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PRESSE & COMMUNICATION
Vie priv�e et droit � l’image des biens
Dossier droit � l’image (2)
Publié le samedi 25 octobre 2003
Par M�lynda Moulla
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L’�volution de la protection - par la jurisprudence - de l’image des biens faisant l’objet d’un droit de propri�t� au sens de l’article 544 du code civil et sur lequel aucun droit de propri�t� intellectuelle ne s’exerce.

En 1997, r�aliser un clich� d’une p�niche appartenant � un particulier en vue d’exploiter commercialement son image, sans autorisation, constituait un "trouble manifestement illicite" � la propri�t� priv�e [1]

Exploitation commerciale de l’image du bien d’autrui sur lequel aucun droit de propri�t� intellectuelle ne s’exerce

Les juges du fond, suivis par la Cour de Cassation, mettaient en avant l’article 544 du code civil dans sa version "absolutiste" en affirmant que le propri�taire disposait d’un droit absolu sur l’image de son bien et qu’il �tait seul en mesure de d�cider d’une exploitation commerciale �ventuelle de l’image de celui-ci.

Ainsi, la premi�re chambre civile a jug� dans un arr�t du 10/03/1999 "Affaire Goudr�e" que "l’exploitation du bien sous forme de photographies porte atteinte au droit de jouissance du propri�taire" [2].

A l’origine de ce litige, les photographies d’un caf� qui avaient �t� reproduites et exploit�es sous forme de cartes postales, sans autorisation du propri�taire.

De m�me, le TGI de Paris a jug� le 23/06/1999 [3], � propos d’un journal qui avait utilis� l’image d’un bateau, devant servir de label d’imprimerie sur une plaquette publicitaire que : "celui qui s’approprie l’image d’un bien aux fins de l’exploiter commercialement doit apporter la preuve de l’autorisation de le reproduire donn�e par son propri�taire".

Pour r�pondre aux critiques virulentes des photographes et autres professionnels dont l’exercice de la profession se trouve menac�e par la s�v�rit� des juges, la cour de cassation a r�examin� le probl�me.

Loin d’�tre un revirement de jurisprudence, la nouvelle tendance inaugur�e en 2001, t�moigne n�anmoins, d’une volont� de mod�ration, d’adaptation du droit de propri�t� aux r�alit�s �conomiques.

Ainsi, la premi�re chambre civile de la cour de cassation, dans un arr�t du 2/05/2001, marque sa volont� de limiter les pr�rogatives du propri�taire s’agissant de l’image de son bien.

Cette affaire concernait l’image d’un �le bretonne qui avait �t� utilis�e au titre d’une campagne publicitaire destin�e � promouvoir le tourisme pour le compte du comit� r�gional de tourisme de Bretagne. La cour d’appel a accueilli la demande des propri�taires en faisant valoir le droit absolu de ces derniers � en autoriser ou non l’exploitation commerciale.

La Cour de cassation casse l’arr�t d’appel sur le fondement de l’article 544 du code civil au motif que pour pouvoir interdire une telle exploitation, les juges d’appel auraient d� pr�ciser "(...) en quoi l’exploitation de la photographie (...) portait un trouble certain au droit d’usage ou de jouissance du propri�taire".

Ainsi, ce n’est plus le fait de l’exploitation commerciale de l’image du bien sans autorisation qui constitue l’atteinte, mais le trouble certain au droit d’usage et de jouissance que cette exploitation pourrait �ventuellement causer au propri�taire.

Le terrain d’appr�ciation de la violation du droit de propri�t� se trouve modifi�, le droit de propri�t� n’est pas �cart�, ce qui explique que le visa soit toujours le m�me (article 544), mais d�limit� dans son exercice.

Selon Gr�goire Loiseau (auteur d’une note sur le pr�sent arr�t intitu� : "Droit � l’image des biens : la cour de cassation pr�cise sa position") [4], la cour veut signifier que toute reproduction de l’image d’un bien ne doit pas �tre � la merci du droit d’opposition des propri�taires.

Deux conditions cumulatives viendraient ainsi, limiter les pr�rogatives du propri�taire dans ce domaine :

� " (...) Seule l’exploitation commerciale de l’image du bien d’autrui est susceptible d’�tre contest�e."

� " (...) la cour de cassation exige de surcro�t que l’exploitation de l’image du bien porte un trouble certain au droit d’usage ou de jouissance du propri�taire".

G. Loiseau estime que la seule consid�ration du trouble potentiel ne permet pas de caract�riser le trouble, qu’au contraire, "l’exigence d’un trouble certain semble en effet imposer que le propri�taire du bien en exploite lui-m�me l’image, sous une forme ou une autre (...)".

Cette interpr�tation semble cependant, �tre contredite par la jurisprudence ult�rieure. La 17�me chambre du TGI de Paris est venu pr�ciser dans une d�cision du 18/02/2002 [5], ce qu’il fallait entendre par "droit de jouissance du propri�taire" :

"Il s’agit du droit de percevoir les fruits et les produits de son bien dans le cadre d’une utilisation de l’image dudit bien autre qu’artistique, culturelle ou d’information g�n�rale du public".

