satisfaisant, non seulement parce qu’elle n’en est pas une, mais surtout du point de vue du secret qui est la grande particularit� de ces groupements humanistes et philosophiques.
Reste qu’aujourd’hui, le secret ne se porte pas tr�s bien, presse et �dition se mettant volontiers au service de la parano�a populaire qui voudrait voir des complots partout, ce qui du reste est �tonnant, les journalistes sont, � juste titre, tr�s soucieux du respect du secret de leurs sources...
En tout �tat de cause, le secret reste mal compris par le profane, qui de "bon sens", ne peut s’emp�cher de penser que lorsqu’on a rien � cacher, on a pas besoin de se cacher....
La m�me suspicion sous-tend les atteintes graves et r�p�t�es � l’encontre du secret professionnel de l’avocat : le secret c’est bien pour les innocents, mais pour les coupables, c’est moche... vous �tes complice, vous devez balancez !
Alors si pour votre malheur, vous �tes avocat et franc-ma�on, alors pardon, c’est LE DROIT DE SAVOIR qui s’applique et seul un passage chez Julien Courbet pourra vous absoudre de tous vos p�ch�s...