En 1997, Canal + a rediffus�, sous le commentaire : " des chansons comme �a, j’en fais tous les jours ", un extrait d’une chanson de Jean Ferrat, enregistr�e en 1961 et intitul�e " Deux enfants au soleil ". En outre, au cours de la rediffusion de cet extrait, Jamel Debouze, jeune humoriste du paysage audiovisuel fran�ais, notait que " si lui a march�, alors j’ai des chances ". Jean Ferrat a alors invoqu� en justice une atteinte � son droit moral, demandant r�paration de son pr�judice. La Cour d’appel a infirm� sur ce point le jugement rendu par le Tribunal de grande instance de Cr�teil, le 19 septembre 2000.
La Cour consid�re en effet que " les apart�s coupant l’extrait d’une chanson, non d�pourvus d’une certaine d�rision, portent n�cessairement atteinte au droit moral de l’auteur, m�me en d�pit de leur vocation humoristique, et ne peuvent �tre ajout�s aux extraits d’une chanson sans l’autorisation de l’auteur ".
Au c�ur du litige, et sa cl�, se trouve la parodie pr�vue � l’article L. 122-5, 4° du Code de la Propri�t� intellectuelle.
A l’image du droit de citation, de la copie priv�e et de la repr�sentation dans le cercle de famille, la parodie d’une �uvre de l’esprit d�j� divulgu�e est une exception l�gale au principe d’autorisation de l’article L. 122-4 du Code de la Propri�t� intellectuelle.
La libert� ainsi accord�e � l’utilisateur par le droit d’auteur dispara�t n�anmoins lorsque la parodie ne respecte pas, en vertu de l’article L. 122-5, 4° du Code de la Propri�t� intellectuelle in fine, " les lois du genre ". Le code fait ici honneur aux usages.
D’une part, le bon p�re de famille humoriste ne doit pas cr�er un risque de confusion avec l’�uvre originale ou se l’approprier. D’autre part, il doit �tre mu par son d�sir de faire rire, c’est " la vocation humoristique " relev�e par la Cour d’appel de Paris. Cependant, il se doit de ne pas d�nigrer l’auteur en portant atteinte � son �uvre ou � sa personne. Or, les apart�s litigieux n’�taient " pas d�pourvus d’une certaine d�rision " selon la Cour d’appel de Paris.
D�nigrement et d�rision sont-ils synonymes ? Il ne semble pourtant pas. La d�rision n’est s�ur, ni de la m�disance, ni de la diffamation. Elle est plus l�g�re et moins virulente que le d�nigrement, lequel est attentatoire � l’auteur ou son oeuvre.
En l’esp�ce, les apart�s de l’humoriste ne sont certes pas d�pourvus d’une certaine ironie, oserait-on �crire de d�rision, mais l’auteur de la chanson n’est pas raisonnablement d�nigr�. En cons�quence, et en l’esp�ce, l’humoriste aurait pu jouir de l’exception de parodie de l’article L. 122-5, 4° du Code de la Propri�t� intellectuelle, l’atteinte au droit moral de l’auteur n’ayant de ce fait pas lieu.
Certes, le lib�ralisme marque la jurisprudence sur la parodie. Oui, les juges ont sans doute eu tendance, parfois, � rire de tout, et de trop. Cependant, les juges de la Cour d’appel de Paris, dans la d�cision rendue le 18 septembre 2002, ont peut-�tre p�ch� par exc�s de ringardise. Si Fernand Raynaud a le m�rite de toujours faire rire aux �clats bon nombre de fran�ais, il serait bon de reconna�tre l’�volution des formes d’humour, de leurs sujets et de leurs expressions. Il est rare que le droit innove. Il est fr�quent que le droit r�fl�chisse la soci�t�. Les r�gles qui r�gissent la parodie m�ritent de suivre ce m�me mouvement.
Enfin, la Cour d’appel de Paris a oubli� que la certitude n’a pas sa place en droit. Le doute est toujours permis. L’utilisation de l’adverbe " n�cessairement " est d�s lors � bannir. Le caract�re syst�matique de cet adverbe est d’autant plus condamnable lorsque le litige appelle une interpr�tation d�licate comme l’implique la parodie.
Une autre question, de nature contractuelle, �tait aussi pos�e � la Cour d’appel qui a confirm� sur ce point le jugement de premi�re instance.
La feuille de pr�sence sign�e par un artiste-interpr�te, en l’esp�ce Jean ferrat, et qui ne porte aucune autre mention que la date de diffusion ni aucune autre clause, constitue-t-elle un contrat au sens des droits voisins ? Non r�pond la Cour d’appel de Paris.
L’exploitation de la prestation d’un artiste-interpr�te implique, d’apr�s l’article L. 212-3 du Code de la Propri�t� intellectuelle, son autorisation �crite. Elle doit pr�ciser les conditions d’exploitation � venir ainsi que les r�mun�rations pour chacun des modes d’utilisation. Si tel n’est pas le cas, la personne investie des droits patrimoniaux de l’artiste-interpr�te ne peut invoquer l’article L. 212-4 du Code de la Propri�t� intellectuelle qui dispose que " la signature du contrat conclu entre un artiste-interpr�te et un producteur pour la r�alisation d’une �uvre audiovisuelle vaut autorisation de fixer, reproduire et communiquer au public la prestation de l’artiste-interpr�te ". En effet, contrat il n’y a pas alors au sens de l’article L. 212-3 du Code de la Propri�t� intellectuelle.
En cons�quence, l’Institut national de l’audiovisuel, qui �tait autoris� par un protocole d’accord sign� en 1996 avec la SACEM, la SDRM, la SACD et le SCAM, � mettre, � la disposition des tiers, des extraits d’�uvres sonores et audiovisuelles appartenant � son fonds, ne pouvait se fonder sur la feuille de pr�sence sign�e en 1961 par Jean Ferrat en sa qualit� d’artiste -interpr�te, pour affirmer qu’il avait autoris� la rediffusion de la chanson enregistr�e en 1961.