Sur le point de savoir s’il s’agissait de rapporter la preuve d’une atteinte r�elle ou potentielle, le TGI semble avoir opt� pour la seconde. En effet, l’agence a �t� condamn�e, l’atteinte a donc �t� retenue au motif que le d�fendeur avait priv� le propri�taire de la r�mun�ration qu’il �tait en droit d’attendre de l’exploitation commerciale de l’image de son immeuble.

Cette d�cision jette un trouble puisqu’elle permet implicitement � tout propri�taire de pr�tendre qu’il avait l’intention de faire un usage commercial de l’image de son bien, pour que l’atteinte soit retenue.

Cette interpr�tation ne semblait pas d�couler logiquement de l’arr�t de la cour, en raisonnant en terme d’atteinte potentielle et non r�elle et concurrente, on revient, en pratique, � la solution ant�rieure.

La p�rennisation de cette solution d�pendra dans une large mesure du degr� d’exigence ou de tol�rance des magistrats dans l’appr�ciation du trouble ressenti par le propri�taire dans l’exercice de ses droits.

On pourrait affirmer, que lorsque le propri�taire est sur le point d’exploiter l’image de son bien et qu’il est en mesure de rapporter la preuve de cette volont�, l’exploitation par autrui de cette image porte certainement atteinte � son droit de jouissance et d’usage.

A l’inverse, si le propri�taire ne nourrissait aucun projet de la sorte, l’utilisation de l’image � des fins commerciales par autrui ne lui nuit pas, il n’y a donc aucune atteinte.

Plus r�cemment, le TGI (r�f�rence ? ) dans une d�cision en date du 23/01/2002, a d�bout� les propri�taires du Puys du Pariou de leurs demandes et a conclu que ce dernier pouvait figurer sur des affiches publicitaires.

Photographie des biens appartenant � autrui sans finalit� commerciale

Aujourd’hui, il est possible de photographier sans qu’il soit n�cessaire de recueillir l’autorisation du propri�taire des immeubles, un caf�, une p�niche, etc...

Il faut cependant se renseigner sur le point de savoir si un tiers (architecte ou cr�ateur) ne dispose pas d’un droit de propri�t� intellectuelle sur ces biens meubles ou immeubles.

Ces biens doivent �tre accessibles au public, en ce sens qu’il ne faut pas se rendre coupable d’une violation du domicile d’autrui pour r�aliser les photographies.

G. Loiseau constate en effet, que : "La libert� d’information du public est �galement pr�serv�e lorsqu’elle se borne � une diffusion de l’image sans vis�e commerciale. Et aux m�mes conditions, la reproduction � des fins culturelles n’est aucunement menac�e (...)".

Il est n�anmoins important de pr�ciser qu’en ce qui concerne les biens culturels, aucune obligation n’impose au propri�taire de rendre accessible son bien au public. Le fait que des biens appartiennent au patrimoine culturel ne fait pas �chec aux droits des propri�taires.

Avec la nouvelle tendance jurisprudentielle, il est possible d’affirmer que tant que le propri�taire ne cloisonne pas sa propri�t� ou ne la met pas � l’abri des regards, rien ne s’oppose - m�me sans autorisation - � ce qu’un simple passant r�alise des photos ou � ce qu’une agence de publicit� se serve de l’image d’un bien culturel pour sa campagne, sous les m�mes r�serves que celles vues plus haut et �galement, r�serve faite des n�cessit�s de pr�servation et de restauration du patrimoine qui peuvent justifier une interdiction temporaire ou absolue de prendre des photos.

Auteur
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M�lynda Moulla
Juriste
Post-Scriptum

Dossier r�alis� pour le cabinet ANNE PIGEON-BORMANS

Notes & Références bibliographiques

[1] Cour d’appel d’Angers ( 1�re ch. A), 24 novembre 1997 : SARL Phot’ imprim c/ R. Martin. L�gipresse n° 171, mai 2000, page 55.

[2] Chambre civile 1�re, 10 mars 1999 : "Caf� Goudr�e". L�gipresse 2000

[3] TGI Paris (1�re ch, 1�re section), 23 juin 1999 : Belem c/ SA Imprimerie. L�gipresse n° 168, janvier-f�vrier 2000

[4] Gr�goire Loiseau "droit � l’image des biens : la cour de cassation pr�cise sa position" � propos de l’arr�t de la 1�re chambre civile du 2 mai 2001 : " Comit� r�gional de tourisme de Bretagne". L�gipresse n° 183, juillet-ao�t 2001.

[5] TGI Paris (17�me ch), 18 f�vrier 2002 M Dodu c/ Y. Arthus Bertrand. L�gipresse n° 197, d�cembre 2002

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